Le Parti pour le Développement Economique et la Solidarité (PDES) a été porté sur les fonts baptismaux le 17 juillet 2010 au Centre International de Conférence de Bamako. La naissance de ce parti a donné lieu à des commentaires divers. Pour les initiateurs du PDES, ce parti est la version achevée du mouvement citoyen destiné à amplifier son soutien au président, à défendre son bilan, à revendiquer son héritage et à poursuivre ses œuvres après son départ de Koulouba.
Mais pour les détracteurs du PDES, il n’est qu’un rassemblement de personnes soucieuses de garder les privilèges obtenus depuis qu’ATT est à la magistrature suprême. Au-delà de ces commentaires, somme toute partisans, il faut reconnaitre que beaucoup d’interrogations, voire de flous entourent l’avènement de ce «grand parti présidentiel» sur la scène politique malienne. Il n’est pas question ici d’apporter une réponse à toutes ces interrogations. Mais, simplement de dégager des pistes de réflexions sur les relations qui existeraient entre le Président de la République et le Parti pour le Développement Economique et la Solidarité.
La transformation du mouvement citoyen en parti politique par certains « inconditionnels » du Président ATT est apparue aux yeux de beaucoup de maliens comme étant la volonté du président de la république de permettre à ses plus proches amis de descendre dans l’arène politique et d’y jouer un rôle prépondérant. Cette conscience populaire s’est forgée à travers la déclaration d’ATT lors de la conférence de presse de son 8ème anniversaire au pouvoir. A cette occasion et à la surprise générale, ATT s’étant toujours déclaré au dessus de la mêlée partisane, le président de tous les maliens donnait sa bénédiction à la création d’un parti politique par ses «amis». Par la suite beaucoup de ses proches collaborateurs intégrèrent le bureau du PDES lors de son assemblée constitutive. Pour autant peut-on affirmer que le parti pour le développement économique et la solidarité est le parti d’ATT ?
C’est une réponse affirmative à cette question qui, à première vue, vient à l’esprit. Mais à analyser de plus près, une réponse négative s’impose pour au moins trois raisons :
D’abord, parce qu’ATT est attaché au consensus politique. Or, ce consensus volerait en éclat s’il s’avérait que le Président, à deux ans de la fin de son deuxième et dernier quinquennat, a décidé de soutenir le PDES au détriment de son alliée politique traditionnelle et de poids qu’est l’ADP. La rupture avec l’ADP pourrait rapprocher d’avantage les partis qui la composent et les pousserait à faire front commun contre le PDES. On pourrait alors assister à une fin de mandat difficile pour le locataire de Koulouba opposé désormais à l’ADP qui détient par ailleurs la majorité absolue à l’Assemblée Nationale et qui pourrait exiger la primature sous peine de bloquer l’action gouvernementale. On voit mal ATT aller dans ce sens.
La seconde raison qui plaide en faveur d’une réponse négative est la très vraisemblable survivance du Mouvement Citoyen dans sa forme associative à la création du PDES. Si des proches du Président pour une raison (ATT leur aurait demandé de ne pas adhérer au PDES) ou pour une autre (divergence de vue avec les fondateurs du PDES) boudent le PDES et consentent à maintenir en vie le Mouvement Citoyen c’est qu’ils ont l’onction d’ATT ou au moins bénéficient de son approbation tacite. ATT, selon eux, n’a jamais été partisan de la création d’un parti politique. Et pour preuve, ATT a déclaré à maintes reprises et à qui veut l’entendre qu’il ne créerait pas un parti politique. Ce n’est donc pas à la fin de son dernier mandat qu’ATT se renierait. Au contraire, la création du PDES obéirait à un plan de liquidation «d’amis» aux ambitions démesurées et devenus encombrants.
La troisième raison qui prouve que le PDES n’est pas le parti d’ATT est la position de l’actuel premier ministre, Modibo SIDIBE. Il n’est un secret pour personne que le celui-ci n’est ni de près ni de loin concerné par le PDES. Ni lui ni aucun de ses proches ou amis n’est membre du bureau du PDES. Pire, Modibo Sidibé n’a même pas daigné honorer de sa présence les cérémonies officielles de lancement du PDES. Cette absence prouve, si besoin en était, que Modibo n’est pas sur la même longueur d’onde que Semega. Puisque de deux choses l’une, soit les organisateurs de l’Assemblée constitutive n’ont pas invité Modibo, ce qui constitue un mépris et affront à l’endroit du Premier ministre et une volonté délibérée de le mettre à l’écart ; soit il a reçu l’invitation mais a préféré ne pas y faire acte de présence sur conseil du Président de la République ou pour ne pas donner sa caution à un parti qui n’est pas le sien, ce qui constitue une défiance de Modibo vis-à-vis du PDES.
Dans tous les cas, ce qu’il faut retenir c’est que si le PDES était le parti d’ATT, le premier ministre y jouerait un rôle actif parce que quoi qu’on dise ou qu’on puisse penser Modibo est l’un des soldats (il obéit au moindre ordre de son chef) les plus sûrs d’ATT. Le chef d’armée en envoyant en guerre ses subalternes sans le plus proche et le plus fidèle de ses lieutenants ne mise certainement pas sur leur victoire ; bien au contraire, il les sacrifie à bon escient.
A ce stade des débats, un impératif s’impose au chef d’Etat : il doit éclaircir sa position, cela aura l’avantage de mettre ses alliés traditionnels en confiance et se mettre à l’abri d’éventuels dérapages de membres du PDES qui vocifèrent partout qu’ils agissent au nom et pour compte du Président de la République.
Mohamed TOURE
Juriste