À la loupe : Saupoudrage

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Le centre de la ville de Kidal
Le centre de la ville de Kidal

La visite d’experts des services techniques de l’Etat dans la région de Kidal pour évaluer les besoins des populations en services sociaux de base (santé, eau, éducation, énergie, etc.), le soudain copinage, à Anéfis, entre les responsables politiques et militaires de la Coordination des mouvements de l’Azawad et de la Plateforme des groupes d’autodéfense sous l’œil des chefs de chefs de tribus et de notables, la perspective de la réouverture des classes, aujourd’hui, dans cette région sont autant de facteurs dont certains peuvent se prévaloir pour faire croire que l’Accord de paix est en bonne marche. Le doute est cependant permis.

Avant de passer près d’un mois à sillonner la région de Kidal, ces experts, conduits par un directeur d’académie de l’enseignement, savaient exactement à quoi s’en tenir sur la situation qui prévaut dans cette région depuis fin mars 2012, quand les éléments du Mouvement national de libération de l’Azawad, aidés par des pairs terroristes, ont pris le contrôle des régions du nord. S’évertuant à faire disparaitre toute trace de développement socioéconomique. Arrachant les portes et fenêtres des écoles, des centres de santé, des locaux publics et privés. Volant les lits, matelas et médicaments dans les centres de santé. Volant les armoires et tables-bancs dans les salles de classe. Enlevant les véhicules des ONG et projets de développement évoluant dans la zone et faisant fuir les coopérants et acteurs du développement. Si les régions de Tombouctou et de Gao ont été quelque peu rééquipées depuis leur libération de la présence des terroristes par des troupes étrangères, à partir de janvier 2013, Kidal, restée sous la domination des rebelles terroristes, a continué sa descente aux enfers malgré le retour éphémère de l’administration et de l’armée malienne, en  2014, toutes deux cantonnées et sans liberté de mouvement.

Flirt

Quant aux retrouvailles entre groupes armés de la CMA et de la Plateforme à Anéfis, localité qu’ils se disputaient quelques semaines plus tôt en vue du contrôle des couloirs des trafics en tout genre, ce n’était pas non plus un scoop. Ces adversaires d’hier avaient déjà eu l’occasion de flirter en Algérie, lors des négociations inter-maliennes. En contact pendant plusieurs mois à Alger, ces personnes, dont beaucoup d’entre elles se connaissaient bien avant le déclenchement de la rébellion de janvier 2012, avaient des raisons de s’entendre pour aller au plus vite à la signature d’un accord de paix, d’autant plus que de nouveaux « intrus » s’invitaient à la table pour avoir, eux-aussi, leurs dividendes. Mais ce copinage ne se pratique qu’au sommet, et rien ne garantit la tranquillité à la base, d’autant plus que le sommet n’a plus véritablement prise sur la base. C’est d’ailleurs la raison de la présence des notables, des chefs de tribu et des leaders communautaires, chargés désormais de contenir les ardeurs et la fougue de la troupe.

Concernant la réouverture de l’école, il est certain que cela se fera sans les enseignants, lesquels sont peu désireux d’aller en terrain hostile sans la couverture douillette de l’administration et, surtout, des forces armées et de sécurité. On demande donc, à partir de ce 19 octobre, à des élèves d’aller étudier dans des salles de classe sans portes et fenêtres, sans tables et tables-bancs et sans personnel enseignant et administratif.

Aucun de ces facteurs ne constitue donc un gage de mise en œuvre de l’accord signé les 15 mai et 20 juin à Bamako entre gouvernement malien et groupes armés. Ils ne constituent pas non plus un gage de  réussite de la lutte contre la véritable insécurité qui menace tout le pays : le terrorisme sous couvert de l’islam. La réussite de cette lutte implique la mise en œuvre de certaines dispositions de l’Accord. A commencer par le respect des arrangements de cessez-le-feu, ce que ne garantissent ni un copinage entre chefs de guerre ni une balade d’experts.

Réintégration

En réalité, au lieu des querelles vaines pour la prise de contrôle de structures comme le Comité de suivi de l’accord ou la Commission vérité, justice et réconciliation, il s’agit de mettre d’urgence les dispositions de l’Accord relatives au cantonnement et au désarmement de tous les groupes armés non étatiques évoluant dans le nord et qui sont devenus depuis peu les partenaires du gouvernement dans un esbroufe qui ne dit pas son nom. Mais dès maintenant, les forces armées et de sécurité et l’administration doivent commencer leur redéploiement progressif sur toute l’étendue du territoire national. Et, pour les premières, prendre en charge la défense et la sécurité. Il ne sert à rien, en effet, de désarmer des groupes armés et de les réarmer ensuite soi-disant dans le cadre de patrouilles conjointes incontrôlables dans une zone qu’ils connaissent.

Quant à la réintégration des groupes armés, véritable et seul objectif de ceux-ci depuis le début des négociations, cela peut attendre, car l’intégration d’ex-combattants dans les forces militaires et paramilitaires n’a pas toujours calmé les ardeurs belliqueuses de certains. De plus, la justice, même pas la transitionnelle, ne s’est pas encore prononcée sur plusieurs dossiers concernant des responsables de groupes armés.

Cheick TANDINA

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2 COMMENTAIRES

  1. je suis indigné par tout ce qui se passe au nord du mali. ils peuvent tout tenter mais le mali pour eux restera le Mali. Allah n’aide pas les injustes. A chaque trou creusé chez nous, il sera creusé 10 chez eux et, ils tomberont dans chaque. Tant que le Mali n’aura pas la paix, le monde occidental ne vivra pas une journée de silence, de quiétude, de paix.

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