Naguère stable sur le plan socio-politique grâce à la politique de fermeté du régime en place, qui s’est toujours appuyé sur l’armée pour circonscrire toute velléité de grogne ou de mécontentement, le Burkina Faso (pays des hommes intègres) connaît des soulèvements de tous genres ces temps-ci. Dans un premier temps, c’est un soulèvement d’élèves et d’étudiants à Koudougou qui tourne à la bavure en causant la mort d’un jeune scolaire. Ensuite, ce sont des syndicats de travailleurs qui manifestent contre la vie chère dans tout le pays.
Mais, le clou des manifestations s’illustre par les diverses mutineries dans les différentes garnisons militaires de la capitale, de Tenkodogo, et surtout de PÔ (ville garnison frontalière du Ghana et non loin de la capitale) où sont formés et cantonnés les redoutables commandos- parachutistes qui constituent l’essentiel de la Garde présidentielle avec la gendarmerie nationale. Est-ce là des signaux d’essoufflement du régime en place depuis plus de vingt ans et qui ne favorise aucune alternance politique ? Ou un simple moment de flottement du régime Compaoré ?
En tout les cas, les soubresauts socio-politico-militaires que le pays vient de connaître ne sont pas le fruit du hasard si l’on se rappelle que, depuis au moins trois années, on a assisté à des troubles sociaux et politiques récurrents menés par les étudiants et les travailleurs, les premiers réclamant de meilleures conditions d’études, les secondes demandant un meilleur pouvoir d’achat (pour faire face à la crise économique), une transparence dans la gestion de l’Etat, bref des changements politiques. Mais, face à ces manifestations, l’armée et les forces de sécurité étaient-là à la rescousse du régime, en réduisant de façon musclée les opposants. C’est dire que, jusque-là, le Président Compaoré et son régime n’étaient confrontés qu’à des grognes passagères.
Mais, aujourd’hui, la donne semble changer à partir du moment où ce sont les protecteurs eux-mêmes qui entrent dans la danse de contestations à travers des mutineries à répétitions ou des réclamations corporatistes en ce qui concernent les policiers. Depuis la prise du pouvoir du Président Compaoré en 1987, jamais il n’a été confronté à une telle manœuvre de déstabilisation politique.
Pour faire taire les premières mutineries, le président a été contraint de rencontrer les militaires (de la hiérarchie aux hommes de rangs) en leur promettant la prise en compte de toutes leurs doléances. Mais le hic, c’est que malgré toutes ces promesses à la Grande muette, nous avons assisté encore à une nouvelle mutinerie la semaine dernière à Bobo-Dioulasso, qui a semé le désordre et le chaos au sein de la population civile à travers des pillages de commerce, des tirs à balles réelles causant la mort d’innocentes personnes.
Cette dernière mutinerie n’a pas eu le même traitement que les précédentes. Au contraire, elle a été matée dans le sang par leurs frères d’armes, essentiellement des soldats de la garde présidentielle, venus spécialement de Ouaga et PÔ. Cette fermeté du pouvoir est –elle due au fait que les mutins avaient pour ambition de prendre d’assaut la RTB de Bobo Dioulasso pour lire des textes ? Ou bien, serait-elle la révélation de signaux montrant une division au sein de l’armée nationale burkinabé ? Or, on ait que le pouvoir du capitaine Blaise Compaoré repose jusque-là sur les commandos parachutistes de PÔ (son corps d’origine) et la gendarmerie nationale, considérés par les Burkinabés comme les enfants gâtés de l’armée, car bénéficiant de plus de moyens matériels et financiers que les autres.
Certainement la suite des événements nous édifiera tant le malaise est profond au sein de la société civile en général mais de l’armée en particulier. Le peuple burkinabé a besoin certainement d’une alternance politique, après plus de deux décennies de dictature.
* Par Gaoussou Madani TRAORE