Alors que l’équipe du canadien d’origine algérienne, Borassa, mène une grande investigation sur tous les financements dont notre pays a bénéficié depuis 2005 – 76 millions de dollars selon le Fonds Mondial -, Amadou Toumani Touré s’envole ce lundi pour New York où il est invité à prendre la parole pour présenter l’expérience malienne en matière de lutte contre le Sida à la troisième rencontre de reconstitution de ressources du Fonds Mondial pour le paludisme, la tuberculose et le Sida. Cette réunion est prévue les 4 et 5 octobre.
Le front du Sida au Mali
Le Fonds Mondial finance la composante Sida au Mali à travers le Haut Conseil National de Lutte contre le Sida (Hcnls) rattaché à la présidence, avec pour secrétaire exécutif Malick Sène. Le dernier financement appelé R8 a démarré en 2010 pour plus de 18 milliards CFA sur cinq ans. Avec 200 000 séropositifs dont 70 000 ont accès gratuitement aux antirétroviraux, le Mali passe pour le troisième success story africain sur le front de la lutte contre le Sida.
Ce printemps, le Fonds Mondial a même adressé un satisfecit au gouvernement du Mali pour sa conduite du programme Sida. Ce qui ne veut pas dire que tout y est rose. Dans son rapport 2008, le Vérificateur Général, a estimé, lors de son audit de performance au Hcnls, que le circuit de ravitaillement en ARV était un peu trop long, que la durée de vie des médicaments en était affectée et que plus d’efforts devaient être faits pour maîtriser la chaîne de froid dans le but de mieux conserver les produits. Sidi Sosso Diarra a estimé également qu’il faut améliorer l’accessibilité des médicaments pour les villages.
Depuis trois semaines cependant, les enquêteurs du Fonds Mondial, une douzaine comprenant des policiers, experts comptables et magistrats, épluchent les comptes du Hcnls tant au secrétariat exécutif que chez les partenaires de cette structure, les ONG en général, et plus spécifiquement le groupe-pivot Santé et Arcade Sida dont ils ont pompé les disques durs des ordinateurs et scanné les documents comptables. Inutile de dire que l’équipe de Bourassa n’y a pas fait que des heureux. Mais ce sont programmes Paludisme et Tuberculose qui font couler de l’encre. Au propre comme au figuré. Il y a un an, une investigation du ministre de la Santé constatait des infractions graves, surtout une imitation de signatures par le comptable du projet de l’ordre de 200 millions CFA.
Tuberculose et Palu
Mais depuis cinq semaines, l’affaire a pris une nouvelle tournure. Par voie de presse, on apprend que le montant des détournements sur les fonds tuberculose et paludisme porte sur plusieurs millions de dollars et non sur 200 millions CFA, suite à une investigation menée par l’équipe de Bourassa d’avril à juin dernier. Le rapport -que les responsables du ministère de la Santé disent n’avoir pas vu – donne lieu à des poursuites. Une dizaine de cadres de la Santé, dont le Directeur Administratif et Financier du Ministère sont mis aux arrêts pour diverses présomptions : marchés fictifs, faux et usage de faux, surfacturation. Un quotidien de la place ne se prive pas de révélations sulfureuses sur l’affaire. Certains de ses confères s’en prennent à l’auteur de ces articles. La presse internationale s’en empare et internationalise l’affaire. Alors qu’il recevait des médias étrangers, le 21 septembre, le président Touré s’est dit indigné et scandalisé par cette malheureuse affaire.
Il faut dire que les programmes Tuberculose et Palu sont gelés pour l’instant. Les inspecteurs du Fonds qui ont même assisté aux interrogatoires des personnes détenues ont terminé leur mission ce lundi et sont rentrés à Genève avec une masse impressionnante de documents. « Ils ne nous laissent pas que de bonnes impressions », déplore un proche du dossier qui dit pourtant vouloir toute la lumière sur l’affaire.
A New-York, ATT ne peut pas ne pas évoquer la situation des fonds tuberculose et Sida avec les responsables du Fonds Mondial et certains donateurs de cette institution dont des voix questionnent, depuis quelques mois, l’impact réel et doutent de la durabilité financière. Car, au-delà des problèmes conjoncturels, ce qui est en jeu, c’est la survie même de ce fonds dont le principe est que les malades du Sud soient soignés par l’argent du Nord.
Adam Thiam