L’élection présidentielle dont le 1er tour est prévu pour le dimanche 29 juillet 2018 est une échéance capitale pour notre pays. Le dire de cette façon est un doux euphémisme. L’introuvable paix derrière laquelle le pays tout entier court depuis de longues années est un des gros enjeux du rendez-vous de l’été prochain. En outre, la difficile reprise de l’économie nationale dont le tissu et les circuits sont profondément sinistrés par l’insécurité et l’incertitude du lendemain pousse de nombreux investisseurs à jouer la prudence et la montre. Enfin, le mal-être du malien lambda qui s’exprime bruyamment depuis ces deux dernières années est un précieux indicateur des attentes que celui-ci place dans le scrutin à venir. On l’imagine donc aisément, ce cocktail proche de la nitroglycérine voudra bien trouver son exutoire à la fois dans les joutes et dans les urnes. Ce qui fera de la prochaine présidentielle un des scrutins les plus passionnants et les plus passionnés de l’ère démocratique. Rien qu’à en juger par le nombre des candidats déclarés et celui des candidats potentiels qui fourbissent leurs armes à l’abri des oreilles et yeux indiscrets, attendant tranquillement le moment idéal pour sauter le pas, on peut arriver à la conclusion que se prépare une grosse foire d’empoigne. Dans un tel contexte, à court de projet de société et d’arguments électoraux, certains compétiteurs pourraient être malheureusement tentés d’utiliser les petits moyens et ainsi porter des coups dommageables à leurs adversaires en dessous de la ceinture. Les réseaux sociaux, comme on le voit déjà, pourraient se prêter à ce jeu sordide et amplifier gravement ce phénomène par une propagation virale de « fake news » sur le compte d’adversaires politiques. Au regard de l’addiction – l’expression est assez forte- d’une certaine couche de plus en plus nombreuse de notre société à ces technologies bon marché, et compte tenu de la naïveté et de l’ignorance de ce même public qu’il est facile de manipuler à souhait, des dérapages gravissimes sont à craindre. Par pure hypothèse, imaginons qu’une vidéo ou tout autre support – même grotesque- circule sur Facebook, YouTube, Whatsapp, Instagram… sur la supposée homosexualité d’un candidat ; sa pédophilie ; sa participation à des partouzes ; son addiction à l’alcool ; son appartenance à une secte satanique ; sa collusion avec des puissances étrangères pour vendre le Nord ou sa supposée fortune planquée aux Bahamas, dans les Iles Caïmans ou les Iles Vierges. Si la campagne du 1er tour dure trois semaines, ce malheureux candidat sera occupé, au moins pendant deux semaines, à tenter d’éteindre cet incendie dévastateur. Peu importe qu’il y arrive ou pas, le mal aura été déjà fait et notre candidat aura perdu au change et les élections et son honorabilité. Et que trouvera-t-on à dire : « on a vu des images sur Facebook qui lui ressemblent » ; « ces informations sont vraisemblables » ; « ça ne m’étonne pas de sa part » ; « ça devait lui arriver » ou, par pure méchanceté, « c’est bien fait pour sa gueule ». Mais c’est oublier qu’on pourrait se retrouver soi-même dans la position de l’infortuné candidat qui, contraint et forcé, fait une croix sur ses ambitions politiques. Plus grave, une vie peut être ainsi brisée ! Aussi, me semble-t-il important que l’ensemble des compétiteurs s’engagent à respecter un code éthique et que, à aucun moment pendant la prochaine campagne électorale, on ne vienne à dire «tant pis, la fin justifie les moyens !». Si j’étais consultant pour un état-major politique, j’aurais poussé à inscrire l’éducation aux médias en général et aux nouveaux médias en particuliers au rang de priorité. On ne le dit pas assez, les médias sont un couteau à double tranchant dont il faut savoir se servir à bon escient en période électorale. Dans le même ordre d’idée, j’inviterais les formations politiques à installer des cellules de veille électronique avec trois axes majeurs : l’information, la prévention (alerte) et la communication de crise. Et comme je n’entends pas m’arrêter en si bon chemin, je me permets aussi de jeter une grosse pierre dans le jardin de nos chercheurs en sciences sociales afin qu’ils sortent de leur torpeur et investissent ces sujets émergents. Les nouvelles habitudes de consommation des médias notamment ceux dits sociaux offrent un fabuleux champ de recherche qu’il serait dommage de ne pas prospecter dans la perspective d’impacter leur appropriation intelligente par le plus grand nombre et notamment par les jeunes qui sont des acteurs majeurs du changement social. Enfin, et vous l’aurez sûrement deviné, force doit rester à la loi. Sans aucune velléité de censure, la force publique doit, en cette matière sensible, jouer pleinement son rôle d’éducateur et de gendarme. En lien avec les fournisseurs d’accès à internet (FAI), l’Etat est fondé à jouer sur des leviers qui lui sont propres pour préserver la paix sociale. Pour conclure, malgré les risques de dévoiement réels des médias sociaux en temps de campagne électorale, je fais suffisamment confiance en nos compatriotes qui sauront faire preuve de grand discernement et ainsi éviter de tomber dans des pièges grossiers.
Serge de MERIDIO