Afri’Actu*: « Me Wade dégage ! »

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A l’issue de manifestations (très vite dégénérées en émeutes) initiées par la coalition de l’opposition sénégalaise, la société civile et ralliées par les étudiants, le président Abdoulaye Wade s’est vu contraint de retirer son projet de  révision constitutionnelle : « Ticket Président-Vice/Président en un seul tour de scrutin, simplement à 25% des suffrages ». Ce projet aurait dû être débattu et certainement approuvé à l’Assemblée Nationale.

Est-ce que c’est la pression de la rue qui a eu raison sur le dit projet ou bien comme le prétendent les proches du pouvoir, une décision sage de leur mentor en vue de préserver la paix et la cohésion nationales ? Une chose est, en tout cas, sûre et  évidente l’opposition sénégalaise, la société civile, et les étudiants ont pu mobiliser une foule importante autour de l’Assemblée Nationale, ce jeudi, pour empêcher les députés d’y pénétrer et de voter  les amendements constitutionnels voulus par le Président ces jours-ci. Lors de ces manifestations, on pouvait lire sur des pancartes  des inscriptions comme : « Me Wade dégage », réclamant sa démission du pouvoir toute chose qui illustre la détermination des sénégalais de façon claire et nette de ne pas être spoliés de leurs acquis démocratiques en récusant toute dévolution dynastique ou autre. L’opposition ne doit pas s’arrêter là et doit manifester de façon continue et pacifique pour pousser le président autocrate au départ ou lui mettre hors de nuire. Puisque ce dernier est déterminé à maintenir au pouvoir sa famille biologique ou politique. Pour ce faire depuis des années il s’est rapproché des dignitaires religieux musulmans à travers son ralliement à toutes les confréries  que compte le pays, sachant l’influence notable de ces religieux sur la population. D’ailleurs des sources proches du pouvoir disent qu’il aurait renoncé à son projet d’amendement constitutionnel sous le conseil du clergé musulman.

  Ainsi nous pouvons constater que l’opposition sénégalaise a gagné une bataille mais pas la guerre. Elle doit donc  accentuer la pression en pérennisant les manifestations de rue, seule alternative à sa disposition pour empêcher le pouvoir de dériver, car très peu représentée à l’hémicycle où elle ne peut jouer convenablement son rôle d’opposition parlementaire. Heureusement que la roue de l’histoire tourne et est arrivée au pays de la terranga pour rappeler à Me Wade, qui hier en mission commandée du G8 (les 8 pays les plus industrialisés) traitait à Benghazi le guide libyen de dictateur et demandant même son départ du pouvoir alors que dans son propre pays, lui il se comporte en véritable fossoyeur de la démocratie naissante en faussant les règles du jeu à son avantage. Il doit comprendre qu’à partir de ce jeudi 23 juin 2011, le peuple sénégalais lassé de sa méthode de gouvernance basée sur le népotisme, le culte de la personnalité…et l’incohérence ne se laisserait plus faire et voudrait une autre expérience politique, car l’actuelle a atteint ses limites. Quelle ironie de sort pour ce donneur  de leçons de démocratie.
* Par Gaoussou Madani TRAORE


Le Droit d’en Parler
La gifle de la rue sénégalaise à Wade
Les prémices d’une révolution noire ?

Au fil du temps qui passe, les événements politiques du continent renforcent ma conviction que la politique est une maladie dangereuse qui déséquilibre le système nerveux de l´homme le plus serein, le plus lucide, le plus humain. La scène que le Sénégal vient de nous offrir est l’illustration du fait que le peu d’humanité qui peut rester à un homme quand le gâtisme a rongé une partie de sa raison, ne résiste pas à la violence d’une hallucination politique. Même quand cet homme s’appelle Abdoulaye Wade. Ou devrais-je dire surtout quand cet homme s’appelle Abdoulaye Wade.
J’avoue que cet avocat m’a fasciné des années durant. Comme me fascinait aussi un certain Koudou Laurent Gbagbo. Non pas vraiment parce que j’avais des griefs contre ceux qu’ils combattaient dans leurs pays respectifs, mais parce que, dans ma compréhension de la démocratie, il était important que le mandat présidentiel soit limité. Et que par l’alternance, il soit offert à d’autres sensibilités du peuple de prendre les rênes du pouvoir pour partager avec tout le monde leurs expériences et leur vision et apporter un nouveau souffle à la gouvernance. Et, de ce point de vue, j’appréciais déjà beaucoup le système occidental de la gestion du pouvoir : deux mandats au maximum. Et je me disais que si dans un pays comme les Etats-Unis d’Amérique qui est la première puissance politique et économique au monde, la durée de vie des présidents au pouvoir n’excède pas huit ans, c’est qu’il y a vraiment de bonnes raisons de militer en faveur de la limitation des mandats. Là-bas, on ne parle pas de chantiers qu’on a commencés et qu’on doit forcément terminer avant de partir. Voilà pourquoi j’étais des plus heureux au monde quand, dans les années 90, le vent de l’Est qui a fait exploser l’Union soviétique en Asie, fait tomber le mur de Berlin en Europe, a fortement secoué et parfois déraciné des baobabs en Afrique. Pour moi, à partir de cette époque-là, on ne pouvait plus entendre des propos du genre : « Chez nous, un roi ne cède pas le pouvoir, il meurt sur le trône. » La plupart des Lois fondamentales sur le continent se sont mises à muer pour introduire la limitation des mandats à deux. Il y avait comme une éclaircie pour les oppositions africaines qui, à force de marcher, avaient fini par user toutes les semelles de toutes leurs chaussures ! 
Je me réjouissais de ce que je considérais, très naïvement alors, je m’en rends compte aujourd’hui, comme une avancée démocratique. Wade et Gbagbo étaient pour moi l’incarnation de la pensée démocratique, de l’alternance, de la liberté d’expression, de la liberté tout court. Mais voilà ! Exercer le pouvoir est une réalité différente de s’opposer au pouvoir. Une réalité tellement différente qu’il aura fallu des militaires et un flot de sang pour faire partir de son fauteuil, Laurent Gbagbo. Une réalité tellement différente que depuis son accession au pouvoir, Abdoulaye Wade, de manière bien souvent maladroite et inintelligente, procède à des retouches constitutionnelles qui cachent mal son intention de ‘’mourir’’ au pouvoir.

J’ai fini par comprendre que la démocratie à l’occidentale, pour ce qui est de la limitation des mandats, était hors de la portée de nombreux hommes politiques africains. Surtout ceux qui ont gouverné par la peur, par le pillage, par la gabegie, par le népotisme, par la tricherie, par l’assassinat des opposants… Parce qu’ils savent qu’il existe une justice internationale qui, quoi qu’on en dise aujourd’hui, peut sévir quand ils ne seront plus couverts par le velours immunitaire que confère le trône. Alors, ils préfèrent envisager la mort au pouvoir plutôt que de se livrer aux orties.

J’ai fini par comprendre que les déclarations de nos présidents quant aux efforts qu’ils font pour faire de leurs États de vrais modèles démocratiques en Afrique, ne sont que du verbiage utilitaire et démagogique. Ils ont besoin du soutien des puissances occidentales. Alors, ils se sentent obligés de tenir des discours qui peuvent attendrir ou ‘’mystifier’’ ceux-là mêmes  dont le soutien financier leur permet de s’enrichir davantage et de flatter le peuple par des pseudo réalisations qui, en réalité, n’améliore en rien son quotidien.

J’ai fini par comprendre qu’en politique, l’hypocrisie est la meilleure ceinture de sécurité des démocrates pervers. Ceux qui disent ‘’démocratie’’ en pensant ‘’autocratie’’. Ceux qui disent ‘’mon peuple’’ en pensant ‘’mes moutons’’. Ceux qui profitent des soucis quotidiens qui détournent l’attention du peuple de la gestion de l’État pour mieux l’asservir, l’assujettir, le ruiner, le condamner à la misère éternelle. Tout cela, j’ai fini par le comprendre. En comprenant aussi pourquoi un jour ou l’autre, certains moutons se transforment en panthères pour attaquer le berger insolent et maladroit qui abuse de son bâton. Mais ce que je n’arrive toujours pas à comprendre, c’est la cécité sociale qui fait que certains ne voient pas l’immensité de la foule qui envahit les rues des immenses cités de la pauvreté qu’ils ont construites et qui se dirige vers le siège de leur pouvoir pour crier leur ras-le-bol, leur trop-plein de misère. Je n’arrive toujours pas à comprendre la surdité politique qui fait que les mêmes n’entendent pas les clameurs les plus fortes qui s’élèvent du fond du peuple pour monter vers eux comme une sorte de douloureuse symphonie de la faim qui sonne la fin d’une longue patience ignorée.

Je n’arrive toujours pas à comprendre le nanisme intellectuel qui fait que les hommes politiques se croient toujours plus forts que le peuple qui leur a donné sa force et cette légitimité dont ils se prévalent pour sévir avec hargne et violence face aux moindres contrariétés.
Non, j’ai du mal à comprendre que la politique rende des hommes si impassibles, si imbéciles, si inconscients, si inconstants, si incontinents, sur notre continent ! Je ne comprends pas que même l’homme le plus intelligent, dès qu’il accède au pouvoir, se comporte comme un être immature et irréaliste. Une chose est sûre, les peuples africains commencent à se réveiller et de plus en plus de moutons se transformeront en panthères pour affronter tous les bergers sordides illuminés à outrance par un pouvoir somme toute fragile qu’ils finiront par perdre.

J’ai honte du recul humiliant de Wade face au peuple qu’il avait voulu bercer pour mieux le berner. Comme j’ai eu honte pour Gbagbo quand je l’ai vu quitter le pouvoir menottes aux poignets. Si Wade sait lire, s’il peut lire les signes, il est encore temps qu’il renonce à son rêve d’éternité au pouvoir. Le Gaïndé qui vivait en lui est déjà mort. Étouffé par sa boulimie du pouvoir, de la gloire et des paillettes.

Je pense, sincèrement, que la gifle magistrale que la rue sénégalaise vient de donner à Wade est une belle leçon pour ses autres compères du continent. Ne sont-ce pas là les prémices d’une révolution noire inspirée par la révolution arabe ?
Wade doit donc se raviser et négocier une sortie digne de la scène politique de ce pays où il a été l’idole de tant de jeunes aujourd’hui désillusionnés et plein de rancœur contre lui.
Mais comme en politique le ridicule renforce l’orgueil…           Bien à vous.
Par Minga S. Siddick

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