Chronique satirique: Le naufrage du bateau Mara

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«Il n'y a pas de solution militaire dans le nord du Mali»
Le Premier ministre du Mali, Moussa Mara, à Bamako, le 18 mai 2014. (Photo Fabien Offner.AFP)

Chaque semaine, la ville bruissait de rumeurs sur le départ du Premier Ministre Moussa Mara. C’est désormais chose faite : l’intéressé fait ses adieux à la primature. Non pas qu’il en ait eu envie (qui cracherait sur du pain au raisin?), mais parce que Ladji Bourama n’aime pas trop voir autour de lui les mêmes têtes. Surtout quand elles font du bruit. Modibo Kéita, discret comme un marabout, tiendra peut-être plus longtemps que Mara sous les lambris dorés de la Cité Administrative.

Nommé le 5 avril 2014, Mara n’aura finalement officié que neuf mois à la tête du gouvernement. Son renvoi prématuré de la table du festin, il le doit à une série de malheurs et de maladresses : la suspension des concours financiers du FMI, l’absence de résultats économiques, les conséquences néfastes de sa visite à Kidal…Pour ne rien arranger, la seule vue de Mara donnait des boutons et un début d’Ebola aux caciques du RPM qui ne digéraient pas que Ladji Bourama leur ait préféré un jeune homme de 39 ans dont le parti (“Yelema”) ne revendiquait qu’un malheureux député. Bien décidé à faire tomber le Premier Ministre, le parti majoritaire lui imputait tous les maux du pays, l’accusait de se faire un nom sur le dos de Ladji Bourama et lui reprochait (sans doute à tort) d’avoir trop vite fait publier les sulfureux rapports de la section des comptes de la Cour Suprême et du Vérificateur Général sur les magouilles locales.

Au lieu de chercher à compenser l’animosité du parti majoritaire en caressant l’opposition dans le sens du poil, Mara s’amusait, au contraire, à traîner celle-ci dans les ruisseaux. Par exemple, sans nécessité aucune, il a cru bon de rappeler publiquement que  Soumaila Cissé, chef de l’URD, avait escaladé les murs de sa résidence pour échapper aux sbires de l’ex-junte militaire. Pour inviter les leaders de l’opposition à une réunion à Koulouba, Mara s’est permis de leur faire envoyer des SMS par un conseiller.Il aggravera son cas à s’aliénant l’opinion publique qui lui servait jusqu’à présent de mini-rempart: contre toute logique, il s’est mué en défenseur acharné du douteux contrat du Boeing présidentiel et, enfin, a préféré aller présider le congrès de son parti à Sikasso plutôt que d’accueillir le secrétaire général de l’ONU qui foulait, pour la première fois, le sol malien.

A présent, que va devenir Moussa Mara ? Seul Allah soubahana wa tallah le sait. En principe, sa carrière ministérielle est terminée car il ne serrait pas très glorieux qu’après avoir dirigé le gouvernement, il redevienne un simple ministre. Il se murmure qu’il s’est vu proposer le Conseil Economique et Social, mais l’ambitieux Mara acceptera-t-il ce garage traditionnellement réservé aux vieillards et aux politiciens en fin de course ? Une chose est sûre : l’ancien Premier Ministre ne chômera pas. Il possède un cabinet comptable, même si, à la  primature, il ne s’est pas tout à fait illustré dans les chiffres.

Par ailleurs, l’affaire de l’avion présidentiel lui ayant permis de se spécialiser en papiers d’avion, il pourrait aisément trouver un emploi chez l’avionneur américain “Boeing”, de préférence à la section “Documentation et Archives”. Eh, eh, j’oubliais ! Pourquoi ne se ferait-il pas embaucher à l’aéroport de Dubaï, le plus fréquenté du monde ? Là, payé en pétrodollars et bien à l’abri des jihadistes de Kidal, il aurait pour occupation de signaler à la tour de contrôle les avions sans papiers et les avions immatriculés à Aruba ou à Malte. Beau métier en perspective, hein ?

Cela dit, la nomination de Modibo Kéita montre à quel point Ladji Bourama manie les contraires. Alors qu’Oumar Tatam Ly et Moussa Mara étaient quadragénaires, le nouveau chef du gouvernement va allègrement sur ses 74 ans. Un grand-père donc. Et une manière pour Ladji Bourama de dire : “J’ai donné aux jeunes leur chance; ils l’ont ratée. C’est pourquoi je chasse les Mara, Ben Barka, Mahamadou Camara et consorts. A présent, je m’en remets aux vieux de la vieille”. Seul détail gênant : dans la tradition mandingue (celle des deux Kéita qui nous gouvernent), Ladji Bourama, le cadet, perd le droit d’agiter le doigt sous le nez de Modibo, son aîné, comme il le faisait avec Tatam Ly et Mara.

De plus, Mara et Tatam Ly étaient des financiers alors que Modibo Kéita est un professeur de lettres. Comme quoi, au pays de Ladji Bourama, le subjonctif nourrit son homme! Si Modibo veut tenir plus longtemps que ses deux prédécesseurs dans le beurre républicain, le chemin est tout indiqué : il devrait apprendre le latin et le grec, deux langues que l’on dit mortes mais qui restent bien vivantes dans le coeur de Ladji Bourama.

Fait notable, Ladji profite de la formation du nouveau gouvernement pour se débarrasser de tous ceux dont le nom apparaît dans les affaires de Boeing et d’armes. C’est là une sacrée revanche pour Soumeylou Boubèye Maiga, qui a mouillé du beau monde, et, surtout, un clin d’oeil au FMI, qui exigeait des têtes. A présent que les intéressés ne sont plus ministres, iront-ils grossir la liste des “hasidi”, ces  envieux qui pourrissent la vie à l’hôte de Koulouba ? Ce n’est pas du tout exclu car il y en a qui pourraient bientôt recevoir une visite de courtoisie des juges…

Tiékorobani

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