Frederik Willem de Klerk, homme d’État sud-africain, a tiré sa révérence ce 11 novembre 2021 à Fresnaye. Sa disparition va longtemps diviser l’opinion nationale sud-africaine et mondiale sur le rôle qu’il aura joué dans l’histoire de son pays. Pour avoir eu le cran, en 1990, d’impulser le changement radical de politique à l’Afrique du Sud blanche, raciste et violente, afin celle-ci soit contrainte d’accepter la fin de la politique d’apartheid en 1994, il bénéficie d’une certaine grâce. Quand d’autres, au contraire, ne lui pardonnent pas d’avoir été, pendant une très longue période, un artisan chevronné de la politique de ségrégation raciale dans une Afrique du Sud multiraciale (Noirs, Blancs, métis Indiens).
Mais Frederik de Klerk avait douze ans, lorsque le système politique en Afrique du Sud est devenu officiellement un racisme d’État. Cet environnement politique ségrégationniste va nourrir idéologiquement et conditionner toutes ses actions politiques, jusqu’à ce qu’il accède à la magistrature suprême, en 1989. Cependant, dès l’année suivante, il libère de prison Nelson Mandela, incarcéré depuis vingt-sept ans. Ensemble, ils commencent à démanteler le système d’apartheid. Donc, c’est cet Homme d’Etat (Blanc) Sud-Africain ségrégationniste qui est aussi celui qui a enclenché la mécanique qui permit à mettre fin, quatre ans plus tard, à l’apartheid. Cela avait valu à l’ex-président sud-africain d’avoir reçu le Prix Nobel de la paix en 1993, conjointement avec Nelson Mandela, pour avoir amené le pays vers la démocratie multiraciale au lieu de sombrer dans un bain de sang.
Mais en avait-il vraiment le choix ?
Certainement pas ! D’autant qu’il est certain que la Bataille de Cuito Cuanavale en Angola (janvier 1988), marquant toutes les limites de la solution militaire, est un tournant décisif pour la fin de la politique d’apartheid en Namibie (occupée militairement entre 1971 et 1990 par l’Afrique du sud) mais aussi en Afrique du Sud proprement dite. Cette bataille, qui mit aux prises 7 000 soldats sud-africains et 10 000 combattants de l’UNITA contre 20 000 soldats angolais et 5 000 soldats cubains, est la plus importante bataille engagée sur le continent africain depuis la Seconde Guerre mondiale.
Se soldant par un échec relatif de toutes les forces engagées, le gouvernement ségrégationniste d’Afrique du Sud et ses soutiens occidentaux comprirent qu’il fallait négocier la paix : accepter l’indépendance de la Namibie et mettre fin à la politique d’apartheid en associant la majorité noire au pouvoir. Mais, il faut noter également que les sanctions économiques ont, par contre, affaibli le régime, avant qu’il ne se saborde, à l’instigation de De Klerk. Mais personnage controversé, De Klerk n’a de cesse été très critique envers les gouvernements successifs post ère Mandela. Il ne s’est pas lassé de multiplier des déclarations malheureuses, ambiguës, à propos de l’apartheid, la politique de « développement séparé » dont le but ultime était de faire vivre dans des zones différentes, Blancs et Noirs.
S’en est-il vraiment repenti ?
Dans son message vidéo posthume, diffusé quelques minutes après sa mort, Frederik De Klerk se défend d’avoir été un nostalgique de ce passé honteux et tient à « présenter ses excuses pour la douleur, l’indignité, les blessures profondes et les destructions que l’apartheid a fait subir aux Noirs, aux personnes d’origine mixte et aux Indiens sud-africains ». Il s’en excuse en tant qu’ex-responsable du parti au pouvoir, mais aussi à « titre individuel », admettant – ce qui au passage n’a jamais fait aucun doute – avoir soutenu ce système en ses « jeunes années ». De toute façon, Adieu De Klerk !
Gaoussou Madani Traoré