La semaine écoulée, l’opposant et homme d’affaires béninois, Sébastien Ajavon et trois autres prévenus, ont été condamnés à 20 ans d’emprisonnement et au paiement de cinq millions de francs CFA d’amende pour une affaire de trafic de drogue, dans un verdict rendu à Porto-Novo par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). Un verdict qui est conforme aux réquisitions du parquet. Dans la même affaire, il y a deux ans, l’opposant et ses co-accusés avaient été relaxés au bénéfice du doute et pour absence de preuve par le tribunal correctionnel de Cotonou. Alors, y-a-t-il un coup monté par le pouvoir ?
Sébastien Ajavon est un richissime homme d’affaires. Ce patron des patrons béninois s’était classé troisième à la présidentielle passée, à un seul point derrière l’actuel président qu’il avait soutenu par la suite. Mais depuis, ce faiseur de roi est devenu victime de sa popularité qui gênerait le pouvoir. Pour ses partisans, il n’y a aucun doute, cette cour d’exception a été créée en août par le président béninois aux fins de condamner et mettre dans l’embarras son principal opposant.
Dans le dessein de mettre sous ses ordres la justice de son pays, le Chef de l’Erat Patrice Talon est parvenu à embrigader dans le Conseil supérieur de la magistrature de son pays, qu’il préside, des membres du gouvernement à savoir, les ministres de la Justice, des Finances et du Travail. Ce qui permet au pouvoir exécutif, majoritaire au détriment des magistrats, de phagocyter cette haute institution judiciaire censée être un pouvoir indépendant libre et différent de l’exécutif, pour mieux réguler et discipliner le corps de la magistrature. Un véritable recul du pouvoir judiciaire dans l’ancien « quartier latin » d’Afrique occidentale française.
Cette affaire de justice s’ajoute malheureusement à d’autres entraves que le pouvoir actuel cause à l’avancée du système démocratique du Bénin. Le projet de retirer le droit de grève aux magistrats et aux personnels de la santé et de la sécurité, a été entériné au Bénin. La Cour constitutionnelle, conduite par l’ancien ministre de la Justice du président Patrice Talon, a jugé conformes les amendements apportés par les députés, en 2017 et en 2018, aux lois sur le statut général de la fonction publique et le statut de la magistrature. Ces amendements, que la précédente mandature de la Cour constitutionnelle avait pourtant eu la sagesse de déclarer contraires à la constitution, interdisent la grève à ces catégories de fonctionnaires.
Quid du relèvement de la caution payée par les candidats béninois à la présidentielle ? De 15 millions, celle-ci, par la seule volonté du président Talon, risque de s’élever à 250 millions FCFA. Pour les législatives, il est exigé par liste, une caution de 249 millions de FCA. N’est-ce pas une mesure discriminatoire notoire qui ne favorise que les seuls politiciens nantis ? Ce qui équivaudrait potentiellement à empêcher la majorité des citoyens béninois pauvres à accéder aux postes de président ou de député. Un véritable pied-de-nez à l’exercice du fait démocratique.
Pourtant, avant l’arrivée aux affaires de l’actuel Chef de l’Etat, le Benin faisait figure de bon élève de la démocratie en Afrique. Les alternances au pouvoir que ce pays a connues depuis sa conférence nationale peuvent bien attester ce préjugé favorable, avec à la clef, le retour par les urnes de Matthieu Kérékou au pouvoir pour deux mandats consécutifs de 5 ans chacun, avant de tirer à jamais sa révérence.
Gaoussou Madani Traoré