Autre temps, autres moeurs

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Si les élections doivent se tenir à dates échues, entre fin avril et fin mai, il faudrait au préalable lever plusieurs hypothèques, pour qu’elles soient crédibles, transparentes et régulières.

En effet, il faudra :

1) mettre à disposition dans le bon timing  les documents électoraux fiables dont un fichier consensuel et sécuriser l’ensemble des bureaux de vote, particulièrement  en zones troublées par les attaques meurtrières de la rébellion.

Ceci a été possible en Irak et en Afghanistan, sur des théâtres d’opérations plus sanglants.

L’insécurité a déplacé, il est vrai, des populations par centaines de milliers dans les pays voisins, mais si on tient vraiment à recueillir leur vote, les conditions, sans être idéales, permettraient de le faire car les populations exilées sont sous le contrôle du  HCR et réunies dans des  camps de réfugiées. Cela  serait une innovation et les partis politiques mettraient tout en œuvre pour que l’assistance leur arrive dans leurs nouvelles résidences provisoires contre leurs suffrages. Elles pourraient même voter en file indienne.

2) Quel intérêt ATT gagnerait-il dans des élections non bâclées ?

Le président sortant a intérêt que les élections se tiennent aux dates constitutionnelles échues  pour ne pas accréditer l’idée que tout ce qui arrive au pays est  fomenté par lui et ses affidés jouisseurs. L’opinion selon laquelle il ne serait pas étranger aux troubles qui affectent la stabilité du pays est très répandue et le Président et ses amis politiques seraient bien inspirés d’en tenir compte.

Déjà qu’avec les agressions verbales des épouses des soldats et la tension à couper aux  couteaux qui a prévalu dans le pays, bon nombre de citoyens voient d’un mauvais œil toute tentative du Président de se faire remplacer par un homme-lige. Le spectre du coup d’Etat brandi par le président de l’Assemblée nationale en dit long sur le sentiment  de désespoir de la classe politique.

ATT aura tout connu, de la gloire monumentale avec un statut de héros national, à la pâle image d’icône brisée, jugée par les veuves des soldats égorgés dans le désert malien, où chaque goutte de sang est bue par les sables chauds. L’image insoutenable des soldats , ainsi sacrifiés comme des moutons de Tabaski, va hanter durablement nos mémoires et dire que  cela se passe chez nous au Mali, le pays  qui apporta au monde  la civilisation d’un empire millénaire , dont la charte de Kouroukanfouga  a donné l’image d’une nation en avance sur son temps, en matière de respect des droits humains.

3) Le meilleur baromètre pour mesurer le moral des troupes se trouve être les désertions massives de soldats peu équipés en armes et munitions et qui ont  survécu grâce  à leur capacité à franchir les frontières très poreuses des pays voisins qui avaient pourtant été confrontés à la même menace que le Mali , donc  la même problématique des dommages collatéraux de l’explosion du volcan libyen . Au moment où les pays voisins de Libye,  surexposés aux conséquences dramatiques de la fin tragique de Kadhafi, prenaient des mesures de sauvegarde de leur pays,  le Mali ouvrait son territoire et son trésor aux revenants de la cinquième colonne du Guide et met à présent sur le compte de l’OTAN, ses propres turpitudes.

De mémoire de Malien, on n’avait jamais entendu à l’unisson une classe militaro politique demander un cessez-le-feu sous les coups de boutoir d’une poignée de rebelles, pendant que  80% du territoire est sous le contrôle d’une fraction d’hommes qui fait beaucoup plus de la guérilla sur les dunes qu’un blitzgrig.

Pour qualifier l’armée de vaillance, il faut bien que ses faits d’armes soient conformes aux actes posés sur le terrain par les chefs militaires. On est loin du compte en ce moment, dans un pays où la grande muette s’est habituée aux salons climatisés, aux causeries dans les grains, à la course à l’enrichissement illicite par certains de ses hauts gradés.

Alpha Oumar Konaré est en partie responsable de cette situation. Il est non seulement parrain du Pacte national qui a désintégré l’architecture administrative avec l’intégration massive de rebelles ou de leurs représentants, souvent sans qualification, à tous les échelons de la hiérarchie militaire et dans l’administration publique lucrative, mais aussi il s’est donné le luxe de retourner le pouvoir aux militaires, dans un pays qui venait à peine de sortir de 23 ans de dictature du parti unique chapeauté par un militaire.

Que l’on ne  s’étonne pas que les accords dits d’Alger soient la copie conforme du Pacte national, avec ses hérésies et ses insuffisances. Le tort d’ATT est de croire qu’il pouvait reproduire le même texte et signer la même paix, mais en toile de fond, tirer une gloire solitaire de cette action. Autre temps, autre mœurs, le Mali a changé et l’histoire ne se répète jamais à l’identique. Ce qui pour une époque peut être qualifié de glorieux, serait considéré comme une trahison selon le sort futur des armes à une autre époque. Ainsi va le Mali.

Gerard Dackouo

 

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