Calendrier électoral : Désintérêt, désaveu et mépris du peuple

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Par rapport aux questions qui inquiètent les responsables politiques, le peuple s’est prononcé et fait voir où se trouvent ses vraies craintes et préoccupations.

A Kati, la ville garnison, Bamako, la capitale malienne, et Sikasso, la région la plus peuplée du pays, le peuple est sorti en masse, mercredi, jeudi et vendredi, a investi les rues, a marché et cassé. Il s’est manifesté contre les autorités, taxées de laxisme et de complaisance dans la gestion de la crise sécuritaire que traverse le nord et qui menace d’autres régions. Cependant, si comme l’association Appel du Mali (APMA), des manifestants, dans un geste d’humeur, ont demandé le départ du gouvernement et du président de la République et leur remplacement par «un Conseil de commandement», si on s’en est pris à certains édifices publics et à des biens privés, si des Touaregs, Maures et Arabes ont été molestés, nulle part on a évoqué le calendrier électoral prévoyant le premier tour de la présidentielle et le référendum dans seulement moins de trois petits mois. Nulle part et surtout pas à Tombouctou, Gao et Kidal qui sont depuis quelques semaines sous les feux nourris de l’ennemi.
Ce désintérêt des manifestants pour des scrutins déjà planifiés est la preuve, s’il en était besoin, que le peuple sait reconnaitre ses vraies priorités et mettre en avant ses préoccupations, rester sourd aux chants des sirènes, et garder intacte la confiance qu’il a en son armée nationale et républicaine. Il reconnait qu’avec des moyens humains, matériels, techniques, logistiques appropriés et adéquats, ces forces armées et de sécurité peuvent battre n’importe quel ennemi, pourvu qu’elles en aient l’autorisation et qu’il existe une réelle volonté politique d’en finir avec des crises récurrentes.
Ce désintérêt, le peuple, du reste, ne s’est jamais privé de le manifester depuis 1992, date de la tenue des premières élections dite libres et transparentes. Les différents scrutins, depuis, n’ont jamais pu drainer grand-monde, le taux de participation peinant à atteindre les 40%. On peut en déduire et en conclure que plus de 60% des Maliens se moquent éperdument de la chose politique, de la scène politique, des acteurs politiques et de leurs piètres prestations.
Puis le désintérêt, devenu désaveu, s’est manifesté également en 2002 et 2007 avec l’élection et la réélection d’un indépendant à la tête du pays, l’émergence et le succès des candidatures indépendantes aux législatives et, après, aux municipales de 2004 et 2009.
Le désintérêt, mué en mépris, atteint le summum lorsque le peuple a vu les responsables politiques voler vers la table présidentielle et s’agglutiner comme des mouches autour du «gâteau national» au nom d’une gestion consensuelle du pouvoir. Cela dure depuis dix ans et tue tout véritable débat ouvert et sincère sur les grandes questions de la nation.
Désintérêt, désaveu et mépris
Désintérêt, désaveu et mépris parce qu’au lieu de joutes électorales, la seule guerre qui vaille d’être menée par le peuple, qui l’a compris, c’est la lutte pour le développement intégré et durable. Une guerre dont les principales batailles sont celles de la paix, de la cohésion sociale, de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale, de la sécurité.
La classe politique a-t-elle compris la leçon pour en tirer les enseignements nécessaires ? En tout cas, calculs électoraux ou pas, elle a manifesté son soutien aux autorités, a rencontré le président de la République, lui a proposé ses bons offices et recommandé de chercher le dialogue et les négociations. Deux de ses bons élèves, Tiébilé Dramé du PARENA et Choguel K. Maïga du MPR, ont été chargés de trouver une issue heureuse à l’insécurité dans le nord. Un plan de sortie de crise a aussitôt été présenté et débattu dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, le 06 février, avant d’être soumis à l’ensemble de la classe politique, le lendemain. Quand le document aura l’aval du chef de l’Etat, il sera largement diffusé à leurs bases par les responsables politiques. Ces bases, c’est le peuple, seul souverain qui pourrait adopter et s’approprier le Plan.
Or, comme par hasard, les trois candidats partisans qui arrivent en tête des sondages (financés et organisés l’on ne sait comment) sont issus de l’Adema PASJ. Ce parti avait en main tous les rouages de l’Etat et était sûr de gagner toutes les élections lorsque les autorités ont signé le Pacte national le 11 avril 1992. Et quand l’Accord d’Alger a été signé le 4 juillet 2006, le PASJ était toujours largement majoritaire alors que l’Assemblée nationale était présidée par Ibrahim Boubacar Kéita du RPM. Il n’est un secret pour personne que la signature de ces deux documents est à la base de toutes les revendications touarègues parce que déjà à l’époque, les autorités étaient sûres et certaines de ne pouvoir satisfaire à toutes ces exigences. Prétexte tout trouvé pour les bandits armés.
A contrario, et toujours comme par hasard, des deux leaders politiques auteurs du plan, l’un, Tiébilé Dramé, s’est toujours insurgé contre la signature de l’Accord d’Alger. Son parti est le seul de la place à s’inquiéter continuellement de la situation précaire dans le nord malien. Et même au-delà puisque le PARENA a invité au Mali des experts et spécialistes de plusieurs pays sur la question de l’insécurité dans l’ensemble de la bande sahélo saharienne.
Par ailleurs, Tiébilé Dramé et Choguel Maïga, ne se faisant aucune illusion sur leurs chances d’accéder à Koulouba ne sont pas encore candidats à la prochaine présidentielle. Leur distance vis-à-vis de cette élection devient un avantage pour la mise en œuvre et la réussite du Plan.
Une réussite primordiale et nécessaire pour que le peuple, enfin débarrassé de ses peurs, écoute à nouveau les balivernes électoralistes.
Cheick Tandina

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