Chronique satirique de Tiekorobani : Le député boxeur n’en était pas à sa première expérience

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Bourama Tidiani Traoré vient d’entrer, à coups de poing, dans l’histoire comme Hitler y est entré à coups de canon. Traoré est un député élu, en 2013, dans la circonscription de Kati, sous la bannière du RPM, le parti de LadjiBourama. Député ? C’est, du moins, ce que l’on croyait jusqu’à ce que le compère dévoile, mardi 25 novembre 2014, son vrai programme: boxer. Et pas n’importe quelle boxe, mais la boxe bambara, qui se fait à la fois des pieds, des mains et de la tête. Seul regret pour la nation: au lieu d’exercer ses immenses talents contre les jihadistes qui occupent le nord, le champion local de boxe préfère prendre pour cibles les paisibles citoyens du sud, tel  le pauvre juge de paix de  Ouélessébougou, Amadou Bocar Touré. Mon propos n’est point de vous décrire les combats qui, dit-on, ont tourné en la défaveur du député: frêle comme une guêpe maçonne, celui-ci s’en serait tiré avec un front cabossé et le nez en sang. Mais quels enseignements tirer de cette incroyable scène ?

 

Honorable Bourama Tidiane Traoré
Honorable Bourama Tidiane Traoré

Je note tout d’abord qu’à la manière d’une calebasse de vin, la moutarde du prestige fait tourner la tête du député. Agé de 50 ans à peine, le bonhomme a accumulé une fortune au Congo-Brazzaville où il vivait et où il a fiévreusement soutenu la campagne présidentielle de LadjiBourama. Après avoir construit une école à Bananzolé, son village natal, il a arraché, dans la foulée, un poste de député au nez et à la barbe des anciens animateurs du RPM. On le voit, tout réussit à notre ami Traoré qui tient à le faire savoir à… coups de poing!

Ses premiers coups, il les réserve à Yeah Samaké, candidat battu à l’élection présidentielle de 2013. L’histoire se déroule en octobre 2014, il y a juste un mois. Une équipe de l’administration territoriale sillonne l’arrondissement de Ouélessébougou: elle est chargée de poursuivre le récensement administratif à vocation d’état-civil (RAVEC). Sachant que le fichier RAVEC servira aux prochaines élections, Traoré démarche les agents récenseurs qui, sur ses instances et à ses frais, acceptent d’aller récenser en priorité les villages où pullulent les militants du RPM. Ce manège politicien n’est pas du goût de Yeah Samaké, maire de Oulessébougou et président du parti PACP. Il fait savoir au député que les équipes de récensement sont les hôtes du maire, premier responsable de la commune, et qu’elles n’ont pas à suivre l’agenda tracé par un député. Grosse colère du bouillant député qui, soit dit en passant, est un transfuge du parti de Yeah. Ni une ni deux: Traoré tombe à bras raccourcis sur Yeah qu’il abreuve de coups. Que croyez-vous qu’il lui en coûta ? Rien, bien sûr ! Ne s’appelle-t-il pas Bourama, homonyme de LadjiBourama ? N’est-il pas, comme Ladji, un élu de la nation ? N’est-il pas, comme Ladji, dûment encarté au RPM, le parti au pouvoir ?

Bourama Traoré n’est pas seulement rude des bras; il l’est aussi de la langue. Le vieux Cheybane en sait quelque chose. Agent retraité des Eaux et Forêts et promoteur de l’hôtel “Faguibine”de Ouélessébougou, il milite au RPM depuis la nuit des temps. Il ne tarde pas à indisposer Traoré qui, quoique nouveau-venu dans le parti, ne supporte guère d’y entendre une autre chanson que la sienne. Un jour que les deux hommes ont une vive altercation, Traoré lance à Cheybane : “Pourquoi te mêles-tu de politique ici, chez nous ? Retourne au nord, ton terroir d’origine !”. Ces graves injures racistes ne conduisent leur auteur ni en prison, ni dans un violon de police.

Fort de l’impunité dont il a toujours joui, le député décide de briguer la médaille d’or de boxe en marchant sur le corps du juge de Ouélessébougou.Il se présente chez le magistrat à 18 heures passées, donc nuitamment. A son interlocuteur ébahi, il demande des comptes immédiats d’un dossier judiciaire en cours. Comme le juge lui oppose le secret de l’instruction, l’élu lui déclare, du haut de son mandat, être venu exercer sa mission de “contrôle de l’action gouvernementale”. Le juge n’est pas ministre pour subir le contrôle d’un député, mais ça, Bourama Junior s’en moque comme de sa dernière attaque à poings armés. Il fond sur le magistrat comme un vautour sur sa proie. On connaît la suite…

Il n’y a que dans une République bananière comme la nôtre que des incidents de ce genre se produisent. L’impunité, marque de fabrique malienne, n’est-elle pas la mère de toutes les pagailles ? En 2012,  notre pays a battu le record universel du ridicule lorsque son président, Dioncounda Traoré, grand homme de paix devant l’Eternel, fut bastonné et laissé pour mort dans son palais par une foule aux mains nues. Ses agresseurs ? Ils courent toujours, bien que la plupart d’entre eux se soient fait allègrement photographier sur les lieux du crime et que ces douces images inondent le Net. Plus récemment, le domicile de l’ancien président Alpha Oumar Konaré fut attaqué par des inconnus lourdement armés. De sanctions ? Point ! Il y a quelques mois, une vingtaine de marchés ont pris feu les uns à la suite des autres. Les auteurs et complices de ces actes aux allures crapuleuses ? Ni vus ni connus ! A Kidal, une grande foule d’officiers compétents et de soldats au patriotisme avéré ont pris leurs jambes au cou, abandonnant à l’ennemi les 69 milliards de FCFA d’armements nouvellement acquis de gré à gré par l’Etat. De sanctions? Point! Bien au contraire, les grades exceptionnels de colonel et de général continuent de pleuvoir comme par magie! Plus près de nous, un groupe de hauts dignitaires a vidé la soupe nationale à la faveur des providentiels marchés du Boeing et des matériels militaires. Les compères mangeurs n’ont absolument rien à craindre, Alhamdoulillah: ils bénéficient, paraît-il, de la présomption d’innocence, laquelle est cependant vite remisée au placard quand il s’agit, par exemple, de mettre au gnouf les ex-putschistes et assimilés. En fouillant les archives, on découvre que fin 2012, une dizaine de députés ont vu leur immunité parlementaire pompeusement levée pour des reproches crimes divers : à ce jour, ils boivent du lait Nido, bien au chaud dans leur lit, à mille années-lumières du bagne. En 2012, des criminels jihadistes et séparatistes ont envahi le pays, égorgé nos soldats, violé nos filles et amputé nos compatriotes: au lieu de les pendre haut et court, l’Etat les a libérés par fourgons entiers sans que, pour autant, ils renoncent à leur cher Azawad. Deux de leurs complices sont même devenus députés sur…la liste du RPM! Cérise sur le…turban, les braves combattants azawadiens ont remis le couvert en mai 2014, chassant de Kidal le Premier Ministre, égorgeant des préfets et faisant un sort à l’armée. Ne parlons pas des journalistes passés régulièrement et impunément à tabac. Ni des malheureux villageois spoliés quotidiennement de leurs terres par des spéculateurs connus comme le loup blanc. Ni des 265 cambriolages qui, entre septembre et novembre 2013, ont frappé les populations de Sébénicoro, quartier de résidence du chef de l’Etat. La vieille grand-mère et le vieux marabout guinéens qui, avec des complicités locales, ont véhiculé sous nos cieux le virus Ebola? Les enquêtes sont ouvertes, nous assure-t-on, et elles finiront, inch Allah, à la veille du Jugement Dernier…

C’est entendu: sous tropiques, la loi sert juste à amuser la galerie. Comment, dès lors,  s’étonner qu’un député songe à bastonner les juges ? Le plus drôle, c’est que nos députés, dont une bonne moitié est analphabète, votent les lois sans y jeter le moindre coup d’oeil. C’est pourquoi Bourama Junior estime que son pouvoir de contrôle de l’action gouvernementale revient à soumettre nuitamment le juge à un interrogatoire musclé. Lors des législatives, les candidats passent le plus clair du temps à promettre aux électeurs la construction de ponts, de chaussées et de dispensaires. Personne ne perd son temps à enseigner à ces semi-lettrés qu’un député n’est ni maire ni ministre et que, par conséquent, il n’a pas vocation à édifier des ouvrages.

 

Tiékorobani

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10 COMMENTAIRES

  1. J ECRIS RAREMENT SUR LES RESEAUX SOCIAUX MAIS HELAS JE NE POUVAIS M EMPECHER DE LAISSER PASSER CETTE OCCASION..
    BIEN ECRIS ET BIEN PENSEE
    CONTINUE A NOUS SENSIBILISE ET SURTOUT NOUS RAPPELE EN UNE HISTOIRE LES FILMS OU THEATRE DU MALI ET MALHEURESEMENT QUI SONT LES REALITES DE CE DERNIER
    SANS PRETEMPTION, LES MALIENS DOIVENT VOUS LIRE PLUS SOUVENT
    RIEN A DIRE FELICITATION

  2. Dans cette affaire je donne raison au juge….. il a été agresse dans son bureau et cela en dehors des heures de service (delibere) par un soit disant honorable qui n’en est certainement pas un… La vulgarité a atteint un niveau insoupçonné dans mon pays… tout le monde se trouve des qualités pour faire de la politique car c’est le seul moyen de devenir riche en quelques heures, de moto BB RS a la 4×4, aux milliards et au palais.
    Depuis que des badauds ont envahi le palais, drogues par des politiciens qui voulaient a tout prix devenir President ou Premier Ministre, je me suis dit le Mali des analphabètes et des cheytanes est entrain de s’installer.
    IBK est un porte malheur il faut le dégager….. Son assemblée est irresponsable… aller en grève pour soutenir la vulgarité et la barbarie….. on est dans quel pays…….?

  3. Tiekorobani est vraiment médiocre rien à dire pour cet écris qui fait le tour de la toîle. La presse étrangère en rit déjà.

  4. Ce genre de personnage de député nous dépite comme ceux qui le soutiennent à l’assemblé nationale par solidarité corps , sont tous des hors la lois de la république ! j’étais à mille lieux de penser que nous avions des députés immatures de cette nature ! son arrestation est un signal fort de rappel à ces”honorables députés” qui tentent de violer la loi au nom de l’immunité parlementaire !

    • Je vois que vous n avez pas aime l article,mais qu est ce qui est dedans d humiliant pour un journaliste?

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