Chronique satirique: La soupe et les brigands

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Chronique satirique: La soupe et les brigandsLadji Bourama a des journées fort chargées. Le matin, il discute, avec l’éminent avionneur Moussa Mara, des papiers du douteux appareil hérité du “Vieux Commando”. Dans l’après-midi, il reçoit son cher ami, le Chérif anti-CEDEAO de Nioro, pour repousser, à l’aide du chapelet, les complots ourdis par les “hasidi” de l’opposition. Le soir venu, Ladji révise ses cours de grammaire, notamment le latin, le grec et les différents temps du mode subjonctif. Or, comme les gens cultivés le savent, ces temps sont nombreux et difficiles. Il y a, par exemple, le présent du subjonctif (que je mange, que tu manges…); l’imparfait du subjonctif (que je mangeasse, que tu mangeasses…) et le plus-que-parfait du subjonctif (que j’eusse mangé, que tu eusses mangé, que nous eussions mangé…). Quand, après tant d’efforts, Ladji Bourama fait la prière d’“Al-Icha” puis s’endort, il se réveille difficilement.

 

C’est donc pendant qu’il dormait à poings fermés que certains de ses amis ont avalé la soupe publique.

Messieurs les mangeurs, qui ont la gorge aussi profonde que l’estomac, n’y sont pas allés par le dos de la cuillère. A la fin, ils laissent une ardoise de 29 milliards de FCFA (excusez du peu !). On dirait qu’ils ont confondu le programme de Ladji Bourama (“Le Mali d’abord, inch Allah!”) avec un menu de Tabaski !

 

Indisposé par le bruit des casseroles, des marmites et des louches, le FMI a sifflé la fin de la récréation.

Les audits commandités par ce gendarme financier et exécutés par la Cour Suprême et le Bureau du Vérificateur Général se passent de commentaires. Un seul exemple suffit à décrire le mode opératoire de la troupe des mangeurs: ils ont acheté, sur les fonds publics, des milliers de chaussettes à 20. 000 FCFA l’unité. A moins qu’il ne s’agisse de chaussettes climatisées capables de rafraîchir les pieds des soldats au nord, l’addition est salée, n’est-ce pas ? Pour ne rien arranger, ces chaussettes magiques n’ont même pas permis à l’armée de garder Kidal lors des accrochages du 21 mai 2014. Au contraire, colonels et généraux ont pris la clé des champs et prétendu, pour justifier leur course olympique vers le sud, que des jihadistes à quatre cornes sont tombés du ciel ou que des cargos occidentaux ont appuyé les rebelles. Encore un effort, et un de nos fameux colonels-majors aurait vu l’Ange Gabriel sur le champ de bataille !

 

 

Bon ! Maintenant que le pot-aux-roses des 29 milliards est découvert, qui va rembourser ?

Voilà la question à trois milliards de dollars azawadiens ! En effet, dans ce beau pays, les grands ont la douce habitude de s’essuyer les pieds avec la loi, notamment avec le code pénal qui punit de la prison à vie quiconque détourne 50 millions de fonds publics. Cérise sur le…festin, la centaine de magistrats et de policiers du très pompeux pôle économique et financier de Bamako perdent soudain la vue et l’ouïe chaque fois qu’un haut dignitaire est pris la main dans le sac. Un adage court d’ailleurs les rues maliennes: “Si vous voulez manger l’argent public sans risques, mangez gros car seuls les gagne-petit et le menu frétin comparaissent devant les juges d’assises“.

 

Dans l’affaire présente, j’incline à croire qu’il y aura une brève chasse au petit gibier et que la boucle sera bouclée.

Ainsi, Sidi Mohamed Kagnassy, le marchand de canons, vient de rendre son tablier de conseiller spécial de Ladji Bourama: convenez avec moi que des titres ronflants du genre sont plutôt gênants quand on veut tranquillement regagner sa Suisse de résidence après un festin de 69 milliards ! J’ai également entendu parler du limogeage de deux directeurs financiers. Encore des mesurettes pour amuser la galerie ! Imaginez-vous un pauvre directeur piquer 29 milliards pendant que le ministre regarde pudiquement par la fenêtre ? Le plus drôle, c’est que le ministre signataire des contrats surfacturés est connu comme le loup blanc et reste libre comme l’air. Le ministre qui a exécuté financièrement les contrats est tout aussi connu: ni juges, ni policiers ne lui rendent la moindre visite de courtoisie. Les contrôleurs financiers et responsables du budget, sans le visa desquels aucun franc ne quitte le trésor public, font eux aussi la pluie et le beau temps avec, au menu, du thé à la menthe et du pain au raisin.

 

Soucieux de ne pas troubler le festin des dignitaires, le Premier Ministre déclarait, l’autre jour, à Bruxelles: “Ce qui s’est passé ces derniers mois est regrettable, mais nous avons convenu avec le FMI d’aller de l’avant”.

A ses dires, les audits font ressortir des “insuffisances”, des “irrégularités”: à croire que le mot “malversations” est absent du lexique de Mara ! A la question de savoir s’il conserve sa confiance à la ministre des Finances, Mara, beaucoup plus bavard quand il s’agit de papiers d’avions, renvoie la patate chaude dans la bouilloire de Ladji Bourama: “Chaque chose en son temps. Le chef de l’Etat, il ne faut pas l’oublier, est le maître du jeu. C’est lui qui a clairement dit à la mission du FMI que personne au Mali n’est ni ne sera au-dessus de la loi”. Traduction en français du Mali: “S’il ne tient qu’à moi, je fusillerai du beau monde mais ce n’est pas moi qui décide!”.

 

 

En attendant que quelqu’un daigne porter le chapeau de cette immense magouille, je constate que la souveraineté de notre patrie n’est plus qu’un lointain souvenir:

Ne contrôlant le nord que sur le papier, nous sommes, au sud, devenus esclaves du FMI qui nous dicte les décrets à modifier, dénonce à notre place les détournements, ordonne au gouvernement des audits, lui prescrit de les publier et lui enjoint de poursuites judiciaires. Si, après cela, quelqu’un ose encore chanter et danser le 22 septembre…

 

L’affaire me donne aussi l’occasion de rappeler à votre bon souvenir la “Compagnie des griots et des masseurs de pieds S.A.”.

Quand votre journal a publié, le premier, le contrat d’armements de 69 milliards, ces griots lui ont aussitôt volé dans les plumes, tambour et lait Nido au poing. Selon eux, il s’agirait d’un contrat inventé; “Guo SARL”, la société bénéficiaire, n’existerait que dans notre imagination et Kagnassy, le fortuné représentant de “Guo SARL” nous inspirerait plutôt de la jalousie. Un mois plus tard, Ladji Bourama lui-même nous donnait raison en confirmant, dans Jeune Afrique, l’existence du marché et le rôle qu’y avait joué Kagnassy. Nous avions alors cru que comme l’ancêtre Babemba de Sikasso, les compères griots se seraient pendus à l’une des cordes abandonnées à Koulouba après la bastonnade de Dioncounda Traoré. Mais voilà: ils sont toujours là et continuent plus que jamais de masser les pieds !

 

 

Tiékorobani

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4 COMMENTAIRES

  1. Ohhh voila mon “le vieux tieni” que je retrouve.
    Heureusement pour toi que le Bourgeois dea annees 90 n’est pas pareil au “Zon brin” de 2014. Sinon, il allait faire du “Cheick Oumar Koanre” sur toi. Etant “vieux”, tu dois te rappeler de ce jeune homme, du journal Info Matin qui qualifiait le PM de l’epoque IBK de Jo Brin, Bourgeois gros amateur de fois gras rognon ect… etc.. Depites, les ramasseurs de mietes du “bourgeois” n’ont fait qu’une bouchee du pauvre journaleux en l’abandonnant pour mort, tout ensanglante sur la route de Kati…. Au point que, guerri, le gars est parti illico presto cherche son pain ailleurs aujourd’hui comme avocat.
    Meme si souvent, l’envie d’ecrire le chatouille souvent.

    • 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 J’aimerais bien en savoir plus sur cette histoire frere T.Sankara 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆 😆

  2. Oui tout cela est pure réalité de la gabegie financière au sein de notre Etat.Il est très difficile de mettre un terme a l`ogre corruption tant on y a dure dedans(plus de 20 ans). La mauvaise gestion semble être le naturel de nos dirigeants.Seulement ,actuellement, nous connaissons un début du commencement pour la mise en place d`un système anti-corruption.Mais la réussite du système n`est pas pour demain tant le tissu socio-professionnel est gangrène! La maffia qui s`est installée depuis plus d`une décennie a la peau dure car les poli tics en ces jours y ont participe en étant eux mêmes des acteurs.Passifs et profiteurs il ont vu cette maffia se former et grandir sans mots dire car eux mêmes en ont profite.Cette soupe etait toujours la et les brigands en ont toujours profite.Mais actuellement les choses commencent a s`assainir et tout le monde en parle comme si cela n`était pas su avant ces moments

  3. Oui tout cela est pure réalité de la gabegie financière au sein de notre Etat.Il est très difficile de mettre un terme a l`ogre corruption tant on y a dure dedans(plus de 20 ans). La mauvaise gestion semble être le naturel de nos dirigeants.Seulement ,actuellement, nous connaissons un début du commencement pour la mise en place d`un système anti-corruption.Mais la réussite du système n`est pas pour demain tant le tissu socio-professionnel est gangrène! La maffia qui s`est installée depuis plus d`une décennie a la peau dure car les poli tics en ces jours y ont participe en étant eux mêmes des acteurs.Passifs et profiteurs il ont vu cette maffia se former et grandir sans mots dire car eux mêmes en ont profite.Cette soupe etait toujours la et les brigands en ont toujours profite.Mais actuellement les choses commencent a s`assainir et tout le monde en parle comme si cela n`était pas su avant ces moments

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