Le silence des chefs. Alors que Rome brûle… ; alors que Benghazzi -Tripoli brûlent, que des escadrons de la mort sont rétribués, nous a-t-on dit, à 9.000 dollars par tête coupée, que le délit de faciès nègre est un lourd handicap, que des patriotes, des hommes tout court, luttent pour changer leur vie et surtout leur futur, les chefs d’Etat d’Afrique en particulier ceux sahélo-saharien se taisent, se terrent. Hier, ils se sont tus sur la Côte d’Ivoire et plus tard sur la Tunisie, ils étaient aphones sur l’Egypte chassant Moubarak et cela… continue. Mais de leurs bureaux feutrés, à l’abri de leurs lourdes tentures, ils soutiennent par des coups de fils discrets voire secrets celui qui s’autoproclama guide dans son pays.
Ces derniers jours des Maliens ont été tué, de nombreux autres, comme eux, ont dit leur détresse sur les médias du monde, mais seront-ils entendus quand on sait que « Kadhafou », selon le mot de Jeune Afrique, les a tous obligés, qui par des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux, des mosquées, mais surtout qui par des sacs d’argent, des devises en francs lourds. Dès lors qui osera s’attaquer au « Grand guide » au nom des peuples mais aussi qui osera le soutenir contre ce même peuple. Là est le nœud gordien d’une politique qui sous des dehors de solidarité, de philanthropie et de coopération Sud-Sud était, a toujours été, celle du placement économique et affectif, en attendant le retour de manivelle.
Cela était d’autant plus aisé pour la puissance émergente que se voulait Kadhafi que la plupart des pays et leurs chefs étaient demandeurs, qui l’ont soutenu quand ils ont estimé qu’il était brimé, à tort. Mais souvent et la preuve en est faite aujourd’hui, au nom de la puissance d’argent, sans conditions, lui ont passé ces caprices, parfois fait allégeance.
Parce que Kadhafi a donné aussi aux peuples faudra t-il que l’on se taise, que l’on restât les bras croisés, les yeux éteints, sourds au drame qui se joue aujourd’hui dans ce pays ? Se taire et laisser mourir pour les mêmes raisons qui ont conduit certains de ces mêmes chefs au pouvoir ? L’Occident plus que l’Afrique a bénéficié de la manne du pétrole libyen et même si ses motivations sont plus complexes a déjà donné de la voix et posé des actes, au contraire d’une Union Africaine aux propos fort candides face pourtant à ce que d’aucuns appellent déjà un pogrom, un désastre humanitaire.
Décidément, même en politique la main qui donne est au dessus de celle qui reçoit. A moins d’aller jusqu’au bout de la logique des peuples et de leurs combats.
S. El Moctar Kounta
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