L’ancien Premier ministre de la Transition, Dr. Choguel Kokalla Maïga était face à la presse, le samedi 22 février 2025, à la Maison de la presse, pour présenter le bilan du M5-RFP pendant la période de la transition, de la rectification de mai 2021 à la clarification de novembre 2024. A l’issue de l’exercice, il a fait 14 récriminations graves, formulé 9 recommandations et dégagé des perspectives.
Après avoir fait la genèse de la chute du président jusqu’à la rectification de la trajectoire de la Transition, il a rappelé que les exigences et attentes du peuple malien, depuis les grandes mobilisations de 2020, qui ont été synthétisées en 10 points et 17 mesures dont le gouvernement a mis en priorité la tenue des ANR pour les réactualiser, les partager avec le maximum de Maliens et les rendre réalisables, en leur attribuant un caractère exécutoire.
Au regard des grandes avancées, dira-t-il, le peuple malien peut se convaincre que la refondation du Mali voulue par lui est résolument en marche, à travers une vision comprise et acceptée par les citoyens, déterminés et résilients, basée sur un plan d’actions progressivement mis en œuvre, avec la naissance de la IVe République, dans une union sacrée pour un Mali débout et digne.
Selon lui, la marche de la Transition a connu des difficultés et tentatives de déviations et de torpillages. Ainsi, ajoutera-t-il, malgré la rectification de la trajectoire de la Transition et la mise en œuvre progressive du processus de refondation de la nation, le peuple malien a observé et constaté, avec amertume, un relâchement, voire une remise en cause des termes du pacte d’honneur et du partenariat stratégique liant les deux forces du changement, civiles d’une part à travers le M5-RFP et militaires d’autre part à travers l’ex-CNSP qui sera plus tard exploitée par certaines forces politiques hostiles, et des militaires pourtant liés par le partenariat stratégique, pour tenter d’affaiblir et de déstabiliser le Premier ministre et le M5-RFP qui sont, heureusement, restés vigilants et ont mis les intérêts supérieurs du Mali au-dessus de certaines considérations politiciennes et personnelles dont le prix à payer a été les multiples démissions et scissions ourdies au sein du mouvement.
Spectre de confusion et d’amalgame plane sur la transition
A l’en croire, depuis déjà fin 2022, et surtout à partir du début de l’année 2023, une sorte de spectre de confusion et d’amalgame plane sur la Transition, avec de véritables et graves risques de remises en cause des acquis. Il a saisi l’occasion pour déplorer le fait que plusieurs questions majeures de la gestion gouvernementale aient été traitées par surprise en mettant le Premier ministre devant le fait accompli, sans aucun débats au sein du gouvernement, notamment : la prorogation de la durée de la Transition, la réorganisation territoriale, la gestion de la crise énergétique, le report des élections, la négociation d’engagements financiers et la conclusion de prêts avec plusieurs bailleurs de fonds et partenaires, à l’insu du Premier ministre, la tenue et souvent même les conclusions de négociations sur certains dossiers à caractère économique et financier avec des partenaires stratégiques, ainsi qu’avec des partenaires techniques et financiers du Mali, à l’insu du Premier ministre, la gestion des engrais des cotonculteurs, la tentative infructueuse d’organisation, le 8 juin 2023, en étroite collaboration avec des ténors du régime défunt, d’un meeting de lancement de la campagne référendaire du 8 juin 2023, qualifié par certains militants de “meeting de la honte”, la dissolution récurrente des conseils élus et leur remplacement par des organes transitoires, etc. Tout cela se fait sans même informer le Premier ministre.
Il poursuivra qu’il en est de même de ce qui concerne les différentes discussions sur l’Alliance des Etats du Sahel (Aes), alors que le concept de ce regroupement politique a été discuté entre les Premiers ministres du Burkina Faso, du Mali et du Niger, respectivement le 1er février 2023, le 23 février 2023 et le 30 décembre 2023, entre les trois Premier ministres.
Pour le conférencier, certaines pratiques de l’ancien système, que le peuple malien avait pourtant dénoncées pendant la lutte du M5-RFP en 2020, qui jurent avec les intérêts supérieurs des Maliens, se multiplient, à travers des arrestations et détentions extrajudiciaires.
Manœuvres et crocs-en-jambe contre le Premier ministre
Avant de rappeler la nécessité de la clarification de novembre 2024. Car, selon lui, après plusieurs péripéties jonchées de manœuvres et crocs-en-jambe contre le Premier ministre, chef du gouvernement et son mouvement le M5-RFP, et face à sa demande infructueuse pendant plus de deux ans d’échanger avec les partenaires de l’ex-CNSP sur l’avenir de la Transition, face à l’impasse et le désarroi des Maliens qui avaient une impression d’absence de vision des autorités, de manque de visibilité et de perspectives, il s’est enfin résolu à tenir un meeting le 16 novembre 2024, pour, d’une part, commémorer l’an I de la libération historique de Kidal, et d’autre part, donner son avis sur la nécessité d’un clarification et d’une réorientation stratégique de la Transition, afin de remobiliser les Maliens et redonner espoir à notre peuple.
“Ni le président de la Transition, ni le Premier ministre de la Transition, ne sont des élus, mais des institutions issues du soulèvement populaire et de la lutte héroïque, donc révolutionnaire, du peuple malien menée durant plusieurs mois, lutte portée par le M5-RFP et parachevée par les représentants des FAMa le 18 août 2020. Tous les nouveaux organes de la Transition, sont issus d’un consensus entre le M5-RFP et l’ex-CNSP, pour pouvoir prendre en charge les différentes revendications du peuple malien insurgé”, a-t-il renchéri.
Aux dires du conférencier, ayant échoué dans leur tentative de déstabilisation du Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, en intelligence avec certaines Forces politiques, des clans se sont créés au sein du gouvernement visant toujours à affaiblir systématiquement le Premier ministre. Tout y a passé, y compris l’impensable ; à savoir : des nominations sans consultation du Premier ministre de certains responsables des services relevant pourtant de sa tutelle, l’élaboration des budgets annuels, et leur présentation au CNT, sans échanges préalables avec le Premier ministre, la décision de procéder à un “léger report des élections” sans débats au sein du gouvernement, des discussions engagées par certains ministres avec des bailleurs de fonds à l’insu du Premier ministre, la conclusion d’engagements financiers et de prêts à moyen ou long termes, par certains ministres sans consulter le Premier ministre ; la négociation et la fixation du prix de renouvellement des licences d’exploitation des sociétés de télécommunications, à l’insu du Premier ministre, qui apprend certains détails sur les réseaux sociaux ; l’usurpation et la préemption de certaines missions et prérogatives du Premier ministre par des ministres commis à cette tâche, à son insu ; des dissolutions et remplacements de certains organes élus par des autorités intérimaires sans requérir l’avis du Premier ministre ; la dissolution de certaines structures et l’arrestation de certains responsables politiques et de leaders d’opinion à l’insu du Premier ministre, qui est obligé de s’informer à partir des médias nationaux ou étrangers ; l’arrestation et l’incarcération de collaborateurs du Premier ministre à son insu, et parfois à l’intérieur des bureaux de la Primature, dans des buts inavoués et inavouables ; des attitudes de défiances envers le Premier ministre, même devant des partenaires étrangers à l’extérieur du pays, ou au cours de certaines missions et réunions, par certains ministres ; des actes de mépris de certains ministres qui ne se privent pas de dénigrer le Premier ministre même devant certains de leurs collaborateurs, affirmant que “le Premier n’a aucun pouvoir sur eux, ou qu’il ne représente rien” ; des détournements des résultats de certaines missions du Premier ministre à l’étranger à des fins inavouables ; le dévoiement de la nouvelle Constitution et du fonctionnement de l’Aige contrairement à l’esprit et à la lettre des textes et des revendications du peuple malien insurgé en 2020.
Conscients des enjeux et des défis contemporains
En termes de perspectives, il a laissé entendre que la refondation du Mali est un processus dont un des éléments le plus déterminant est la vision comprise et acceptée par les citoyens, désormais conscients des enjeux et des défis contemporains, des diagnostics et des solutions à mettre en œuvre, mais également de la place et du rôle de chacun dans les changements à opérer. Et d’ajouter qu’il y a plus de dix ans, en 2012, notre armée et notre administration quittaient des pans entiers du territoire national, les structures des services sociaux de base se vidaient de leur personnel, nos populations du Nord quittaient leur terroir, le désespoir se répandait dans les cœurs des Maliens…Aujourd’hui, poursuivra-t-il, nos FAMa sont équipées et mises à niveau, elles ont restitué aux Maliens honneur, dignité, confiance en soi et respectabilité ; l’administration ainsi que les services sociaux de base retournent progressivement ; les populations regagnent progressivement leurs foyers respectifs ; l’espoir renaît chez les Maliens avec une nouvelle Constitution consacrant l’avènement de la IVe République.
“Le Mali, qui était hier la risée du monde et le ventre mou de la lutte contre le terrorisme, inspire le reste de l’Afrique, et la Confédération des Etats du Sahel (AES) est créée avec le Burkina Faso et la République du Niger. Le peuple malien a fortement impacté la géopolitique régionale, africaine et internationale”, a-t-il fait remarquer.
Dans son réquisitoire, il a précisé que le processus de refondation dans lequel le Mali est résolument engagé, repose sur quatre piliers qui présagent sa concrétisation effective ; à savoir : une vision partagée par le peuple malien, la mise en œuvre cohérente des réformes globales à travers des stratégies et politiques publiques, un mécanisme de suivi-évaluation interne et externe fonctionnel, l’instauration d’un esprit de citoyenneté patriotique et engagée.
Observer les principes de rigueur, de transparence…
En termes, de recommandations, le conférencier a recommandé aux autorités de la Transition de : maintenir et poursuivre le cap et le contenu du changement tels que voulus par le peuple lors de la lutte enclenché en 2020 et définis au cours des ANR ; mettre en avant les intérêts vitaux du Peuple malien dans toutes les initiatives et actions gouvernementales ; s’imposer les principes d’un leadership vertueux, républicain, patriotique et exemplaire, en toutes circonstances ; observer les principes de rigueur, de transparence et de redevabilité dans la gouvernance des affaires publiques, notamment sur les questions de réduction du train de vie de l’Etat, de maîtrise des coûts des denrées alimentaires et de première nécessité, la fourniture de l’électricité et de l’eau, la moralisation des marchés publics et des modalités de paiement de la dette intérieure ; diligenter le dossier judiciaire ouvert contre les commanditaires, auteurs et complices des tueries et exactions contre les victimes de la crise de 2020 à Sikasso et Kayes, puis à Bamako, notamment les suites des enquêtes, des auditions et des actes de mise sous mandat de dépôt de plusieurs responsables et agents incriminés ; fonder toutes les initiatives de paix et de réconciliation nationale sur les principes de justice, d’équité, de bannissement de primes à la violence et à la rébellion et de garantie de non-récurrence ; créer les conditions sécuritaires, légales et administratives pour finaliser les réformes pertinentes (réadaptation de loi électorale et de l’Aige, cartes biométriques aux normes, listes électorales intègres, charte des partis, etc.) pour la tenue de scrutins crédibles et apaisés, en y associant les Forces politiques et sociales ; préserver et renforcer les relations en matière de défense et de sécurité avec les partenaires respectueux de notre souveraineté et de notre indépendance ; respecter les engagements avec les partenaires, notamment au sein de la Confédération des Etats du Sahel (AES) et assumer avec succès la confiance et le leadership actuellement attribués au Mali.
Boubacar Païtao