Chronique du mali debout : Soumeylou sacrifié sur l’autel d’une bataille perdue contre le MNLA

3
Mali: Soumeylou Boubeye Maïga sort de son silence
Soumeylou Boubeye Maïga

De sources indépendantes, les affrontements du 21 mai 2014 à Kidal ont fait plus d’une cinquantaine de victimes et plus d’une cinquantaine de prisonniers dans le camp des forces armées et de sécurité du Mali. Des victimes et des prisonniers qui sont essentiellement de jeunes qui n’avaient aucune expérience de la gestion d’une offensive sonnant plus comme une opération de marketing politique pour la gloire personnelle qu’une action visant à remettre les groupes rebelles à leur place. Dans un tel scénario, l’appel à l’unité nationale autour du pouvoir ressemble beaucoup plus à une réaction d’auto-défense qu’à un devoir républicain.

 

 

Un bouc émissaire a accepté de se sacrifier. La nation doit-elle s’en contenter et renoncer à la vérité sur la visite du Premier ministre à Kidal, qui a été l’élément déclencheur d’une telle effroyable boucherie ? Qui a donné l’ordre de l’opération militaire ayant abouti à la déroute de nos forces armées et de sécurité le 21 mai 2014 à Kidal ? Question machiavélique devant tant de dépouilles d’innocents sacrifiés pour la gloire politique, devant tant de familles endeuillées, de veuves éplorées et d’orphelins inconsolables ! Elle n’est pas sans rappeler la parodie de procès dit «crime de sang» avec la sempiternelle question : Qui a donné l’ordre de tirer ? Comble de la naïveté judiciaire ou politique !

 

 

Qui a engagé les forces armées et de sécurité malienne contre les groupes rebelles et leurs alliés comme si c’était une opération de routine, donc sans risque énorme ? La question a fait trembler la République contraignant vite le Premier ministre et son ministre de la Communication à monter au front pour dédouaner le président de la République, pourtant chef suprême des armées. Il est vrai que le ministre de la Défense a démissionné (et non limogé comme on essaye de nous faire croire). Mais, personne n’est dupe pour croire que SBM est celui qui a engagé les Forces armées du Mali (FAMA) dans cette hasardeuse et humiliante opération. Cet homme d’Etat n’est pas un «tchounè» (un néophyte en langage populaire) en la matière pour ignorer que seul le président de la République peut engager l’armée dans une guerre après avoir consulté l’Assemblée nationale. La question que nous nous posons : est-ce que la hiérarchie militaire avait le choix après les discours va-t-en guerre du chef de l’Etat et de son chef du gouvernement après les actes crapuleux orchestrés par la visite insensée de ce dernier à Kidal.

 

 

Un entêtement coupable ?

D’ailleurs, pourquoi le PM s’est entêté à effectuer cette visite malgré l’opposition non seulement de Serval et de la Minusma, mais aussi de sa propre hiérarchie militaire ? Avait-il besoin de s’y rendre pour recueillir les préoccupations de l’administration et se rendre à l’évidence de leurs problèmes au quotidien ? En analysant certaines déclarations du Premier ministre à son «retour triomphal» de Kidal, difficile de douter de ses réelles motivations à effectuer ce déplacement imprudent. «À l’heure où je vous parle, il y a près de 1000 soldats maliens qui sont arrivés en renfort à Kidal et d’autres renforts sont en cours de route. Les armes dont nous disposons nous permettent de faire de Kidal ce que nous voulons», avait-t-il martelé, avec une fierté à peine voilée, le lundi 19 mai 2014 au congrès de la Ligue des Prédicateurs du Mali (LIPMA). Et le 21 mai, l’armée avait attaqué Kidal pour récupérer le gouvernorat et autres points stratégiques qu’il occupait avant la visite du Premier ministre, sans succès. Une opération qui, au finish, fut un dramatique fiasco car, humiliée, l’armée a enregistré l’une des plus lourdes pertes de son histoire avec plusieurs morts, blessés et prisonniers.

 

 

Auparavant, le 18 mai 2014 à Gao, il avait déclaré sans ambages que «les terroristes ont déclaré la guerre au Mali. Le Mali est donc en guerre contre ces terroristes». Et il aurait assumé l’opération du 21 mai si celle-ci avait été couronnée de succès. Mais, comme la polémique ne cessait d’enfler et le cercle de ceux qui exigeaient la tête du Premier ministre pour avoir sacrifié d’innocents soldats et agents de sécurité ne cessait de grossir, il s’est dérobé pour faire porter le chapeau à la hiérarchie militaire.

 

 

Une visite à dessein ?

Ce qui fait que certaines sources politiques pensent aujourd’hui que la visite du Premier ministre à Kidal, le 17 mai dernier, ne visait sans doute qu’à «mettre le ministre de la Défense dans une position inconfortable afin d’avoir sa tête parce que sa forte personnalité le dérangeait». L’un de ses proches nous avait d’ailleurs défiés en affirmant que le PM allait trouver les moyens de se débarrasser «des Soumeylou en moins de trois mois», afin de rester le seul commandant à bord. Ce qui ne serait pas surprenant car, même s’il accepte le consensus, Soumeylou n’est pas un homme des compromissions. Il était visiblement le seul dans le gouvernement à dire au président et au Premier ministre ce qu’il pensait réellement. Sa forte personnalité dérangeait surtout le jeune Premier ministre qui n’a jamais caché sa volonté d’avoir la mainmise sur son équipe. Et le ministre démissionnaire aurait des relations tendues avec le président car il n’avait plus la même vision de la gestion de la crise que le chef de l’Etat et le Premier ministre.

De nombreuses sources (militaires et diplomatiques) indiquent que Soumeylou était par exemple opposé à la visite du chef du gouvernement à Kidal, parce qu’il la jugeait «prématurée». Il ne faut donc pas écarter l’hypothèse selon laquelle le chef du gouvernement ait contourné son «très puissant» ministre de la Défense pour lancer l’offensive qui a tourné à la boucherie dans le camp malien. Mais Soumeylou a accepté de trinquer pour tout le monde. Même s’il exige depuis la mise en place d’une commission parlementaire pour situer les responsabilités. Et comme le résume si pertinemment une jeune intellectuelle engagée, «après un recul du chef suprême des armées et du PM, un discours du Ministre Boubèye dans la même logique équivaudrait à un désaveu. Les autorités militaires en auraient tiré les conséquences qui s’imposent et le pouvoir politique en aurait pâti». Il fallait donc un bouc-émissaire. Et en la matière Boubèye était bien indiqué en sa qualité de ministre de la Défense. Ne voulant pas sacrifier des officiers sur un autel politique, le ministre de la Défense et des Anciens combattants s’est donc sans doute assumé en rendant le tablier.

 

 

IBK temporairement à l’abri d’une crise politique ?

Visiblement, le président IBK a préféré sacrifier son ministre de la Défense que de se séparer d’un Premier ministre nommé sur un coup de sang, il y a juste un mois. Changer de chef de gouvernement pouvait non seulement conduire le pays à une crise politique, mais probablement renforcer l’opposition politique pour qui ce président majoritairement élu est loin d’être l’homme de la situation pour relever le pays. Le problème est-il pour autant résolu ? Loin de là ! Parce qu’on le veuille ou non, SBM est incontournable dans la résolution de la crise au nord du Mali, à la stabilisation de la bande sahélo-saharienne. Il ne faut pas se voiler la face, cette démission n’est pas une bonne chose pour le pouvoir. Soumeylou Boubèye Maïga était en train de réussir l’indispensable réforme de l’armée malienne. Mieux, il avait réussi à mettre de l’ordre dans le commandement. Homme de réseaux, c’est un expert compétent et influent sur les questions de sécurité dans la bande sahélo-saharienne.  S’il avait suscité une certaine animosité en mettant à la disposition de la justice tous les soldats et officiers impliqués dans les crimes perpétrés par la junte militaire qui avait pris le pouvoir le 22 mars 2012, il était aussi un homme respecté et craint au sein des forces armées et de sécurité de son pays.

 

 

C’est donc un expert que le gouvernement perd au moment crucial d’engager des négociations avec les groupes rebelles. Et il est évident qu’IBK vient de «lâcher un allié qui, de tous les hommes qu’il a lâchés, peut lui faire le plus de mal possible…». Malheureusement, il risque de l’apprendre à ses dépens. Même si pour le SBM, «le plus important, c’est de continuer la mise en œuvre de notre projet commun pour le Mali». Il est alors loin d’avoir perdu le sens de la responsabilité contrairement à ses détracteurs au sommet de l’Etat.

 

 

Soumeylou s’est sacrifié ; mais le peuple doit continuer à exiger la vérité sur la visite du chef du gouvernement le 17 mai à Kidal, et les événements tragiques qui ont suivi.

 

 

Hamady TAMBA

Commentaires via Facebook :

3 COMMENTAIRES

  1. Mr BOUBEYE, moins de bruit, c’est pas la fin du monde? Tout le monde connait la vérité au MALI et hors du pays? Mara etant le chouchou d’IBK, votre destruction était programmée? Restez humble et l’histoire va vous rehabiliter.

    • CE N’EST PAS UN HOMME À SE LAISSER ABATTRE PAR UN MARA? C EST UN DUR À CUIR, CE BOUBEYE. ET IBK A TRÈS MAL FAIT DE PRÉFÉRER MOUSSA MARA À SBM

Comments are closed.