Où allons-nous ? Voilà la question que nombre de Maliens se posent aujourd’hui. Où allons-nous ? Telle est la question, combien lancinante, qui tenaille tous les Maliens soucieux du devenir de notre cher pays. Où allons-nous ? C’est là toute l’interrogation, combien juste et terriblement d’actualité, que les Maliens démocrates ne cessent de tourner et de retourner dans tous les sens. Interrogation qui, il faut le reconnaître, tourne et retourne les Maliens dans tous les sens, au gré des événements.
Il y a quelques années, la question aurait surpris plus d’un. Parce qu’au sortir de la lutte héroïque que le peuple malien a livrée contre la soldatesque de Moussa Traoré, les objectifs étaient très clairs : le changement sous-tendu par le « kokadjè ».
C’est vrai qu’il est généralement admis que les Maliens se sont battus pour la démocratie, pour des institutions républicaines, pour le multipartisme, pour plus de libertés.
Mais ce qui est beaucoup plus vrai et qui est incontestable, c’est que les Maliens ont œuvré à la chute de Moussa pour manger à leur faim, pour se mettre à l’abri des intempéries, pour avoir des médicaments à peu de frais, pour garder l’espoir et croire en quelque chose. En somme, les Maliens qui ont bravé Moussa, dans leur écrasante majorité, étaient mus par des revendications légitimes et beaucoup plus prosaïques, beaucoup plus terre à terre.
Au risque de choquer, on peut affirmer sans sourciller que les Maliens de Mars 1991 ne se compliquaient pas la vie. Qu’il y ait 100 où 200 partis politiques n’était pas prioritaire.
Pour la grande majorité des Maliens des événements sanglants, la priorité des priorités était de ne pas avoir de compte qu’à rendre à son ventre, à son corps et à son esprit. C’était cela l’espoir et tout le monde s’y était accroché fermement.
Leurre de vérité
Cet espoir, le mouvement démocratique et quelques-uns des soldats qui ont renversé Moussa dans la nuit du 25 au 26 Mars l’avaient incarné. Et cela pour au moins deux raisons. Premièrement, on s’est contenté seulement de couper la tête du régime de Moussa. Deuxièmement, les ambitions des uns et des autres sont sorties du simple cadre de la différence pour se retrouver dans celui d’un antagonisme, de querelles de personnes. Conséquences : tel un serpent décapité, le corps du régime Moussa s’est comporté comme un fouet, une chicotte pour laminer le mouvement démocratique qui n’est plus que l’ombre de lui-même, aujourd’hui.
Malgré toutes les tentatives, le mouvement démocratique n’est jamais redevenu ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, c’est-à-dire un groupe de pression. Groupe de pression qui aurait veillé de manière vigilante à tout dérapage éventuel en commençant par être intransigeant vis-à-vis de lui-même. Hélas ! A la première épreuve, il a volé en éclats. Il n’est pas utile ici de revenir sur toutes les douloureuses étapes qui ont jalonné la transition : de la formation du CTSP aux élections en passant par la conférence nationale et le procès « Crimes de sang ». Au cours de ce dernier événement, le mouvement démocratique a été traîné dans la boue, le coup d’Etat voyait de nouveaux pères (et ça continue). La révolution de Mars venait de nous échapper. Aujourd’hui, on ne sait plus qui est qui, qui a fait quoi. Mais l’un des grands péchés des vainqueurs de Moussa aura été leur laxisme et leur manque de courage politique. Dans l’euphorie et l’enthousiasme qui ont suivi la chute de Moussa, tous les dérapages ont été permis et cautionnés. Alors que le moment était le plus propice pour ramener les Maliens à terre et leur expliquer, en responsables, les nouveaux défis qui les attendaient. Il aurait été utile et vital de les convaincre que le plus dur restait à venir, qu’il n’y aurait plus de repos.
B. T. Maïga