Candidature unique de l’opposition : Un piège à éviter !

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Le temps est venu d’instaurer le débat ouvert et concerté sur la candidature unique de l’opposition. Pour ce faire, il est temps de le sortir du ghetto partisan et du monologue de candidats présomptifs où chacun fait croire qu’il y a un débat sur la question entre partis ou un débat citoyen sur le sujet, il n’en est rien.

Pour ma part j’estime à titre personnel que dans le contexte du Mali, la candidature unique de l’opposition pourrait n’être qu’une erreur stratégique, un piège pour des raisons que voici.

L’une des caractéristiques majeures de notre culture politique est la permanence du traditionnel cycle Regroupement/Effritement. L’effritement est la règle et le regroupement se fait autour du vainqueur ou le plus proche de « position de pouvoir ».

Parmi les raisons de la perpétuation de cette tradition se trouve la très grande personnalisation des rapports sociaux et en conséquence de la vie politique.

Chez nous, cette personnalisation est accentuée par le phénomène plus général du « pouvoir charismatique » qui procède de la reconnaissance, de l’autorité, de la qualité d’un individu. Ce concept met en évidence une légitimité reposant sur la reconnaissance des gouvernés, à un moment particulier, pour l’individu présumé avoir une qualité supérieure à la moyenne des élites de ses compatriotes. C’est justement la reconnaissance de cette qualité personnelle qui laisse peu de place à l’encadrement partisan, c’est là d’ailleurs une des explications objectives de la faiblesse intrinsèque des partis politiques dans notre pays.

Une autre particularité et non des moindres de notre démocratie est la très faible mobilisation électorale. En 27 ans de pratique électorale démocratique, nous n’avons jamais atteint et dépassé le seuil de 50% de taux de participation électorale.

Le Malien ne vote pas, certains de nos voisins se moquent en parlant « des élections sans électeurs ».

Et quoi que déjà étriquée cette participation se fera en 2018, de plus en plus autour des terroirs, voire des communautés, le contexte national étant propice à cette perspective potentiellement dangereuse.
De la faiblesse de la participation, les causes sont profondes, elles partent l’instauration d’une « partitocratie » inefficace, l’absence de chantiers de la citoyenneté dans notre pays, ces deux éléments étant les ferments du rejet de la classe politique.

Il s’y ajoute le fait notable que notre système politique est aussi non réceptif à l’idée de « sanction politique », un chef de parti, a beau échoué deux à trois fois aux élections présidentielles, il se croit candidat naturel de son parti.

En somme, quelles que soient les raisons de la faiblesse du taux de participation électorale, le constat est là, les Maliens ne votent pas.

Malheureusement, les élections bâclées de 2013 ne permettent aucune analyse sérieuse sur les motivations du vote au Mali, mais selon le politologue colombien Fernando CEPEDA, il y a trois types d’électeurs :

  • Celui des fidèles du parti, ou vote d’affiliation ;
  • Celui des électeurs libres d’attache partisane réalisent leur vote, ou vote d’opinion ;
    • Celui des électeurs qui cherchent un bénéfice direct, fruit du clientélisme, ou vote d’échange.
    Sous ce rapport, il est évident que l’angle partisan est insuffisant pour saisir le poids électoralement « présidentialisable » d’une personnalité au Mali, s’il en était autrement l’occupant de Koulouba serait encore à Sebenicoro.

En effet, le président IBK, contrairement à ses prétentions de 2002 à 2007, n’a jamais été une foudre de guerre électorale. Il a été régulièrement battu par ses concurrents en 2002 et 2007.
En 2007 non seulement il a été battu à la régulière aux présidentielles, mais il a fallu du bricolage politique aux législatives (coalition forcée des partis politiques contre un indépendant) pour le voir revenir à l’Assemblée nationale.

Qui ignore dans le pays que IBK a failli perdre tout seul, contre lui-même en 2013. Le seul candidat qui a bénéficié de l’appui du clergé musulman, du soutien actif de la junte militaire qui contrôlait les appareils militaires et administratifs du pays, malgré tous ces soutiens, le candidat du RPM, a été incapable d’obtenir au premier tour 40% du suffrage des Maliens.
N’importe quel autre candidat parmi les cinq premiers de l’époque dans les mêmes conditions serait passé au premier tour. L’armée, l’Administration territoriale, la rébellion coalisées, n’ont pas pu faire élire le Président actuel au premier tour en 2013.

Or en sciences électorales, il est dit qu’au premier tour, on vote pour son choix, celui qu’on aime voir élu, et au second tour on élimine, celui qu’on n’aime pas voir élu, sans pour autant forcement aimé l’élu ou même être d’accord avec lui. Voilà pourquoi les références aux fameux 77% paraissent ridicule au regard de la réalité politique et sociologique du pays.
Sous cette réserve, il est imprudent de la part de l’opposition à jouer à se faire peur. Une candidature unique pourrait avoir des effets de contraction sur la mobilisation dès le premier tour, et d’autres revers inutiles.

Le prix à payer pour l’alternance

Quelle que soit la bonne volonté des partenaires à y parvenir, si un accord ne parvenait pas, le risque est grand d’une division profonde au sein de l’opposition pour la suite, compte tenu de la trop forte personnalisation de la vie politique.

De même, si la personnalité retenue ne rentre pas dans le canon de la majorité des Maliens déçus par le pouvoir, ou ne convient pas à l’appréciation de ceux d’entre nous fermement opposés à celui-ci, l’effet de contraction va inévitablement remettre en selle un candidat virtuellement battu. Dans une telle perspective, l’opposition n’aura plus de réserve de voix ou tout simplement de réserve sociale pour avancer.

La meilleure stratégie actuelle est le mouvement continu, depuis la création de la « plateforme Antè A Bana », de la création d’une majorité d’idées dans le pays pour l’organisation des élections transparentes, équitables et crédibles. L’alternance en sera le fruit.

Pour qu’il en soit ainsi, l’opposition doit se poser les bonnes questions et se donner la meilleure organisation possible. Car, nous devons être à l’image de ce que nous voulons promouvoir demain dans le pays.

Il s’agit de rassembler maintenant davantage de compétences alternatives, de sensibilités politiques et sociales pour contrôler et surveiller le processus électoral et laisser ouverte au premier tour les candidatures, à tout le moins on pourrait encourager les regroupements pour trois à quatre candidatures au sein de l’opposition.

Dans ce sens on pourrait trouver le pôle ADPS/Front populaire ; le NPP et Alliés, et faute de nom encore un axe autour du candidat de l’URD, etc.

Ces pôles pourraient travailler de concert à informer les Maliens de l’ampleur des problèmes auxquels le pays est confronté et la façon dont le Président IBK à échouer à les résoudre et chacun des candidats au premier tour développera son programme de sortie de crise.
Ensemble, ils devraient armer les malien politiquement afin qu’ils n’accordent plus leur confiance à des groupes d’hommes qui n’ont pas à rendre compte de leurs actes.
Enfin la formation électorale, le contrôle et la surveillance du processus électoral, faut-il le répéter, doivent être entrepris par les ressources humaines mutualisées de toutes les composantes de l’opposition.

La politique étant l’art du possible, ne pas s’enfermer dans un débat sans issue, est certainement le prix à payer pour l’alternance.

Souleymane Koné

Ancien Ambassadeur

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8 COMMENTAIRES

  1. Cet titre ancien Ambassadeur que vous affichez montre à quel point nos dirrigeants se moquent du pays. De quelle capacité théorique disposez vous pour faire une analyse politique.
    Merci de rester caché.

  2. “…le pôle ADPS/Front populaire ; le NPP et Alliés, et faute de nom encore un axe autour du candidat de l’URD, etc.. Ces pôles pourraient travailler de concert à informer les Maliens de l’ampleur des problèmes auxquels le pays est confronté et la façon dont le Président IBK à échouer à les résoudre et chacun des candidats au premier tour développera son programme de sortie de crise.
    Ensemble, ils devraient armer les malien politiquement afin qu’ils n’accordent plus leur confiance à des groupes d’hommes qui n’ont pas à rendre compte de leurs actes…” C’est vrai ce que tu dis la Souleymane, mais, si les Maliens ne choisissent pas Zou cette annee, ils se seront foutu les doigts quelque part…
    Compare a ZOU, IBK (qu’on qualifie ad’homme a poigne) est une pouffiasse. Il est plus meticuleux que le Flic Modibo et plus Cale que l’Economiste Soumaila Cisse et son patriotisme est a fleur de peau. Il a deja demontre a deux reprises qu’il est l’homme des situation difficile et ne s’encombrerais jamais de religieux-parasites dont le Malirengorge….
    Alors LA BALLE EST DANS VOTRE CAMP MALIENS….

  3. Kirane
    Empathie pour quelqu’un qui a privilégié sa famille,son clan au détriment de L’INTÉRÊT GÉNÉRAL .
    Empathie pour quelqu’un qui a privilégié l’achat d’un avion présidentiel pour faire le tour du monde alors que son pays traverse la plus grande crise de son histoire.
    Empathie pour celui qui laisse les proches pillés les maigres ressources du pays.
    Empathie pour celui qui a le mépris pour les pauvres comme c’est constaté fréquemment il évite les mains des MALIENS pendant ses sortis.
    Empathie pour celui qui n’a cessé de mentir pour garder le pouvoir.
    Les MALIENS ont découvert le VRAI visage d’Ibk.
    IBK le disait régulièrement,il faut qu’ ALLAH exprime la vérité entre ALPHA OUMAR KONARE et lui.
    ALLAH lui a donné le pouvoir pour exaucer ses voeux.
    Les MALIENS ont crû avoir voté pour l’homme de poigne premier ministre d’AOK espérant retrouver la quiétude.
    On découvre que cet homme agissait par les instructions de son mentor premier président démocratiquement élu de l’ ère démocratique .
    Il n’arrive pas à AVOIR le leadership de son mentor aussi bien en Afrique qu’ au MALI .
    On découvre qu’ il n’a ni la personnalité de ALPHA OUMAR KONARE ,ni sa vision.
    Il est un homme de CLAN incapable de penser à l’intérêt général .
    Les MALIENS ont plutôt du dégoût pour IBK qui a trompé tout un peuple,même les opportunistes qui tournaient autour de lui pour piller les maigres ressources du Mali.
    Vous allez constater les ravages de BOUA KA BLA de RAS BATH pendant les élections quand vous pensez que M.SALL a commencé très top sa mobilisation faisant la différence avec l’opposition MALIENNE.
    Vous faîtes semblant de ne pas CONSTATER les tournés de SOUMAILA CISSE depuis 2013.

    • Sangaré RDV en Août. Je ne suis pas un passionné moi. Ce que je dis es juste basé sur des constats ici à Bamako et dans le pays profond que j’ai la chance de sillonner dans le cadre de mon travail. Je discute j’échange avec des gens qui ne savent même pas tout ce tu viens d’énumérer sans preuve tangibles. IBK est le cadet de mes soucis. Mon souci c’est mon quotidien dans ce pays. Si ce pays est stable cela est bon pour moi et pour mes activités. Visiblement toi tu as choisi ton camp et c’est tant mieux. Pape, Paul ou Jacques moi je veux juste que mon pays sorte de tout cela par le haut. Dans ce pays nous ne sommes que dans l’invective à l’endroit du tenant du pouvoir. J’ai tout entendu sur Moussa (dictature, milliards détournés), tout sur Alpha (Soumaïla premier milliardaire sur 7, détournement des fonds de l’UEMOA) et tout sur ATT (sa fille aurait fêté son milliard et qu’elle nommait les gens moyennant quelque chose; tout entendu sur Dioncounda (sa fille aurait détourné de l’argent de la Guinée Equatoriale destiné au trésor) et maintenant IBK. Jamais il n’y eu de preuves, à chaque fois c’est des “ON DIT”…”J’ai entendu que”. Sommes nous nous même des exemples de probité, de travail bien fait et de sens de la responsabilité?
      Que propose les futurs candidats pour nous sortir de la crise? Va t-on revoir l’Accord ou amplifié ce qui a été fait? Que propose les candidats pour lutter durablement contre le chômage? Que propose les candidats pour notre santé? Que propose les candidats pour l’Ecole?…….Rien jusque là Les maux que je viens de citer existent depuis que la plupart de ces gens gèrent le pays. Ont-ils changer entretemps? Moi j’attends de voir. Pour le moment j’ai de sérieux doutes sur leur capacité à faire mieux.

  4. On sait que l’opposition ne sera jamais ensemble. Cela est clair comme l’eau de roche. L’alternance n’est qu’une utopie vraiment car ces gens iront en rand dispersé et se marcheront les uns sur les autres.

  5. ….Une autre particularité et non des moindres de notre démocratie est la très faible mobilisation électorale. En 27 ans de pratique électorale démocratique, nous n’avons jamais atteint et dépassé le seuil de 50% de taux de participation électorale.

    Le Malien ne vote pas, certains de nos voisins se moquent en parlant « des élections sans électeurs ».
    Ces quelques lignes venant de Souleymane Koné, Vice Président des FARE en dit long sur notre Démocratie. Il reconnait le faible taux depuis 27 ans et dit bat en brèche l’argument de la candidature unique. Il est donc claire que si l’opposition va en rang dispersé, IBK sera le seul candidat qui est assuré d’être au second tour, les autres candidats dont Modibo Sidibé n’on aucune certitude d’être au second tour, car il ne récoltera que des miettes. Les malines ne votent pas, les bamakois encore moins que le reste du pays. Les élections sont prévu pour le mois de juillet, à ce jour rien de ces soit disant candidats potentiel n’est visible, si ce n’est les critiques acerbes qui ne nous avance en rien….

  6. Une analyse pertinente de monsieur koné.
    Le Sénégal est le pays qui peut inspirer le MALI en matière d’alternance démocratique.
    Les alternances réalisées au Sénégal ont respecté ce que propose monsieur l’ ambassadeur à savoir des candidatures libres au premier tour et un bloc derrière le candidat qui a pu passer au deuxième tour .
    A.Wade a bénéficié du soutien des cadres du parti au pouvoir au deuxième tour,après avoir concouru à côté d’eux au premier tour contre le candidat du parti au pouvoir,qui étaient contre une énième candidature de A.DIOUF .
    M.SALL aussi qui n’était même pas parmi les favoris a créé la surprise à être le second du candidat sortant au premier tour.
    Une coalition s’est formée contre À.WADE au deuxième tour .
    Une candidature unique de l’ opposition ferait l’affaire d’Ibk,si ce candidat ne passe pas dès le premier tour.
    Ça va galvaniser les partisans d’Ibk au deuxième tour et certainement créer une scission au sein de la coalition au deuxième tour en faveur d’Ibk.
    Une candidature multiple dès le premier tour peut même empêcher IBK d’accéder au deuxième tour .
    Une humiliation qui peut se réaliser compte tenu de trop de mécontents au sein du parti au pouvoir .
    La multiplication des candidats au premier tour ,compte tenu de l’ état de popularité d’Ibk,désavantage le candidat IBK.
    Au deuxième tour quelque soit le candidat en face,IBK sera battu car les électeurs vont se mobiliser pour sanctionner sévèrement IBK de les avoir trahi.

    • Frère Sangaré, vous oubliez l’empathie qu’ont les populations pour le sortant. Je vous rappel que le RPM n’avait aucune Mairie dans le District de Bamako. Que cette élection de “proximité” des municipales nous a montré, malgré tout que le parti du Président compte, pas par lui même, mais par l’aura du Président de la République. Le Mali n’est pas le Sénégal, au Sénégal les candidats battent campagne très tôt, ici à 6 mois ils dorment encore. Au Sénégal, Macky a battu campagne durant presque deux ans en arpentant le pays. Macky avait aussi discuté avec Tanor et Gnasse bien avant les élections et avait couché sur papier un accord pour se retrouver au second tour. Ici nos gars de l’opposition ne se mettrons jamais d’accord, tous les opposent, c’est comme cela au Mali. Et je te rejoins sur la scission au second tour, la majorité seront avec IBK s’il est en tête pour le second tour….Excellente journée

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