Chronique satirique: le tarif pénal des contrats douteux

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Pour s’être garni l’estomac à la faveur des contrats du Boeing et des matériels militaires, une foule de dignitaires risquent d’atterrir dans une sombre geôle. Quel sort leur prévoit la loi ?

On a beaucoup parlé des magouilles qui ont entouré l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires. On a même indiqué du menton – pas du doigt ! – quelques compères qui se seraient rempli l’estomac au gré de ces juteux marchés de gré à gré. Ce qu’on n’a pas dit, c’est l’addition pénale que paieront ceux qui tomberont dans les filets de la justice. Ce tarif constitue mon propos.

 

L’infraction de base qui frappe les magouilleurs, en l’espèce, s’appelle “atteinte aux biens publics”. Le code pénal, en son article 106, définit les biens publics: “Ont le caractère de biens publics les biens appartenant aux institutions et organismes suivants :

-L’Etat et les collectivités publiques;

-Les sociétés et entreprises d’Etat;

-Les établissements publics ;

– Les organismes coopératifs, unions, associations ou fédérations desdits organismes ;

-Les associations reconnues d’utilité publique

– Les organismes à caractère industriel ou commercial dont l’Etat ou d’autres collectivités publiques détiennent une fraction du capital social”. En l’occurrence, il a été porté atteinte aux fonds du Trésor public et de la BDM, banque dont l’Etat est actionnaire. Pas de débat, donc, sur le caractère “public” desdits biens.

En quoi consiste “l’atteinte”aux biens publics ? L’article 107 du code pénal répond à la question: “Tout fonctionnaire civil ou militaire, tout agent ou employé de l’Etat, des collectivités publiques ou des organismes visés à l’article précédent, qui aura porté atteinte aux biens publics par l’un des moyens suivants : soustraction frauduleuse, détournement ou abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux, autres malversations, sera puni des peines prévues au présent article”. Cet article incrimine tout agent de l’Etat qui dissipe un bien public en usant de moyens comme le détournement, le faux, l’usage de faux, l’escroquerie, l’abus de confiance, le vol (soustraction frauduleuse) et “autres malversations”.Notez bien que l’expression-bateau “autres malversations” vise en embarquer vers le bagne les petits malins qui auront utilisé des méthodes que la loi n’a pas expressément visées: les surfacturations, par exemple. Du coup, les avocats du marchand de canons “Guo Star SARL” se bercent d’illusions lorsqu’ils prétendent que “la surfacturation n’est prévue ni punie par aucun texte de loi”. Ils oublient ou font mine d’oublier que surfacturer entre dans le collimateur des “autres malversations” prévues par le code pénal. Et puis, comment surfacturer sans faire du faux puisque surfacturer consiste à faire passer pour réel un prix qui ne l’est pas ?

 

Pour attraper le maximum de mangeurs illicites, l’article 107 cite les complices d’atteinte aux biens publics: “Seront considérés comme complices, les responsables de sociétés et entreprises d’Etat, fonctionnaires et agents de l’Etat ou des entreprises, préposés au contrôle qui, par manquement aux devoirs de leurs charges, auront facilité ou couvert les atteintes aux biens publics”. Vous remarquerez que l’expression“manquement aux devoirs de leurs charges” laisse peu de monde échapper aux filets de la répression car au lieu de veiller aux documents comptables, il y a des fonctionnaires qui jouaient au PMU-MALI ou prenaient du thé.

 

Pour remplir davantage le bateau des damnés, les articles 24 et 25 du Code pénal allongent la liste des complices. L’article 24, qui traite de la “complicité active”, déclare: “Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit:

Ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, conseils, injonctions, auront provoqué à cette action ou donné des instructions, indications, renseignements, pour la commettre; Ceux qui auront procuré des armes, des instruments, ou tout autre moyen qui aura servi à l’action, sachant qu’ils devaient y servir;

 

Ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action dans les faits qui l’auront préparée ou facilitée ou dans ceux qui l’auront consommée, sans préjudice des peines qui seront spécialement portées par le présent code contre les auteurs des complots ou attentats contre la sûreté de l’Etat, même dans le cas où le crime qui était le but des conspirateurs ou des provocateurs n’aurait pas été commis,

 

Ceux qui, sciemment auront supprimé ou tenté de supprimer des éléments de preuve de l’action, ou qui auront avec connaissance, par quelque moyen que ce soit, aidé les auteurs ou complices du crime ou du délit à se soustraire à l’action de la justice;

Ceux qui, sciemment auront recelé en tout ou en partie, des choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit. Les auteurs de fait de complicité seront punis des mêmes peines que les auteurs du crime ou du délit dont ils se sont rendus complices”.

L’article 25 du Code pénal, qui traite de la “complicité passive”, dispose: “Sont également complices d’un crime ou d’un délit ceux qui, sans risque pour eux et pour les leurs, y ayant assisté, se sont abstenus d’intervenir pour empêcher sa perpétration ou qui, en ayant eu connaissance, se sont abstenus d’en dénoncer les auteurs ou complices”.

 

On le voit, l’arsenal législatif embrasse une immense foule de personnages, soit comme auteurs, soit comme complices actifs ou complices complices passifs. Le seul bouclier est de n’avoir pas trempé dans les noires affaires ni de la main, ni de la langue, ni de l’oeil, ni, bien entendu, de… l’estomac. Sans compter que quiconque a connu l’un des suspects et qui ne l’a pas dénoncé devient lui aussi complice. Sur ce dernier plan, nous autres journalistes n’avons pas à nous inquiéter: nous avons dénoncé à cor et à cri. Quant à arrêter et juger les suspects, voilà l’équation surfacturée à 29 milliard!

 

En tout cas, la peine s’annonce aussi lourde que la colline de Koulouba. Elle varie selon le le montant détourné. Ainsi, l’article 107 du code pénal décide: “Lorsque le montant du préjudice est inférieur à dix millions de francs, la peine sera de un à cinq ans d’emprisonnement

 

-Lorsque le montant du préjudice est égal à dix millions mais intérieur a vingt millions de francs, la peine sera de cinq à dix ans de réclusion;

– Lorsque le montant du préjudice est égal ou supérieur à vingt millions de francs, mais inférieur à cinquante millions de francs, la peine sera de cinq à vingt ans de réclusion;

-Lorsque le montant du préjudice est supérieur à cinquante millions de francs, la peine sera la réclusion à perpétuité.”

 

Tiékorobani

 

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