Au plan de la sécurité et de la stabilité, l’Afrique de l’Ouest craignait, il y a peu, l’embrasement de la zone Mano et ses retombées sur les pays voisins. Elle a des raisons de soupirer car depuis les volcans sierra léonais et libérien se sont calmés, peut- être éteints, du moins on l’espère. Et si elle a été quelques fois, elle a été à l’origine de frictions entre le Sénégal et la Gambie, la Casamance n’est jamais restée qu’une épine au pied de Dakar et l’épicentre intermittent d’un inconfort localisé. La Côte d’Ivoire n’est plus la poudrière redoutée pour l’espace Uemoa dont elle est la plus forte économie et les pays anglophones et francophones de la Cedeao dont elle l’une des passerelles. Mais, l’Afrique de l’Ouest n’a jamais été durablement dans le cercle vertueux qui permet à ses citoyens et à ses partenaires de dire que les conflits fratricides de l’époque sont à jamais révolus.
C’est plutôt à un cycle de périodes de crises et d’accalmie qu’elle nous a habitués. Ses seuls ilots de stabilité sont pour l’instant le Sénégal, le Ghana, le Bénin et le Cap-Vert. Le Mali est en grand danger d’implosion, lui hier la vitrine adulée de néo-démocraties africaines dont la qualité du dialogue national permit en 1992 de régler la question nomade autour d’une table. Au vingtième anniversaire du célèbre pacte national, il a démontré qu’il n’était au fond qu’un Etat failli qui pouvait perdre son président en deux heures et les deux-tiers de son territoire en quatre mois. La Côte d’Ivoire dont le président, au nom de la Cedeao dépêché au chevet de Bamako nargué par les salafistes, n’est plus en réanimation. Elle a peut-être derrière elle les sinistres charniers d’antan ainsi que le risque d’une scission du pays sur les lignes de fracture régionale et ethnique connues. Mais elle vit beaucoup moins le baroud résiduel d’une crise qui a duré deux décennies, et beaucoup plus le spectre de la vengeance du clan Gbagbo.
La Guinée, autre pays très vocal sur la crise malienne a pu elle aussi conjurer le scénario cauchemar jusque-là. Elle est gouvernée par un président élu et à l’élection acceptée par son opposition. Mais, elle est encore loin d’être le havre de paix qu’elle aurait dû, elle dont les potentialités naturelles lui permettent d’être un pays émergent dans les délais les plus brefs. Et les éruptions de violence qui sont son lot depuis un an sont le signe que le pays d’Alpha Condé n’est pas encore au bout du tunnel. Le Burkina Faso, qui à défaut d’être sans problèmes, dispose d’un Etat fort qui a pu contenir les risques de débordement. Mais son problème ce sera l’après-Compaoré dans quelques petites années. Et son plus grand problème pourrait bien être que Compaoré force un autre mandat. Ce qui se passera du côté de Lomé ne sera pas sans influence pour lui. Rien ne dit, c’est vrai, que le fils Eyadema arrivé au forceps tentera le forcing pour rester au pouvoir malgré les limites constitutionnelles. Mais son opposition en ébullition le pense et le dit. Tout porte à croire qu’il aura contre lui la fatwa du président normal qui, avant même l’Elysée avait annoncé les couleurs contre le tripatouillage des élections et de la constitution. Paris est loin cependant et le grand frère nigérian de plus en plus audible sur la bonne gouvernance mais un peu trop défié en ses propres frontières pour espérer être le père fouettard des mauvais démocrates. L’Afrique de l’Ouest est donc au creux de la vague. Seuls surfent sur ses peurs, les réseaux mafieux, le terrorisme religieux, les pirates de mer et les requins de palais.
Adam Thiam
Belle analyse
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