Amadou Toumani Touré, président de la République : rn« Gouverner un pays n’est pas le fait d’un seul homme »

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« La lutte contre la corruption ne doit pas rester un vain mot. Prenons exemple sur ces cadres de l’Etat qui ne pensaient qu’à l’intérêt du peuple, qui ont rendu d’éminents services au Mali. Citons l’abnégation de Modibo Kéita lui-même qui n’a pas hésité à offrir son champ à l’Etat ou d’Amadou Traoré qui a mis sa librairie à la disposition de tous, qui est devenue plus tard la Librairie populaire du Mali ».

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Telle est la conviction du jeune écrivain malien basé en France Boubacar Eros Diallo, qui soutient mordicus que la réhabilitation de la nation passe par l’évocation et la mise en valeur des principes moraux des anciens.

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Monsieur le président de la République,

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Au seuil de la trente-neuvième année d’anniversaire du coup d’Etat militaire du 19 novembre 1968 je me permets d’attirer votre attention sur le traitement réservé aux camarades de lutte de feu Modibo Kéita, père de l’indépendance.

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Actuellement ils ne sont malheureusement que quelques-uns encore en vie, après avoir, pour une bonne partie passé injustement des années et des années dans les prisons du grand désert dans des conditions inhumaines.

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Pendant ce temps, enfants, épouses, pour échapper au danger d’une vie sans référence patriarcale ont été dispersés au sein de familles d’accueil, au nom de la solidarité. Dieu Seul sait combien ils ont souffert de cette situation cruelle sans père.

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Chaque année vous honorez la mémoire de Modibo Kéita en déposant des gerbes sur son tombeau, en louant sa politique, sa personne dans de longs et interminables discours. Ce qui est honorable en soit. Mais feu Modibo n’a pas mené à bien toutes ses actions pour faire évoluer le Mali, seul. Gouverner un pays n’est pas le fait d’un seul homme. Vous ne direz pas le contraire. Que faites-vous de ses camarades de combat ? Ne méritent-ils pas, comme Modibo Kéita, la reconnaissance de l’Etat ?

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La lutte contre la corruption ne doit pas rester un vain mot. Prenons exemple sur ces cadres de l’Etat qui ne pensaient qu’à l’intérêt du peuple, qui ont rendu d’éminents services au Mali. Citons l’abnégation de Modibo Kéita lui-même qui n’a pas hésité à offrir son champ à l’Etat ou d’Amadou Traoré qui a mis sa librairie à la disposition de tous, qui est devenue plus tard la Librairie populaire du Mali.

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Ils n’ont jamais profité de leur pouvoir pour s’enrichir honteusement. Au contraire, ils ont vaillamment dirigé les sociétés de l’Etat et le pays lui-même. Ils ne possédaient pas de comptes dans les banques suisses, de biens immobiliers, dans chaque commune de Bamako ni d’immeubles disséminés aussi bien au Mali qu’à l’étranger.

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Ces pratiques étaient contraires à leurs principes. La situation est aujourd’hui inversée. Certains cadres, hommes politiques ne se privent pas de spolier les biens de l’Etat au vu et au su de tous. Je ne vous apprends donc rien les faits sont là au quotidien.

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Monsieur le président, il me semble qu’aujourd’hui cette génération d’anciens qui a tant honoré notre culture, notre pays, l’Afrique, doit être réhabilitée et donnée en exemple de probité et de fierté. Ce qui sera hautement symbolique à plus d’un titre. Malgré tous les maux actuels, il faut que la jeunesse sache et comprenne une fois pour toutes, que le Mali d’aujourd’hui ne ressemble en rien à celui d’hier.

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La reconnaissance n’est nullement une faiblesse, elle est au contraire nécessaire. Même si notre ennemi s’appelle le lièvre, il faut au moins reconnaître ses capacités : non seulement il est malin, il court vite et il a de longues oreilles. Quoi qu’on puisse dire, quelles que soient nos opinions politiques, ces hommes ont fait leurs preuves.

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Patriotes convaincus, pionniers de la reconstruction nationale, ces hommes modestes n’aspirent à rien d’autre du Mali qu’ils ont servi sincèrement, loyalement, honnêtement, modestement, dignement, courageusement et passionnément. Je ne saurai vous dire quelle médaille ni quelle reconnaissance leur décerner qui soit à la hauteur de leur sacrifice. Vos collaborateurs sauront mieux que moi vous l’indiquer.

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Monsieur le président, si vous ne connaissez pas la liste de ces honorables et modestes patriotes faites appel aux archives nationales. Sinon Gabou Diawara vit à Médina-Coura, Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djikoroni à Bolibana, Harouna Sow à Badalabougou, Birama Sissoko à Baguinéda pour ne citer que ceux-là…

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Monsieur le président, aujourd’hui nous avons plus que besoin de ces bâtisseurs tant le Mali va mal. Amadou Hampaté n’a-t-il pas dit qu’en Afrique un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle… Devrez-vous attendre la mort des compagnons de feu Modibo Keita pour ensuite aller vous lamenter sur leur dépouille et louer leur patriotisme dans des cérémonies folkloriques que les médias mettent à la une ? Est-ce une façon de préserver votre bonne conscience ?

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Non, non et non ! Monsieur le président, tout ne peut pas se réduire à des reconnaissances à titre posthume. Il faudra honorer ces personnes de leur vivant, et atténuer ainsi dans leur mémoire toutes les injustices commises à leur encontre.

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Nous avons besoin de leurs expériences, de leurs précieux conseils. N’est-ce pas au pied du sage que nous ne finissons jamais d’apprendre ? Leur parcours doit être notre modèle de référence.

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A cette époque pas de jeunesse désœuvrée, pas de corruption, pas de culte de la personnalité… L’adulte montrait le bon exemple. Les cadres étaient des patriotes. Pourrait-on soutenir cette affirmation de nos jours ? Alors, avant qu’il ne soit trop tard, faites un geste à leur égard au moment où le patriotisme se vide de son sens.

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Alors Monsieur le président, faites que l’année 2008, soit une année de mémoire. Et que ce travail de mémoire soit la priorité de la politique du Mali. Laissons la parole aux camarades de Modibo, qu’ils aillent témoigner auprès de la jeunesse, auprès de tous à travers tout le Mali. Il y a urgence, le Mali perd chaque jour ses repères.

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Ne laissons pas à notre jeunesse, l’image d’un Mali corrompu, indifférent, soumis, malade de lui-même. Elle doit comprendre que la dignité, l’honnêteté, le patriotisme sont les valeurs à respecter. Et non comme c’est le cas de nos jours où le voleur devient un héros. Vous aurez ainsi contribué à rendre la vérité accessible à tous les enfants du Mali et à la faire triompher. Quant à ceux qui ne respectent pas cette leçon fondamentale de probité, d’honnêteté, de sacrifice ils seront purement et simplement mis au ban de la société.

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Monsieur le président, même si vous ne faites pas ce geste pour feu Modibo Kéita et ses camarades, de grâce faites-le au moins pour vous. Car plus tard, les enfants du Mali, chercheront à savoir qui était Amadou Toumani Touré, en quoi et comment il a servi la nation malienne. Que restera-t-il de ses mandats présidentiels dans la mémoire collective ?

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L’Histoire jugera… Votre prédécesseur Alpha Oumar Konaré a érigé un Mémorial en l’honneur de Modibo Kéita, maintenant il vous appartient de parachever ce travail par de nouvelles initiatives.

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En espérant que cette lettre retiendra votre attention, je vous prie, Monsieur le président, de croire à mes sentiments les plus patriotiques.

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Aboubacar Eros Sissoko

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(Paris le 29 octobre 2007)

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