A l’approche des élections générales du 29 avril 2012, l’arène politique est en ébullition. Des déclarations de candidature aux créations spontanées de partis politiques, tous les moyens sont bons pour se faire une place sous le soleil luxuriant du pouvoir. Dans ce folklore d’agitation politique, un aspect, pourtant crucial, passe inaperçue aux yeux de l’opinion publique : le mode d’accession des Présidents de partis politiques à la tête de leurs formations respectives.
Après le système de parti unique institué tout juste au lendemain des indépendances dans la plupart des jeunes Etats africains, les années 1990 ont vu une sorte de mouvance insurrectionnelle, pour ne pas dire révolutionnaire, ayant eu comme point d’orgue la réclamation de la démocratie et du multipartisme. Singulièrement dans notre pays, beaucoup de personnes ont payé de leur vie pour avoir tout simplement revendiqué ce qui était inconcevable il y a 20 ans : « donner le droit à tout citoyen de créer son parti politique ».
Après 20 longues années de haut et de bas, qu’en-est-il de l’usage fait de l’instauration du principe sacro-saint du multipartisme consacré dans la Constitution du 25 février 1992 ? A la lumière de ce qui se fait comme pratique politique, je pense qu’il y a une sorte de perversion, orchestrée par la classe dirigeante, qui se renforce de jour en jour à l’insu de tout le monde. Ladite perversion n’est autre que la manière d’accession et de maintien de nos dirigeants de partis politiques au sommet de leurs formations, qu’ils ont tendance à gérer comme si c’était leur propriété personnelle.
La pratique généralisée des faux consensus tirés par les cheveux…
Notion couramment galvaudée et utilisée à tout bout de champs par des chefs d’Etats africains dont la légitimité est plus qu’entachée de doute et de contestations, le consensus est le mot qui est la bouche de tous les leaders de partis politiques briguant ou pas la magistrature suprême d’avril 2012. A force d’en entendre parler, le citoyen ordinaire et les quelques rares militants des différentes formations politiques croient que le consensus est la seule règle qui vaille en démocratie. Hé bien oui ! Ils ont tord. Comment cela se met-il en place ? Au départ, l’élite des partis politiques en question pactise avec le pouvoir en place (le cas de l’allégeance de l’ADEMA-PASJ et du CNID à ATT en est une illustration). Au fait, ils partagent le magot des privilèges découlant de l’exercice du pouvoir. Ensuite, ils s’arrangent pour rester le plus possible à l’écart des questions brûlantes qui concernent la Nation. C’est ce qui fait qu’il est rare de voir les chefs de partis politiques se prononcer ouvertement sur des questions comme le chômage, la cherté de la vie, l’école etc. Ils ne le font pas, car ils sont tout simplement comptables des actions posées par les gouvernements en place. Ils y participent activement et votent des lois que ces derniers proposent. A l’approche des élections, ils quittent soudainement leur état de mutisme pour venir se proposer en sauveur du peuple. Ces mêmes dirigeants de partis politiques mettent tout en place pour être le Président ou bien même le candidat, car le premier rime avec le second, de leur formation politique respective. Cependant, la méthode utilisée pour atteindre cet objectif est de plus en plus assimilable à de la dictature pure et simple. Pouvez-vous me dire le nom d’un seul parti politique au Mali qui a à sa tête un Président ou un Secrétaire Général élu par les militants ? Je pense que vous n’en trouverez pas un seul. La simple réponse qu’on peut donner, s’est qu’ils y viennent tous par consensus. Si sous d’autres cieux les chefs et les candidats de partis politiques sont élus par leurs militants, au Mali nous avons des vieux briscards qui trônent dans leur parti (il faut dire leur parti, car ça n’appartient qu’à eux seuls) comme des Rois et ce, depuis l’avènement de la démocratie pluraliste. Comment est-ce qu’un seul individu peut se maintenir à la tête d’une organisation censée être le laboratoire de la démocratie d’une Nation durant plus de 20 ans ? En plus il s’arrange chaque fois pour s’y maintenir par consensus. Mais il s’agit de quel consensus au juste ? Consensus entre les barrons du parti en question ? Ou consensus entre ces derniers et leur base ? La réponse à cette question ne souffre d’aucun doute. Ce n’est qu’une manière sournoise de se partager le gâteau du pouvoir.
Il va sans se dire que le fait de faire des élections primaires dans les partis politiques est bénéfique à plus d’un titre. Non seulement c’est une mesure de légitimation à priori des dirigeants, mais aussi un moyen d’initiation et d’incitation des électeurs, plus particulièrement les militants dudit parti politique, à l’exercice du vote qui suscite du dédain dans notre pays.
Le jour où les chefs des partis politiques maliens arriveront par des véritables élections transparentes à la tête de leur formation, c’est ce même jour que le souci d’élections libres et transparentes au niveau national sera mis dans le registre des mauvais souvenirs. Alors, dirigeants de partis politiques, sachez que de la manière dont vous venez au pouvoir dans vos partis respectifs, c’est de cette même manière que vous arriverez à la magistrature suprême…le peuple malien n’a pas fini avec les dictateurs.
DAOUDA KINDA