Chronique de Banou : Je suis politicien et je suis versatile !

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Je suis politicien malien, je suis de tous les bords et je n’ai aucune conviction. Excusez ! J’oubliais, j’en ai une : servir mes intérêts.  S’il m’arrivait un jour d’avoir d’autres convictions, je vous jure que ce sera d’abord pour ma famille, mon parti, mon clan et, ensuite la nation. Vous voyez quand-même que je n’oublie pas la patrie ! Non, un instant, il faudrait que j’inverse les priorités : le Mali d’abord, ensuite les autres. Ainsi, vous n’avez plus d’excuse pour ne pas voter pour moi. Je vous promets de bâtir ce pays !

Maintenant que je suis au pouvoir, il faudrait que je m’occupe de moi-même et de ma famille, ensuite on verra. Ne dit-on pas que la charité bien ordonnée commence par soi-même ? Alors, je double le budget de la présidence, je m’offre un nouvel aéronef au nom de la souveraineté. Peu importe le prix, l’essentiel est que mes amis, ayant financé ma campagne, aient un retour sur investissement en surfacturant.  De toute façon pour le peuple, il y a mon programme présidentiel d’urgences sociales. Un petit budget, en deçà des besoins fera l’affaire.

 

Depuis les dernières élections, êtes-vous déçus de mes bilans ? Oooooh, arrêtez de faire semblant ! La queue du coq suit la direction du vent et moi celui de mes intérêts. Je suis versatile et je vous l’avais dit au début. Ce n’est pas parce le chat à été à la Mecque après sa conversion qu’il cessera sa chasse aux souris. Ah oui ! Voulez-vous que je cesse d’être budgétivore, que j’interrompe mon train de vie luxueux, que j’arrête d’être un globe trotteur ? Aïe, je ne suis pas une de ces nonnes qui a fait un vœu de pauvreté. Et puis, depuis quand il faudrait s’attendre à récolter des mangues sur un citronnier ? Mais, c’est à cause de mon slogan : « le Mali d’abord » ? Moi «Kankelentigui ! » : vous y avez crus ? Ôoh vous aussi, tout le monde prêche le paradis avec le pèlerinage ! D’ailleurs, je sais bien que mes 107 voyages, entre 2013 et 2016, ont coûté au contribuable malien, plus de 15 milliards de francs CFA, et cette somme pouvait bien servir à augmenter le budget de mon programme présidentiel d’urgences sociales ; celui-ci étant une goutte d’eau dans le grand chantier Mali.

N’oubliez surtout pas, je suis politicien malien et je suis versatile. Ne paniquez surtout pas, depuis plus de 20 ans je suis au pouvoir ou dans ses arènes. Néanmoins, continuez de me faire confiance, ne désespérez pas, je bâtirai ce pays, inchallah ! Même si je ne sais quand. Sachez que j’aime le Mali, et plus que tout, wallaye !

Eh, ne me dites pas que je suis contradictoire, je suis versatile, je vous avais déjà dit. Versatile veut dire : instable dans ses opinions, contradictoire… Malgré cela, l’incohérence n’est pas de moi, seulement des ennemis de la nation, ceux qui passent leur temps à critiquer et ceux qui ne sont jamais satisfaits. Même si un rapport de l’ONU dit que la situation actuelle du pays est pire qu’en 2012, je reste catégorique que je travaille pour sortir le pays des décombres : ça c’est la cohérence.

Ras Bath dit : choquer pour éduquer ; et moi je dis : faire peu pour contenter. J’ai le mérite de faire le minimum, même si certains pensent que je n’ai rien fait. Cela n’a pas commencé avec moi, si vous voyez qu’en 67 ans d’indépendance, les services sociaux de base manquent dans la majeure partie du pays : c’est sûr que mes prédécesseurs se sont contentés de faire peu.

Quant à Malika, l’ennemi des faux marabouts et des mal-gouvernants, qui dit : on frappe et on continue, je répondrai : on s’en fou et le peuple digère.

Humm, monsieur le politicien, le peuple est loin d’avoir un estomac d’autriche. Et bien, quand l’heure de la révolte sonnera, vous vous rendrez compte qu’il ne digère pas tout.

Monsieur le politicien versatile, vous qui êtes au pouvoir et vous qui le cherchez, sachez que les jeunes sont aujourd’hui conscients, que beaucoup d’entre vous ne sont pas la solution pour le Mali. Ceux d’entre vous, prêts à suer pour la patrie et prêts à trouver les voies et moyens de conjurer la mauvaise gouvernance sont tant minimes que désespérément recherchés.

Dans un monde en course dont nous occupons la queue du peloton, il est inadmissible de se contenter de marcher.

Ensemble nous arriverons, par l’instruction, le devoir de sacrifice et l’intégrité morale.

Par Marcel Banou, Écrivain Rome/Italie

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