Dans une dizaine de jours, plus exactement vendredi 11 juin, l’Afrique accueille, pour la première fois de son histoire, la phase finale d’une coupe du monde de football. Et c’est aujourd’hui, comme l’exige la Fédération internationale de football association, que les spectateurs, auditeurs et téléspectateurs connaitront la liste définitive des vingt-trois joueurs retenus par chacune des trente-deux équipes qualifiées (élues ?) pour l’Afrique du sud.
Le Mali, bien sûr, sera absent de cette compétition-ci, exclu parce que les « Aigles » ont eu les ailes coupées, lors des matchs de qualification. Mais pour l’heure, malgré le recrutement d’un nouveau dompteur d’aigles indolents, l’ex-international français, Alain Giresse, malgré l’approche des qualifications de la Coupe d’Afrique des nations 2012, la composition des « Aigles » n’intéressent guère outre mesure les Maliens, du moins, dans une certaine proportion. Et pour cause.
D’abord, la crise alimentaire, certains parlent de pénurie, voire de famine, qui sévit, notamment dans les régions du Sahel et du Sahara, durement éprouvées. Le gouvernement et la communauté internationale, fortement interpelés, sont en train de se mobiliser et de faire le nécessaire pour conjurer le mauvais sort. Ensuite, le front social qui s’agite de plus en plus, avec certains enseignants, en grève depuis des mois et qui sont en train de s’entendre avec les autorités, mais qui attendent que le gouvernement tienne ses promesses de leur permettre des lendemains meilleurs, et d’autres qui menacent de déserter les classes, d’abord pour douze jours, s’ils n’étaient pas satisfaits sur le champ ; avec les travailleurs de la société HUICOMA qui sont au désespoir du chômage technique et des retards de salaires, les agents de la compagnie cotonnière qui sont sur des charbons ardents dans la perspective d’un licenciement massif, les magistrats et greffiers qui sont à l’affût, les élèves et étudiants qui désespèrent d’avoir une année académique normale. A ne pas oublier les islamistes et fanatiques de tous bords, qui attendent de pied la nouvelle mouture du Code des personnes et de la famille en relecture dans l’Hémicycle.
Tous ces ingrédients d’un cocktail explosif font que nombreux sont les Maliens qui ont le regard tourné vers une autre compétition, au sommet. Vers le sélectionneur national, Amadou Toumani Touré, dont on attend le remaniement de l’équipe nationale de l’exécutif. Partira, partira pas ? Le départ de l’actuel capitaine de l’équipe suscite plein d’interrogations. Ils sont nombreux, ceux qui souhaitent son limogeage, parce que, dans ce pays, les Premiers ministrables sont subitement devenus légion, notamment au sein des états-majors des formations politiques. Chaque chef de parti, même ceux qui, il n’y a pas longtemps se prétendaient de l’opposition, a la prétention de pouvoir porter le brassard de capitaine et de faire mieux qu’un Modibo Sidibé pourtant au cœur des grands dossiers, depuis près de deux décennies.
En fait, outre les nombreuses spéculations et supputations, la seule énigme demeure la véritable intention du principal intéressé : Modibo Sidibé désire-t-il réellement rester à son poste ? Certains lui prêtent l’intention de se présenter à la présidentielle de 2012, et pour cela, la décision de laisser son brassard pour mieux se préparer au scrutin, en indépendant ou affilié.
Toujours est-il que dans la perspective de cette longue partie, près de deux années, qui requiert certains réaménagements techniques, remaniements et limogeages immédiats, les entrainements sont de plus en plus durs, les doutes, de jour en jour plus ténus. Les bancs de touche étant suffisamment pourvus par la classe politique- partis politiques, indépendants et Mouvement citoyen- et les technocrates, qui tous veulent faire leur entrée sur l’aire de jeu gouvernemental, les titulaires actuels rivalisent d’ardeur et ce manœuvres pour garder leur poste. Mais beaucoup de ces derniers ne doivent de figurer dans l’équipe qu’à leur appartenance politique. Et il se trouve que, excepté quelques rares titulaires, les ministres politiques ont déçu en grande partie, et raté leur mission. L’illustration la plus parfaite est sans aucun doute la porte-parole des politiques et du gouvernement dont le plan de communication et d’éclairage manque de clarté, de visibilité et de lisibilité. La parolière est muette, sourde et aveugle. Sans doute parce que ses collègues, pourtant tous dotés de chargés de communication, de même que la primature, se sont enferrés dans un calamiteux manque de communication, se sont calfeutrés dans un bureaucratisme improductif, et ont échoué, pour la majorité d’entre eux, à traduire en actes leur feuille de route respective.
Les éventuelles sanctions, cartons jaunes pour les avertis et cartons rouges pour ceux qui seront contraints de regarder le match du haut des gradins, seront largement justifiées et, même, souhaitables. Du moins, c’est ce que pensent les arbitres, l’opposition, qui ont été invités au jeu. A rappeler que les plus honnêtes et réalistes, pour une fois, ont décliné l’offre, au motif que l’on ne peut être joueur et arbitre, en même temps.
Mais le sélectionneur national, lui, l’a-t-il compris ? En voulant, coûte que coûte, organiser paisiblement son cinquantenaire et « gérer » tranquillement la fin de son second ( ?) mandat, Amadou Toumani Touré, ATT pour son «fan’s club», semble tendre la perche à tous les joueurs, bons et moins bons, performants et trainards, titulaires et remplaçants, volontaristes et calculateurs, tricheurs et laborieux.
Or, avec de tels joueurs, la compétition pourrait vite se révéler fade, insipide, incolore, inodore et sans saveur. Comme lors de la première phase, 2002-2007, avec un jeu concerté et consensuel qui a vite révélé ses limites et n’a été agrémenté que par la campagne électorale de la présidentielle de 2012, lorsque certains « consensualistes » se sont subitement retrouvés dans une « opposition » de circonstance, avec l’outrecuidance de critiquer et décrier une gestion à laquelle ils ont largement participé.
Cheick Tandina