Affaire Amadou Diakité-Fifa : Les dessous et les non-dits de la suspension

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La Fifa a suspendu six de ses officiels soit pour corruption soit pour violation des règles contre la corruption. Parmi eux, notre très respecté compatriote Amadou Diakité. Enquête dans une affaire scabreuse.

Seul l’avenir dira si c’est un coup de journalistes du Sunday Times cherchant à s’assurer de la « moralité » du vote du 2 décembre à Zurich où la Fifa désignera le pays organisateur du Mondial 2018 et 2022, la Grande Bretagne étant candidate. En tout cas, les officiels britanniques ont pris leurs distances, par écrit, avec le Sunday Times. Lequel titrait mi-octobre dernier : « Mondial 2018, des votes à vendre » avant de poster sur son siteweb une conversation filmée par caméra cachée entre deux de ses journalistes et Michel Zen Rufinen, ancien secrétaire général de la Fifa.

 On peut y entendre dans leur conversation – les noms ont été effacés- que les membres X ou Y de la Fifa seraient sensibles à l’argent et que par conséquent ils seraient achetables et que Z lui n’est sensible qu’aux charmes féminins! Ambiance. Le journal accuse Rufinen lui-même de corruption. Mais celui-ci menace d’ester en justice. Un compromis sera-t-il enfin trouvé ? Possible car depuis, l’ancien secrétaire général n’est plus considéré que comme « indicateur ». Restent six autres officiels de la Fifa. Il s’agit de Reynald Temarii (vice-président), Amos Adamu (membre du Comité Exécutif), Slim Aloulou (président de la Chambre de Résolution des Litiges et membre de la Commission du Statut du Joueur), Ahongalu Fusimalohi (secrétaire général de la Fédération Tongienne de Football), Ismael Bhamjee (membre d’honneur de la Caf). A ceux-ci s’ajoute notre compatriote Amadou Diakité, membre de la Commission des Arbitres. 

Le cas particulier d’Amadou Diakité

Tous écopent de sanctions allant de 1 à 4 ans décidées par le Comité d’éthique de la Fifa. Les films et enregistrements audio incriminent sérieusement le Nigérian Adamu et le Tahitien Temarii. L’un écope de trois ans de suspension pour avoir demandé 570 000 euros en échange de son vote. L’autre qui a exigé 1 600 000 euros pour une académie de sport dans son pays est suspendu pour un an. Aux quatre autres officiels, il a été reproché d’avoir été en relation avec le processus de désignation des villes hôtes des Mondial 2018 et 2022. Amadou Diakité est suspendu pour trois ans. Comment ce professionnel respecté dans son pays et en Afrique et aujourd’hui submergé de réactions de sympathie en est-il arrivé là ? Il ne traînait pas de casserole et il siège à la Fifa depuis 1998.

 Il n’est plus membre votant mais par le passé, il a voté l’attribution de deux coupes du monde. Parallèlement, l’homme qui fut président de la Fédération Malienne de Football de 1992 à 2002 a participé à l’attribution de dix Can en tant qu’officiel de la Caf depuis 1992. D’apparence serein mais profondément affecté, assurent ses amis, Diakité évite de parler à la presse de sa suspension car il entend faire appel de la décision du comité d’éthique. Cependant nous avons fait plusieurs recoupements à travers les articles de presse, les avocats-conseils et de certains proches de l’homme. Diakité aura pu être contacté par le même groupe que ses autres camarades.

A la différence que ne les ayant pas rencontrés physiquement, lui n’a donc pas pu être filmé. C’est début octobre qu’il aurait reçu un premier coup de fil de la part de supposés entrepreneurs intéressés à investir dans le développement des infrastructures sportives et du sport au Mali. Le Malien accepte et accepte d’autant plus volontiers que ses interlocuteurs lui promettent pour deux ans un contrat annuel de 100 000 livres sterling pour sa collaboration. Il attendait donc le juteux contrat quand intervint le second coup de fil du même groupe. Cette fois-ci, ses interlocuteurs abattent leur jeu : ils font du lobby pour que les USA puissent être désignés comme l’hôte de la Coupe du monde 2018 et ils veulent de Diakité d’agir dans ce sens auprès de ses camarades de la Fifa. Plus d’une heure de conversation au cours de laquelle, assurent des sources proches du dossier, notre compatriote leur aurait demandé de prendre contact eux-mêmes avec ces « camarades ». Nous n’en saurons pas plus et peut-être les « entrepreneurs » n’avaient pas besoin de plus pour prévenir la Fifa sur ces « écarts ». Tout ira alors très vite d’autant que d’autres officiels sont victimes de la même machination.

Enjeux d’un sale coup

Jeudi 15 octobre, ils reçoivent tous un mail laconique du Sunday Times leur annonçant la parution dans leur édition du 17 octobre d’un article sur le fait qu’ils ont violé les règles éthiques de la Fifa dont le siège est, par ailleurs, informé et qui, parant au plus pressé, suspend les officiels concernés pour un mois. Et le 16 novembre, entendus à Zurich avec leurs avocats, ils prennent connaissance de leur seconde suspension. Les avocats du Malien exigent l’audition du premier coup de fil reçu de ses « interlocuteurs » et qu’ils soient auditionnés séance tenante. Ils n’obtiennent pas gain de cause.

 Ils s’entendent seulement répondre qu’ils peuvent saisir la Commission d’appel. Avec quelque chance de succès ? Difficile, répondent les connaisseurs car cette Commission est aussi un organe de la Fifa. Le recours le plus crédible, et les avocats de Diakité se disent déterminés de le saisir, au besoin, est le Tribunal arbitral du Sport. Celui-ci relève du Comité International Olympique et il est composé de juristes indépendants. En attendant, l’affaire soulève quelques problèmes. Le 19 novembre, dans le quotidien britannique « The Guardian », M. Sulsen, le président du Comité d’éthique de la Fifa, s’insurge contre le Sunday Times. C’est du « sensationnalisme qui  fait encore plus mal à l’image de la Fifa », dit-il, critiquant les méthodes d’investigation des deux journalistes à la base de l’affaire : Jonathan Calvert et Claire Newell.

 Puis, dans le Sunday Times du 21 novembre, ceux-ci reprochent à la Fifa d’avoir fait un traitement partiel des résultats de leurs investigations qui auraient dû, selon eux, aller plus loin que les sanctions prononcées contre les six membres. Ils se disent scandalisés que des accusations contre d’autres officiels de la Fifa n’aient pas été considérées, notamment dans le cas des votes passés où de substantiels paiements auraient été faits à des officiels non nommés dans l’article en question. Des familiers de la Fifa ne sont guère étonnés.

En particulier, cette ancienne star mondiale du football qui nous confie que la purge devait tôt au tard être faite contre les Africains de la Fifa considérés comme les inconditionnels de Issa Hayatou. Lequel était candidat -battu- contre Blatter en 2002 qu’ils n’ont pas soutenu. Pas plus qu’ils n’ont soutenu le Suisse en 1998 contre le Suédois Johanson. Qu’il ait quelque chose à voir avec ces affaires ou non, le président de la Fifa auquel l’écrivain britannique prête tous les défauts du monde dans le brûlot qu’est le livre « Carton Rouge », selon nos sources, doit se frotter les mains.

Adam Thiam  

 

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