Capitaine Sanogo investi Président du CMSRFDS : Dioncounda ou l’art de différer ou de déplacer tous les problèmes

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En politique dite politicienne, la ruse, la patience et la pugnacité sont des atouts indéniables pour toute personne désireuse d’embrasser une carrière. Félix Houphouët-Boigny (paix à son âme), père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne, ne disait-il pas que “la politique est l’art de différer ou de déplacer de façon subtile tous les problèmes que l’on ne peut résoudre immédiatement”.

 

Le Président par intérim, Pr Dioncounda Traoré
Le Président par intérim, Pr Dioncounda Traoré

Faisant surement sienne cette anecdote, le président de la République par intérim, Pr. Dioncounda Traoré, avance progressivement ses pions en éliminant au fur et à mesure tous ceux qui paraissaient au départ comme des obstacles à son pouvoir de transition.

Depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012, la signature de l’accord-cadre entre le CNRDRE et la Cédéao le 6 avril 2012 à ce jour mémorable du 13 février 2013, que beaucoup d’eau a coulé sous le pont des Martyrs à Bamako ! Que de péripéties dans le parcours atypique de celui-là à qui la providence semble avoir toujours sourit !

 

Par des concours de circonstances, il se retrouve aujourd’hui presque seul maître à bord du bateau MALI après avoir su intelligemment éliminer l’un après l’autre tous ses adversaires les plus coriaces. Il s’agit notamment de Dioncounda Traoré, précédemment député élu dans la circonscription de Nara et président de l’Assemblée nationale du Mali de 2007 au 12 avril 2012.

 

Devenu président de la République à la suite d’un coup d’Etat ayant évincé son prédécesseur à quelques encablures de la fin de son dernier mandat, Dioncounda Traoré a dû s’accommoder de tous les schémas qui se sont présentés à lui jusqu’ici. Pourvu qu’il bénéficie du temps nécessaire dont il a besoin pour parvenir à ses fins.

 

C’est ainsi que pendant les heures chaudes qui ont suivi le coup d’Etat du 22 mars 2012, il a profité d’un séjour à l’extérieur pour s’offrir quelques jours d’exil forcé de plus en attendant une éventuelle clarification de la situation. Il faut reconnaitre que l’homme semble être né de la bonne étoile.

 

En effet, n’ayant jamais manifesté, ouvertement en tout cas à l’instar de bon nombre de nos compatriotes, une quelconque boulimie pour le pouvoir, il n’en fut pour autant des moins chanceux chaque fois qu’une opportunité se présentait. Souvenez-vous au congrès de l’Adéma/PASJ (son parti d’origine) en octobre 1999 au cours duquel le tout puissant président d’alors de ce parti, Ibrahim Boubacar Kéita, fut contraint à la démission face à une fronde orchestrée par ceux appelés du “clan CMDT” et autres réformateurs.

 

Face à la nouvelle donne, qui a surpris plus d’un, aussi bien les adversaires de l’homme que ses partisans, la providence a voulu que l’honneur revint à son adjoint immédiat (1er vice-président) dans l’ordre de préséance au comité exécutif, d’assurer l’intérim à la tête du plus grand parti du pays à l’époque, Pr. Dioncounda Traoré.

 

Cet intérim va se muer en présidence effective à la direction du parti pendant au moins 12 ans jusqu’à l’investiture de l’intéressé à la magistrature suprême du pays le 12 avril 2012 à la faveur du coup d’Etat perpétré par des mutins de la garnison de Kati ayant à leur tête un capitaine jusqu’alors inconnu du commun des Maliens, un certain Amadou Haya Sanogo.

 

Celui-ci, visiblement pas préparé à l’exercice des résultats découlant de son exploit, inédit dans l’histoire du Mali (éviction d’un président démocratiquement élu et général 5 étoiles de surcroît) va réussir en quelques jours seulement d’exercice du pouvoir, à faire l’unanimité contre lui sur la scène internationale ainsi qu’une bonne frange de la classe politique nationale.

 

Des voix s’élevèrent de partout de l’intérieur comme de l’extérieur pour condamner le putsch et “exiger le retour sans condition à l’ordre constitutionnel normal”. Dos au mur, la junte va lâcher du lest en signant un accord avec la Cédéao le 6 avril 2012 qui consacrait le retour à l’ordre constitutionnel, à travers l’installation d’un président de la République par intérim pour une période bien définie dans la Constitution du 25 février 1992, avec cependant la nomination d’un Premier ministre de “pleins pouvoirs” pour la transition.

 

Aussitôt dit, aussitôt fait. Dioncounda est investi dans ses fonctions de président de la République par intérim le 12 avril et seulement une semaine après il nomme par décret un Premier ministre censé avoir les pleins pouvoirs dès le 17 avril 2012 en la personne de Cheick Modibo Diarra. La cohabitation s’avérera très difficile et plus compliquée que prévue. Un triumvirat de fait s’installera au sommet de l’Etat.

 

D’un côté un président de la république dont la légitimité est sujette à caution et remise en cause par une bonne partie de la population, de l’autre côté une junte qui ne voulait rien lâcher de ce qu’il considérait comme “sa chose” et entre les deux extrémités un Premier ministre dont “les pleins pouvoirs” lui sont vite montés à la tête jusqu’à le pousser à nourrir des ambitions énormes au-delà des missions à lui clairement assignées pour la transition.

 

Le président de la République par intérim fut sauvagement agressé dans son bureau dès le 21 mai 2012 malgré la période légale de son intérim à la tête de l’Etat. Pendant son exil forcé en France pour des soins médicaux, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra, mettra à profit ce temps “vide” pour essayer d’étendre ses tentacules au niveau de l’administration publique ainsi que dans la société civile et la classe politique.

 

Au retour du président de la République à Bamako, le 27 juillet 2012, le clash tant redouté va se produire mettant aux prises les 3 principaux protagonistes de l’exécutif national. Faut-il rappeler qu’entre-temps, un semblant de rapprochement de raison s’était opéré entre le capitaine Sanogo et le président de la République par intérim. D’où la rocambolesque poussée à la démission du Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, annoncée en direct sur les antennes de la télévision nationale le mardi 11 décembre 2012. Son successeur, Diango Cissoko, fut nommé quelques jours plus tard.

 

Parallèlement à ce nécessaire recadrage au sommet de l’Etat, la justice a ouvert une enquête sur les circonstances de l’agression du président de la République. Des présumés auteurs ont été interpellés dans le cadre des enquêtes et des supposés complices ont été également entendus par les fins limiers de la justice. Selon le ministre de la Justice, Malick Coulibaly, l’instruction du dossier suit son cours normal au Tribunal de première instance de la Commune III de Bamako.

 

Après la mise à l’écart de Cheick Modibo Diarra, en redoutable homme politique, il paraissait évident que Dioncounda ne s’arrêterait pas en si bon chemin. Il lui fallait toutes les cartes en main pour assurer une bonne transition, libérer les régions occupées par les jihadistes, les narcotrafiquants, les terroristes et autres acteurs du crime organisé et enfin organiser des élections transparentes et crédibles dont les résultats seront acceptés de tous.

 

Dans cette optique, une chance inouïe se présentera à lui à la faveur de la tentative de progression des bandes criminelles vers le Sud du pays les 8, 9 et 10 janvier 2013. Face à la gravité de la situation, le président de la République mû certainement par l’instinct de survie en pareille circonstance, va faire appel à la France pour venir au secours de son pays.

 

Immédiatement l’opération Serval est déclenchée. L’avancée des jihadistes est stoppée nette. La reconquête totale de l’intégrité du territoire est entamée à la faveur d’une contre-offensive fulgurante et massive menée de mains de maître conjointement par les armées française et malienne. Les villes de Konna, Douentza, Diabaly, Tombouctou, Gao et autres sont reprises une à une aux terroristes. Les premiers contingents des forces de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma) avaient déjà commencé leur déploiement sur le théâtre des opérations aux côtés de leurs frères d’armes du Mali et de la France.

 

Dans la foulée de cette libération, encore inespérée il y a peu, le président français, François Hollande, va se rendre au Mali le 2 février courant pour une visite de travail et d’amitié au cours de laquelle les points sont mis sur plusieurs “i” notamment le retrait total des militaires de la scène politique, la défense de l’intégrité du territoire, l’ouverture d’un dialogue inclusif et l’organisation d’élections crédibles dans les meilleurs délais.

 

Le contexte était donc on ne peut plus favorable pour le président de la République par intérim pour poursuivre “la reprise en mains” et le contrôle effectif de l’ensemble des rouages de l’Etat.

 

C’est ainsi qu’il va mettre la dernière main à un plan savamment concocté dont certains pans avaient été annoncés dans son adresse à la nation du 29 juillet 2012. Notamment la création d’un Haut conseil d’Etat (HCE) et d’un Comité militaire pour le suivi de la réforme des forces armées et de sécurité auprès du président de la République en vue de l’assister dans l’accomplissement de ses missions. Le cadre était tout trouvé pour “caser” l’homme dont le destin a basculé avec celui de la nation malienne en cette nuit du 21 au 22 mars 2012 : le capitaine Amadou Haya Sanogo.

 

Pour mettre les petits plats dans les grands, une cérémonie grandiose est organisée à l’occasion au palais de la présidence à Koulouba, ce mercredi 13 février 2013 en présence de tous les présidents d’institution de  la République. Objectif “renvoyer le capitaine Sanogo et les 13 membres du Comité qu’il dirige dans l’exercice de leurs activités”, qui ne peut et ne doit “aucunement se substituer aux autres institutions de la hiérarchie militaire” et également “sous l’autorité du pouvoir politique”.

 

Mais le principal concerné a souhaité que “cette mission à lui confiée n’aille pas au-delà de la transition”. Comme pour rappeler à tous qu’il se contente de ça pour le moment, mais surement qu’il reviendra au-devant de la scène dans un proche avenir. Ainsi, tout est bien qui finit bien pourrait-on dire !

 

Le feuilleton tristement entamé le 22 mars 2012 serait-il en train de tirer vers sa fin ? C’est le vœu ardent que souhaitent à l’unisson tous les Maliens fatigués et éprouvés par 12 longs mois de calvaire, de souffrances et d’humiliations, car le Mali d’aujourd’hui a plus que jamais besoin d’apaisement, de stabilité, de paix et surtout de cohésion sociale pour aller vers un développement harmonieux qui tienne compte de tous ses fils et filles.

 

Bréhima Sidibé

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8 COMMENTAIRES

  1. Le feuilleton tristement entamé le 22 mars 2012 serait-il en train de tirer vers sa fin ?

    Tant qu’il n’ a y pas de rupture tout va bien. C’est cela la mentalité des africains et surtout des maliens. Le triste de la descente aux enfers de l’état malien n’a pas commencé de 22 mars 2012 et ne finira pas quand Amadou Aya SANOGO va quitter la scène politique. C’est plutot une manière de gouverner qui est à la base de ce problème. Et tant que cette manière de faire ne change pas le Mali n’est pas à l’abri des crises. Le coup d’état est une conséquence et non pas la cause de nos problèmes. Le simple fait que vous êtes entrain de dire que Dioncounda a eu la change montre vous n’avez pas compris l’origine et la gravité de nos problèmes.La constitution dit que l’intérim est entre 25 et 40 jours. Le simple fait que l’on parle à la fois de retour à l’ordre constitutionnel et d’intérim, montre la fin du faire-semblant n’est pas pour demain et que, par conséquent, la fin de nos problèmes n’est pas pour demain.

  2. Le pr Dionkouda et capitaine sanogo ont aujaurd’hui le même souci, la même préoccupation à savoir la rémise de ce pays sur les rails de la démocratie, de la liberté avec un président soucieux de l’avenir de ce pays.

  3. Pour célébrer une semaine intéressante en événement … et souhaiter bon week-end à tous les Maliwebiens … Moussa recommande le cinéma pour la détente …. en particulier … le film suivant …

    http://m.flickr.com/#/photos/79313524@N06/8477217732/

    Pour ce qui est du CAPI….on attend voir mais la situation me rappele une fable de la fontaine…

    Une grenouille vit un boeuf
    Qui lui sembla de belle taille.
    Elle, qui n’était pas grosse en tout comme un oeuf,
    Envieuse, s’étend, et s’enfle et se travaille,
    Pour égaler l’animal en grosseur,
    Disant: “Regardez bien, ma soeur;
    Est-ce assez? dites-moi: n’y suis-je point encore?
    Nenni- M’y voici donc? -Point du tout. M’y voilà?
    -Vous n’en approchez point.”La chétive pécore
    S’enfla si bien qu’elle creva.

    Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages.
    Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs ,
    Tout prince a des ambassadeurs,
    Tout marquis veut avoir des pages

    TOUT PUTSCHISTE VEUT DEVENIR PRÉSIDENT …

    Moussa Ag

    • Excellent, sauf la fin de la fable pour le petit capi… Le voilà cependant sur une voie de garage, espérons qu’il y restera.

    • Surement aussi de la baraka! Il a bcp de chance d’avoir jusqu’à présent sa vieille mère auprès de lui et dont il prend bien soin.

  4. Maintenant qu’il a les mains libres, le peuple attend que Dioncounda abrège ses souffrances. Tel n’est pas le cas pour le moment avec le coût de la vie qui grimpe tous les jours malgré la rareté de l’argent. On ne peut davantage serrer la ceinture sinon il nous sera impossible de respirer en fin de compte!

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