Profitant du congrès de l’ASMA, nos confrères du “Prétoire” ont interviewé son leader, l’ancien ministre de la
Défense Soumeylou Boubèye Maiga. L’intéressé y développe sa nouvelle feuille de route. Lisez plutôt…
Comme le note le confrère, c’est “la toute première interview que Soumeylou Boubèye Maiga accorde à la presse malienne depuis sa démission du gouvernement Mara, en mai 2014”. Normal, puisque depuis qu’il a été “démissionné”, l’excellent Ministre Gré à Gré a passé le plus clair du temps à rédiger ses répliques au délicieux rapport du Vérificateur Général!
Du premier congrès de l’Asma-CFP, son parti, Boubèye entendait faire un instrument de mesure de “la mobilisation” des militants.Apparemment, l’heure n’est pas à la fête car nul n’a vu les militants de l’ASMA remplir le moindre stade. Il est vrai que par les temps de Boeing qui courent, il serait fort imprudent de s’afficher avec un ancien dignitaire qui sort tout droit d’une garde à vue à Paris. Le commentaire n’engage que moi, bien sûr; l’intéressé lui-même se dit “extrêmement satisfait du niveau de mobilisation constaté”. Il se réjouit de voir que les délégués de Gao aient “fait deux jours en cours de route” et que ceux de Koulikoro aient “quitté à 5 h du matin pour être présents” à Bamako. Et de conclure: “De partout, les gens sont venus”. Même de Malte et d’Aruba, hein ?
L’ancien ministre, dont l’admirable sens de la stratégie fait des merveilles partout sauf à Kidal, fait une révélation de taille: “Beaucoup pensaient qu’au regard du contexte, nous nous serions rétractés. Il était donc important que nous confirmions notre engagement par rapport à la ligne que nous avions adoptée depuis l’élection présidentielle, à savoir le soutien que nous avions apporté à Ibrahim Boubacar Kéïta autour du programme sur lequel il s’est présenté: “Le Mali d’abord”. Je pense que nous avons pu faire passer ce message qui est un message de lucidité, de responsabilité”. Traduction: Boubèye tient à dribbler ceux qui l’attendaient dans l’opposition pour digérer les grosses couleuvres que Ladji Bourama lui a fait avaler là-haut, à Koulouba; il renouvelle son soutien (donc ses offres de services) à Ladji Bourama mais attention! Boubèye se réserve une petite porte de sortie: son soutien va, non à Ladji Bourama en chair, en os et en chapelet, mais au programme présidentiel “Mali d’abord”. Or qui dit “Mali” dit forcément Boubèye car que vaudrait le Mali sans cette éminente personnalité qui, après avoir renversé tout seul le général Moussa Traoré, a inventé les services secrets ?
Sachant que l’affaire des marchés suspects reste suspendue au-dessus des têtes et que les juges mangent dans la main de Ladji Bourama, le chef de l’ASMA lui tient un discours mielleux à souhait: “C’est dans les difficultés que nous devons nous tenir les mains. Et aujourd’hui, pour nous, (le programme présidentiel “Mali d’abord”) est un projet qui reste tout à fait valide et pertinent et en face, il n’y a pas d’alternative crédible”. Encore un effort, et l’ancien ministre aurait juré qu’avec le fameux programme “Mali d’abord”, tous les Maliens nés après Soundjata iraient au Paradis d’Allah soubahana wa taalla!
Question du journaliste intervieweur: Boubèye maintient-il les propos qu’il a récemment tenus en bambara et qui comparaient Ladji Bourama à quelqu’un qui ne saurait pas jouer du tam-tam que le peuple lui avait confié ? Réponse : “Ah non ! Peut-être que les gens n’ont pas bien compris. Au contraire, c’était pour dire que nous sommes dans une situation de reconstruction. Et le Président est naturellement à la recherche des solutions les plus adaptées. C’était pour dire qu’il ne faut pas se lasser de chercher la bonne solution jusqu’à ce qu’on trouve le point d’équilibre, parce qu’on peut faire des choix qui, à l’expérience, se révèlent inopérants et inefficaces. Mais il ne faut pas hésiter à changer, parce que quand on laisse la situation trop pourrir, l’issue devient encore plus incertaine. C’était plutôt pour l’inviter à tenir compte de l’état actuel du pays qui est marqué par beaucoup d’incertitudes, des blocages et un manque d’efficacité”. Bon ! On veut bien croire que Boubèye ne prend pas notre cher président pour un mauvais joueur de tam-tam mais n’aurait-il pas mieux valu qu’il utilise d’autres mots que le tam-tam pour parler des périls qu’il voit partout depuis son départ du gouvernement ?
Dramatique diagnostic de l’orateur: “Notre société reste dominée par l’anxiété, par l’incertitude, par la perte de confiance et, ne nous le cachons pas, par la déception”. Ces propos signifient-ils que Boubèye regrette une situation dont il est comptable ? “Non, répond-il; je ne regrette pas le choix que nous avons fait”. Avant d’ajouter: “Tout le monde constate que la générosité d’un projet politique ne suffit pas à elle seule à en assurer une mise en œuvre réussie. A l’évidence, compte tenu des difficultés actuelles, beaucoup de citoyens se demandent si, vraiment, ils avaient fait le bon choix. Certains nous interpellent parce que nous avons été parmi ceux qui les ont mobilisés... Je sais que nous avons hérité d’une situation dont, peut-être, nous n’avions pas mesuré la complexité, les enjeux, les difficultés aussi. Peut-être que nous aurions dû, en amont, appréhender tout cela et avoir un plan de marche assez rigoureux. Par la force des choses, cela n’a pas été le cas”. En clair, aux yeux de Boubèye, Ladji Bourama et son équipe naviguent à vue car ils n’ont pas “appréhendé en amont” les enjeux de l’heure. Bien entendu, si vous vous amusez à rappeler, dans deux semaines, les phrases qui précèdent à leur auteur, il trouvera le moyen de prouver que vous n’y avez strictement rien compris. Mais passons…
A présent, écoutons les précieux conseils de l’ancien ministre à Ladji Bourama: “Il appartient au président de la République de prendre les mesures nécessaires pour insuffler une nouvelle dynamique et donner un second souffle au pays. Parce que les 77,62% des voix qu’il a eus n’étaient pas la victoire d’un camp contre un autre. C’est un mandat qui lui est donné pour jeter les bases d’un Mali nouveau et pour s’appuyer, le cas échéant, sur toutes les ressources humaines qui ont la capacité de faire face à la situation et de relever les immenses défis que nous avons. A l’évidence, il faut une équipe qui a plus de légitimité. C’est-à-dire, qui a à la fois la légitimité politique et la légitimité technique.”. Très honorable monsieur, Ladji Bourama ne fait que ce que vous demandez! Sauf erreur ou omission de ma part, il a limogé un ministre spécialiste du gré à gré, modifié les dispositions du code des marchés publics qui faisaient la part belle au gré à gré et au “secret défense” et il a, en retour, obtenu le retour du FMI, synonyme d’une pluie de milliards. Ce n’est pas “une nouvelle dynamique” et un “nouveau souffle”, ça? Maintenant, si vous trouvez que les hommes qui l’entourent n’ont pas “la capacité de faire face à la situation”, suggérez des noms, à l’exception du vôtre, évidemment. Quant à la “légitimité technique” dont vous parlez, c’est un concept trop nouveau pour figurer dans le programme “Mali d’abord” auquel vous semblez pourtant adhérer. De toute évidence, Ladji Bourama lui préfère le latin, le grec, le subjonctif et le refrain coranique “Inch Allah”!
Que pense Boubèye du vif intérêt que lui valent les marchés du Boeing et des matériels militaires ? Réponse: “Je ne suis pas quelqu’un qui se lamente ou se “victimise”. Mais il est loisible aux uns et aux autres de constater qu’avec la surmédiatisation des dossiers de mon ancien département, on est allé au-delà de la recherche de la vérité. Certains pensaient que c’était une occasion rêvée de m’abattre … Cela, naturellement, a souvent provoqué chez les miens beaucoup d’inquiétude. Je leur ai toujours dit de garder le sang-froid. Nous sommes dans un pays où, malheureusement, il y a beaucoup de spéculations, de rumeurs. Or, il y a une différence entre ce qui est dit et ce qui est vrai”. Là, Boubèye n’est pas seul: en recevant, il y a deux semaines, la classe politique, Ladji Bourama a lui aussi traité de “rumeurs” les accusations portées contre certains de ses collaborateurs, bien que lesdites “rumeurs” soient mentionnées noir sur blanc dans les rapports d”audit du Vérificateur Général et de la Cour Suprême. A “Mali d’abord”, il n’y a donc pas de discordance sur la présence nuisible des “rumeurs”, même officielles.
Enfin, Boubèye accuse les partenaires étrangers du Mali d’avoir utilisé les informations fournies de bonne foi par l’Etat pour “orchestrer” du “tapage” et “provoquer à l’intérieur et à l’extérieur du pays un émoi totalement disproportionné”. C’est entendu: les Maliens ont tort de s’émouvoir devant leurs milliards volatilisés et nul, pas même le FMI et consorts, n’échappe aux coups de canon de l’ancien ministre s’il n’est jihadiste domicilié à Kidal!
Tiékorobani
Tiekorobani, je vous remercie de m’avoir fait rire!!!
Vous me permettrez de vous corriger a’ propos du nom du journal de Boubey. Le nom n’est pas Pretoire mais… PRETENDRE!
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