Le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, a reçu, la semaine dernière à Rabat, son homologue malien, Abdoulaye, notre ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, en visite dans le royaume. Le Mali est la troisième destination des investissements du Maroc en Afrique, il est également le second bénéficiaire des bourses de formation marocaines et c’est un partenaire commercial important du royaume.
Toutefois, notre pays entretient aussi des relations politiques, économiques et militaires aussi importantes que diversifiées avec son voisin algérien (l’Algérie et le Mali partagent 1300 kms de frontière). Actuellement, l’axe Bamako-Alger s’est beaucoup renforcé alors que les deux capitales sont en brouille avec leur ancienne puissance coloniale. Or, depuis des années, la bataille diplomatique entre l’Algérie et le Maroc s’intensifie.
Offres de médiation concurrentes au Mali et en Libye, lutte d’influence à l’Union africaine, le tout assorti de déclarations peu amènes… La joute diplomatique entre Rabat et Alger est désormais rude. Ce « classico » diplomatique entre le Maroc et l’Algérie, qui se joue depuis plus de quatre décennies, sur le dossier du Sahara s’est fortement étendu ces derniers moments aux pays du Sahel.
Pourtant, sur la question du Sahara occidental, le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, dit s’en remettre à l’Institution onusienne pour une solution juste et durable, tout en rassurant que « le Mali n’entreprendra rien qui soit fondamentalement opposé aux intérêts du Maroc ». Notre pays peut-il réellement rester neutre et préserver de bonnes relations avec deux pays aux intérêts antagonistes ?
Après son indépendance en 1960, le Mali s’était doté d’une diplomatie orientée vers la politique de bon voisinage, des relations bilatérales avec les autres pays d’Afrique non frontaliers du Mali et la promotion de la paix dans le monde. Ainsi, la diplomatie malienne avait joué un rôle prépondérant dans l’accélération du processus d’intégration économique de notre pays dans la sous-région, dans l’unité et le développement de l’Afrique.
Entre 1960 et 1968, l’action diplomatique du Mali a été très dense. L’on se rappelle, entre autres, de la médiation diplomatique que le président Modibo Keïta avait victorieusement menée entre l’Algérie et le Maroc pour mettre fin à la Guerre des Sables qui opposait, au début des années 60, ces deux pays maghrébins. À cette époque, la vitalité de la diplomatie malienne dépassait la dimension bilatérale et sous-régionale. Car sur la scène internationale, en dépit de la guerre froide qui sévissait entre le bloc de l’Est et celui de l’Ouest, notre pays jouissait de la présence à ses côtés des grandes puissances mondiales.
Le Mali s’était beaucoup illustré dans les fora internationaux par une grande capacité à la fois de propositions et d’actions. Cette présence de qualité a eu pour corollaire, le renforcement de la crédibilité de notre pays en termes d’écoute et de confiance de ses partenaires dont le cercle ne cessait de s’élargir. Mais hélas, depuis 1968, la diplomatie malienne a perdu sa crédibilité. Pire, le pays est aujourd’hui victime d’enjeux économiques et géostratégiques de la part des grandes puissances. Notamment de la France.
Le Mali, même si cela semble très difficile et compliqué, doit forcément faire un choix objectif non seulement entre Alger et Rabat, mais aussi entre les grandes puissances. Notre pays doit aussi et surtout clarifier ses relations avec son ancienne puissance coloniale. Cette real politik va exiger de notre pays une redéfinition de son action diplomatique, d’autant que les deux Etats, en perpétuels conflits larvés, ont aussi des relations privilégiées avec des grandes puissances différentes.
Dans un monde en pleine tourmente (immigration, terrorisme international…), il faut nécessairement construire la nouvelle diplomatie malienne. Il convient ainsi d’analyser des mutations majeures actuelles afin de les adapter à l’outil diplomatique actuel. Cela permettra certainement à notre pays de reprendre la place qui est la sienne dans le concert des nations.
Gaoussou Madani Traoré
faites attention a ALASSANE MR DIOP
Dîner Ouattara-Macron : renforcement des relations bilatérales
En France pour quelques jours dans le cadre d’une visite privée, le président ivoirien Alassane Ouattara a pu s’entretenir avec Emmanuel Macron, au cours d’un dîner organisé à l’Elysée. Crise politique malienne, sécurité en Guinée, tensions dans la sous-région, etc. l’occasion d’aborder de multiples sujets.
Entretien privé
Profitant d’un voyage privé en France, Alassane Ouattara a rencontré son homologue mardi 12 octobre dernier, à Paris. Quelques mois après leur dernière rencontre du 3 mars 2021, cet entretien avec Emmanuel Macron est le deuxième depuis la réélection du président ivoirien en octobre 2020. Pour de nombreux observateurs, la première rencontre post-électorale manifestait la validation par la France de l’élection présidentielle ivoirienne.
Aujourd’hui, ce nouvel entretien est perçu comme une affirmation des liens forts qui unissent les deux hommes, et par conséquent, les deux pays. “C’est le signe que les relations entre la Côte d’Ivoire et la France sinon entre Ouattara et Macron ont toujours été au beau fixe. C’est pareil pour les deux premières dames, Dominique Ouattara et Brigitte Macron, qui elles sont très amicales (…). D’ailleurs ces deux dames ont déjeuné ensemble le vendredi 8 octobre à Paris”, rapporte une source proche de l’Elysée.
Sujets sensibles à l’ordre du jour
Au menu de cette rencontre : processus de transition en Afrique de l’Ouest – notamment en Guinée Conakry et au Mali – situation politico-sécuritaire dans la sous-région, etc. Sur la question malienne, Alassane Ouattara a répété son opposition au déploiement de mercenaires russes affiliés au groupe Wagner. Pour lutter contre le terrorisme, l’homme fort ivoirien préfère d’ailleurs augmenter le nombre de soldats déployés au sein du contingent de la MINUSMA – aujourd’hui, 650 soldats sont basés à Tombouctou. Il réaffirme également sa position concernant la tenue du prochain scrutin malien, souhaitant, tout comme ses pairs de la CEDEAO, qu’il soit maintenu au 22 février prochain.
Position ferme également pour la Guinée, où Alassane Ouattara envisage la fin de la période de transition dans les six prochains mois avec, à l’issue, des élections pacifiques organisées sous l’égide de la communauté internationale. D’autant que le président Alpha Condé, renversé le 5 septembre dernier par les putschistes, est toujours entre les mains de ces derniers. Véritable chef politique et médiateur sur la scène internationale, Alassane Ouattara s’érige comme un moteur de stabilité dans une région empreinte de tensions politiques et sécuritaires.
Si les sujets internationaux ont monopolisé une grande partie du dîner, les deux hommes se sont également entretenus sur les enjeux ivoiriens, en particulier le statut juridique de l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) ou encore la finalisation de la mise en oeuvre du troisième Contrat de désendettement et de développement (C2D). A ce titre, le premier C2D (d’un montant de 630 millions d’euros) a permis d’améliorer l’accès à l’eau potable pour près de 600 000 Ivoiriens, et créé de l’emploi pour 2 000 jeunes. Il a, tout comme le deuxième C2D (2015-2020) évalué à 1,125 milliard d’euros, porté sur six thématiques : développement urbain et assainissement, éducation et emploi, transports, agriculture, santé et justice.
Des relations bilatérales privilégiées
Les bonnes relations qu’entretiennent Alassane Ouattara et son homologue français participent également à l’entente cordiale entre les deux pays, sur un certain nombre de sujets. De la lutte antiterroriste aux multiples échanges commerciaux – la Côte d’Ivoire est le 1er partenaire commercial de la France au sein de la zone UEMOA et le 2ème en Afrique subsaharienne, après l’Afrique du Sud -, en passant par la coopération militaire – AILCT -, culturelle, technique ou encore scientifique – formation, éducation – , les deux pays bénéficient d’une relation basée sur des “liens historiques et d’amitiés”, comme le rappelait Emmanuel Macron lors d’une visite en Côte d’Ivoire en décembre 2019.
Une relation bilatérale renforcée également par l’annonce d’Emmanuel Macron le 8 octobre dernier – au cours du 28ème sommet Afrique-France -, de la restitution du tambour d’Ebrié. Un instrument utilisé comme un outil de communication entre les diverses tribus ivoiriennes, mais surtout, un objet hautement symbolique. Il s’agit d’un”geste fortement historique”, d’après les chefs traditionnels, alors que le “tambour parleur” (Djidji Ayokwe), actuellement conservé au Musée du Quai-Branly, avait été confisqué par les colons en 1916. “Nous remercions le président Macron et attendons une suite favorable”, a déclaré Clavaire Aguego Mobio, chef du peuple des Ebriés.
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