Cadavres pas si rares en terres rares

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Il est question d’élire en 2018, si tout se passe bien d’ici là, un nouveau Président de la République. Avant de prendre une décision dans le secret des urnes, moyennant sachets de thé ou places promises, assurez-vous que vous ne serez pas de nouveau, les victimes de votre choix. À tous ceux qui pensent que celui qu’ils ont triomphalement élu en 2013, illusionnés qu’ils furent par des slogans creux et l’envie folle d’être sauvés malgré eux et sans eux, a tenu ses promesses. À tous ceux qui se languissent de bientôt festoyer autour de la gamelle familiale, confortablement installés sur le dos brisé des Maliens. À tous ceux qui souhaitent faire leur choix de façon éclairée, loin de la famille, du clan, de l’appartenance ethnique ou de la religion. Je conseille la lecture du Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable du Mali (CREDD) 2016-2018.

Ce document, présenté comme le cadre de référence du développement du Mali, répertorie toutes les actions que ce gouvernement s’est engagé à mettre en place entre 2016 et 2018. Soyons fair-play, il lui reste encore un an pour tenir ses engagements. Soyons honnêtes et vigilants, cochons les cases à chaque réalisation constatée et en 2018, soldons les comptes en connaissance de cause. Il n’y a pas que la rédaction de la Constitution qui ait été confiée à prix d’or à des étrangers, sous réserve, bien sûr, à l’attention de ceux qui pensent que les salauds sont du seul côté sombre de la Méditerranée, de ristournes à quelques suceurs de sang bien de chez nous.

Dans la préface du document qu’il a écrit, le ministre de l’Économie et des Finances, Boubou Cissé, remercie spécifiquement «Le PNUD, [qui] a su apporter à l’exercice la caution internationale et la crédibilité nécessaires, par la qualité de son conseil stratégique et la flexibilité de son appui technique et financier à travers la mise à disposition de consultants expérimentés de niveau international. La France [qui] a apporté une assistance technique de qualité qui [a été] d’un apport déterminant dans le processus d’élaboration et de validation de ce nouveau cadre de référence.»

Chacun défendant ses intérêts et ceux qui paient étant les commanditaires, il y a des chances que ce document nous en dise long sur les motivations de nos très chers bailleurs venus faire la guerre et soi-disant la paix à notre place. Souhaiter, espérer, vouloir que la politique du Mali soit définie par les Maliens pour les Maliens est déjà un programme en soi. Comment et avec qui appliquer ce programme ? En voilà un vrai projet !

Le nord, rien que le nord, tout le nord.

Sans surprise, le domaine prioritaire number one concerne la «Paix, Réconciliation Nationale et Reconstruction du Nord». Dans le mandat de la Minusma renouvelé en juin dernier, il est spécifié qu’elle doit apporter son concours «dans les limites de ses moyens et dans ses zones de déploiement, à l’organisation d’élections transparentes, régulières, libres et ouvertes à tous, ainsi qu’à la tenue d’un référendum constitutionnel.». La tenue du référendum constitutionnel était donc acquise par l’ONU, quelles que soient la situation sécuritaire du pays et la conformité du projet de révision constitutionnelle à la Constitution du pays. Son refus par la population malienne ne semble pas avoir été une option envisagée. De quoi se mêle le peuple, ont sans doute pensé les tireurs de ficelles. On leur avait pourtant promis, juré qu’avec Beau papa de fiston à la tête de députés à peine alphabétisés pour la plupart, les petits arrangements entre amis passeraient comme une lettre à la poste… si on y mettait le prix, bien sûr. C’est dire la confiance que l’on peut placer dans nos institutions ! Et dire qu’ils veulent en rajouter une couche avec le Sénat. Il arrivera bien un moment où le système sera tellement pourri de l’intérieur qu’il tombera de lui-même, comme en 2012 : peu importe le scénario de la chute, seule nous importe la relève. Inutile de vous dire qu’il n’est pas envisagé de faire du neuf avec du vieux… Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, vieux briscards de la politique, on en a marre de gober la même soupe que vous nous servez depuis des années. Nous voulons changer de régime : abandonner l’anorexie pour une alimentation normale, sans passer par la case boulimie.

Quand IBK dit qu’il gouverne pour la Communauté internationale auprès de qui il a pris des engagements (au fait, quand connaîtra-t-on le contenu des Accords de défense signés avec la France ?), il dit vrai. Et pourtant, il est le mieux placé pour savoir que même la communauté internationale ne peut aller contre la volonté de son peuple, puisque c’est grâce à ce peuple et malgré cette communauté internationale qu’il a été élu, en dépit du choix premier de ses chers amis socialistes de l’époque. À sa décharge, créditons-le de petits problèmes de mémoire, sans vouloir faire offense à son grand âge. Pour nous faire pardonner ce rappel inconvenant, nous lui dédions volontiers, ainsi qu’à ses congénères et à leur progéniture qui s’agrippent au pouvoir sans jamais avoir produit de valeurs sociale et économique utiles pour leur pays, ce mot de Jules Barbey d’Aurevilly (in Les Prophètes du passé, 1851) : «On n’a pas progressé parce qu’on a vieilli ; on a progressé parce qu’on a élevé son sens moral».

Passons au deuxième objectif qui est de «Contribuer à un développement équilibré entre toutes les régions du Mali en mettant en œuvre la phase de relèvement rapide de la Stratégie Spécifique de Développement des Régions du Nord du Mali.». Une fois décodée la formulation pour le moins un peu alambiquée, nous avons bien compris que le développement équilibré du Mali passe par celui du nord du Mali… Rappelez-moi déjà combien de milliards ont été engloutis dans les dunes de sable depuis 2007 ? Pour quels résultats ? Aujourd’hui le gouvernement malien met en place une stratégie de développement à 10-15 ans pour la même région, pour un montant de plus de 2 000 milliards de francs CFA, avec pour objectif d’améliorer “la gouvernance, l’accès aux services sociaux de base et renforcer les infrastructures ou encore la vitalité économique” des régions du Nord. ». Sans véritable justice et volonté politique, comment améliorer la gouvernance ? Sans gouvernance, vous pouvez tirer tous les plans que vous voulez sur la comète, ils ne resteront que des mots, certes écrits en lettres d’or, vu les honoraires versés aux consultants étrangers, couchés sur du papier. Selon le même Boubou Cissé, cet ènième plan serait “un rattrapage de développement de façon générale, mais un rattrapage qui va nous permettre d’aller vers une émergence sociale et économique sur l’ensemble du territoire malien».

Au-delà de la langue de bois empruntée au jargon des bailleurs, peut-il nous expliquer pourquoi ce plan-ci servira plus les populations du Mali que les autres plans d’enfer égrenés au fil des ans ? Les hommes ont-ils changé à l’insu de leur plein gré ? Une révolution des mentalités a-t-elle eu lieu à l’insu de nous-mêmes ? Le ministre de la justice a-t-il reçu des instructions strictes pour faire le ménage dans ses écuries, payer décemment le personnel judiciaire et traquer jusque dans le plus petit trou de souris celui qui aura retiré de la bouche du citoyen justiciable 1 seul Franc CFA ? Les populations ont-elles subitement retrouvé une confiance aveugle en leur justice au point d’abolir l’«article 320» qui condamne le voleur d’en bas à être brûlé vif sans autre forme de procès ? Les fonctionnaires, les représentants de nos institutions alibi, les commerçants, les corrompus et corrupteurs divers et variés, entendent-ils au loin le sifflement du glaive de la justice qui avance vers eux, impitoyable et droit dans son fourreau, prêt à s’abattre sur leur tête ?

Colonne dévertébrée, langue pendante et bave aux lèvres, mains aux doigts crochus tendues, ventres gargouillant repus du sang des Maliens, cerveau et cœur en mort clinique depuis si longtemps, comptes en banque à l’étranger cliquetant pour appareil respiratoire. Du nord au sud, les voilà déjà en rangs serrés, zombies obligés de se soutenir, incapables de tenir debout seuls. Prêts à dézinguer un peuple malien encore vivant malgré tous leurs efforts pour l’anéantir, aussi sûrement que s’ils lui tiraient dessus à bout portant, en le privant d’eau potable, d’éducation, de justice, de santé. Leur espoir en une vie meilleure pour leurs enfants tué net par un environnement où batifolent en toute impunité malnutrition, maladies hydriques et palu, bras armés de nos affamés affameurs assassins. Il y a dix mille façons plus ou moins radicales de tuer, sans aller jusqu’au génocide. Il y a dix mille raisons de justifier ces morts programmées. Et l’on s’étonne que mourir pour mourir, nos jeunes veuillent tout «faire péter» avec eux ? Et si ce n’est qu’une question d’argent, comment se fait-il qu’avec tous les milliards déversés sur ce pays depuis des décennies, la pauvreté soit toujours aussi triomphante partout au Mali ?

Ce que confirme le document quand il relève que «trois régions affichent une incidence de la pauvreté (monétaire) particulièrement importante : Sikasso (65,8%), Mopti (60,4%), Ségou (56,8%). Ces trois régions accueillent près de la moitié de la population malienne. Par ailleurs, l’analyse de la pauvreté des communes a toutefois mis en exergue les handicaps structurels des communes dans les régions de Gao, Tombouctou, et Kidal. Ce sont des régions où la densité est faible (respectivement 4 hbts/km², 2 hbts/km² et 0,4 hbt/km²). Ces régions comptent pour 9% de la population malienne.» Le même document précise que «l’analyse pluriannuelle des situations récurrentes d’insécurité alimentaire a fait ressortir que presque toutes les régions sont considérées comme particulièrement vulnérables : Gao, Tombouctou, Kidal, Mopti, Ségou, Koulikoro et Kayes… Les régions de Sikasso, Koulikoro, Mopti, Kidal et Kayes sont les plus inégalitaires en termes de dépenses alimentaires tandis que Bamako, Tombouctou et Gao le sont moins.».

On essaie mais vraiment on n’arrive pas à comprendre pourquoi aider ce pauvre-ci aidera celui-là, surtout si ce dernier doit se saigner encore un peu plus. Admettons que le Nord avale le peu de ressources laissées vacantes par les prédateurs pour l’ensemble du pays. Par quel miracle des hommes qui hier, fussent-ils du Nord, ayant activement participé au développement d’un système maffieux et criminel, responsables de tous les problèmes que nous connaissons aujourd’hui, seraient-ils devenus vertueux et soucieux du développement durable d’une région livrée au trafic de drogue dont ils profitent tous ?

Donneurs de leçons et leçons du passé

On exige un référendum constitutionnel pour supposément renforcer une décentralisation qui n’a réussi jusqu’à présent qu’à rapprocher des populations corruption et mauvaise gouvernance dont aucun chef, qu’il soit traditionnel, religieux ou autre, n’est exempt par nature. On nous impose un Sénat budgétivore quand, ailleurs, on pense à le supprimer. Au nom de la démocratie, on nous parle de nommer, et non d’élire, des chefs traditionnels et des religieux. Qu’ont ces personnes de plus que le commun des Maliens pour échapper au suffrage populaire ? Sans doute sont-ils fils de… Un peu léger pour les temps modernes. Et puisqu’on nous dit que tout va bien question sécurité, qu’à cela ne tienne, commençons par organiser un référendum dans le nord du pays pour savoir si les populations locales souhaitent l’indépendance de leur région sous la houlette de la CMA. La Minusma y assurera «dans les limites de ses moyens et dans ses zones de déploiement […] l’organisation d’élections transparentes, régulières, libres et ouvertes à tous».

Malheureusement, quand on voit tous les cadavres qui jonchent le sable dans ses zones de déploiement, il nous faut bien admettre que ses moyens sont très, très limités. Qui peut en vouloir à la population de refuser de lui confier sa vie en allant voter ? Et la France qui nie vigoureusement tout soutien éventuel aux rebelles du Nord. Qu’elle souffre, sans se sentir offensée, que nous ne la croyons plus sur parole. Nous vous conseillons vivement de lire le dernier dossier réalisé par la revue XXI (Nos crimes en Afrique -N° 39- Eté 207). Nous attirons particulièrement votre attention sur la partie concernant la guerre au Biafra. D’étranges similitudes avec ce qu’il se passe à Kidal pointent le bout de leur nez et si les hommes changent, leur nature et les intérêts d’Etat restent immuables. Qu’est-ce donc qui motive le black out sur Kidal par les forces étrangères, au prix de morts sans fin et de l’insécurité grandissante dans tout le pays ?

Pour le comprendre, retournons à notre document de référence dans lequel «le Gouvernement a retenu l’élaboration et la mise en œuvre d’un Programme de Développement Accéléré des Régions du Nord (PDA/RN) et la mise en place d’un Fonds de Cohésion et de Solidarité, instrument financier dudit Programme… Partant des contraintes spécifiques de développement des régions concernées et prenant en compte leurs potentialités et atouts, les objectifs visés dans le PDA/RN ont été structurés en cinq (5) axes stratégiques prioritaires : Axe 1 : Retour de l’administration et de la sécurité et cohésion sociale – le feuilleton sans fin- ; Axe 2 : Développement rural, sécurité alimentaire et environnement ; Axe 3 : Relèvement économique ; Axe 4 : Accès aux services sociaux de base ; Axe 5 : Infrastructures de développement et mines». Faisons confiance à nos partenaires pour que ce dernier axe avance beaucoup plus vite que les précédents. Notons néanmoins que pour une fois, le social arrive après l’économique. Dans la logique des choses, pour financer le social, il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Si vous ne générez pas cet argent en créant de la richesse, deux solutions s’offrent à vous : soit vous vous passez de social. Je vous entends déjà vous écrier. Quoi ? Rater un mariage ou un enterrement où je ne pourrais pas exhiber mon dernier bazin à 150 000 Fcfa, cancaner à loisir et louper une journée de travail pour la troisième fois dans le mois, quand j’ai la chance d’en avoir un ? Refuser d’héberger le neveu arrivé du village qui passe son temps à prendre le thé et à refaire le Mali à la porte de la maison, devant un caniveau putride qui déborde de détritus qu’il ne lui viendrait même pas à l’idée de nettoyer ? Qui ? Moi nettoyer le caniveau ? Moi le fils de ? Mais oui, toi. Tu ne sais pas que tous les fils sont fils de quelqu’un ? Oui, mais moi, mon oncle est DAF au Ministère des Finances, ma cousine est douanière et mon cousin est policier à un bon carrefour. Je comprends, nourri, logé, argent de poché aux frais du citoyen, pourquoi irais-tu travailler ? Mais moi, je veux bien travailler mais uniquement comme fonctionnaire. Je suis un jeune diplômé, Master en archéologie obtenu à l’université en 8 ans, s’il vous plaît ! Ah bon ? Ça explique le regard toujours braqué sur un passé mythifié, incapable de plonger dans le présent pour construire un avenir meilleur. Bonne chance futur fils de, futur parasite. Soit vous le subtiliser aux populations en détournant les fonds qui leur sont destinés ou en empochant les sommes revenant à l’Etat. Vous savez, les taxes et impôts qui normalement devraient financer écoles, hôpitaux, routes, armée, justice, police et même vos augmentations de salaires…

Sur le sable, bruit de bottes, sous le sable, terres rares et cadavres

Pour en revenir à notre document, qui a dit qu’il n’y avait rien à exploiter dans le nord du Mali ? Ce document est très explicite, quoique de façon disséminée, sur les potentielles richesses à exploiter dans le Nord. Le gouvernement commencera par «promouvoir, sur investissements privés, un nouveau projet de recherche et d’exploration pétrolière et minière sur toute l’étendue du territoire national». «Dans un souci de diversification des ressources minérales, il s’agira également d’accompagner la réhabilitation, dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé (PPP), de la société d’exploitation du phosphate à Bourem et du gisement de Manganèse à Tassiga (Cercle d’Ansongo)».

Gardons en mémoire qu’en 2014, une commission des lois du Sénat français a publié un rapport qui a qualifié les PPP de «bombes à retardement» en raison de leurs «effets néfastes notamment pour les générations futures». En effet, en faisant ce transfert, l’Etat ou la collectivité se condamne à régler des années durant un loyer ou des frais à son partenaire marchand, selon des contrats aux clauses multiples et souvent peu à l’avantage des collectivités ou de l’Etat. En 2015, la Cour des Comptes a enfoncé le clou en précisant que les «communes et «petites» structures publiques qui ont recours à ces contrats sont souvent mal armées juridiquement pour évaluer les risques et les conséquences de la signature du partenariat.». Vu le niveau de compétence de nos élus et leur engagement dans la défense des intérêts du pays, les avocats étrangers et les multinationales peuvent se frotter les mains : jackpot in Desertsand assuré ! Eh fils de, toi aussi ! Pas le sang du désert, le sable du désert…

Les sénateurs français ont aussi pointé l’«effet d’éviction des petites et moyennes entreprises» dont la capacité d’investissement est limitée. Dans le meilleur des cas, elles sont reléguées à la «sous-traitance» du contrat de partenariat, sans bénéficier des mêmes garanties que dans le cas d’un marché public classique.» Oh lala, ne plus passer par l’Administration pour obtenir les marchés chasse gardée ? Comment on va faire ? Nous qui n’avons que les comptables compétents puisqu’il est indispensable de connaître le circuit pour identifier tous les parasites à engraisser et intégrer toutes les commissions occultes dans le coût de nos prestations. Les sénateurs notent également que la plupart des contrats PPP vont aux grands groupes de BTP comme Bouygues, Eiffage ou Vinci. Retenez ces noms, ils ne tarderont pas à venir construire les fameuses infrastructures tandis que les communautés verront s’y engloutir impôts et aide supposée les tirer de la faim. Et les entreprises maliennes compétentes se contenteront des miettes laissées par les entreprises françaises installées au Mali, diplomatie économique et retour sur investissement obligent. Ces fameuses infrastructures seront-elles construites pour relier entre eux les habitants des régions à faible densité ? Mirage, évidemment ! Elles seront construites pour faciliter le travail des multinationales, notamment celles du secteur minier qui «devrait afficher un taux de croissance de 5,0% en 2018. Cet optimisme est lié à la bonne tenue des cours de l’or sur le marché international mais aussi aux nombreuses recherches effectuées dans le secteur devant aboutir à la découverte et à l’exploitation d’autres types de minerais». Ça se précise puisque «l’Etat cherchera à relancer, à travers des investissements privés, l’exploitation … des terres rares à Kidal…». Nous y voilà, enfin !

Les terres rares désignent un ensemble de 17 éléments chimiques devenus indispensables dans les nouvelles technologies. Elles font notamment partie des métaux verts de la transition énergétique (super aimants des générateurs des éoliennes et des voitures électriques, luminophores pour les lampes basse consommation et les LED). Une étude récente du cabinet Adamas intelligence, spécialiste des métaux critiques Terres rares, conclut qu’entre 2020 et 2025, la croissance de la demande mondiale des terres rares va s’accélérer d’une année sur l’autre, entraînant l’ouverture de nouvelles mines… Bingo !  Le marché des terres rares est dominé par la Chine qui produit 85% de la production mondiale. Elle en consomme 70% avec une croissance de 6% par an et a décidé d’en limiter la production sur son territoire. À ce rythme, Adamas Intelligence projette que la Chine ne devrait plus avoir de terres rares à exporter d’ici 2025-2030. Elle pourrait même devenir importatrice nette de ces métaux critiques, menaçant ainsi plus encore que son monopole actuel, la sécurité d’approvisionnement du reste du monde. Pour répondre à la demande croissante, il faudrait ouvrir une nouvelle mine de terres rares chaque année d’ici à 2025. Ce à quoi la Chine s’attelle en investissant massivement dans des gisements à l’étranger. De quoi faire frémir les industriels européens consommateurs de ces métaux critiques. Mais alors, pourquoi la France qui a des gisements assez importants de terres rares en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie ne veut-elle pas les exploiter ? Parce que, le COMES (Comité pour les métaux stratégiques), créé par le gouvernement Fillon en 2011, a choisi d’orienter la stratégie économique française vis-à-vis des terres rares vers le recyclage des terres rares pour des raisons écologiques (voir le rapport du Sénat français adopté en mai 2016 sur «Les enjeux stratégiques des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques»). Pourquoi ce choix ? Parce que les procédés d’extraction des terres rares ont des effets dévastateurs sur l’environnement et la santé.

Et si la Chine a pu avoir une prépondérance sur ce marché, c’est en raison des coûts d’exploitation et des normes environnementales à l’extraction très faibles. C’est en partie pour cette dernière raison que la Chine qui assurait encore récemment près de 95% de la production mondiale, a décidé de réduire la production de terres rares sur son territoire. C’est vous dire si la chose là pollue ! D’ailleurs, Madagascar est vent debout contre un projet d’extraction de terres rares  par Tantalus, une société allemande cette fois. Les organisations de la société civile plaident pour qu’il n’y ait pas d’exploitation de terres rares à Madagascar. Elle alerte les responsables et les citoyens malgaches sur la base des résultats de recherches et de publications réalisées par des scientifiques, des ONG et des sociétés minières dans différents pays du monde.

Rebelles Cmaliens, si le bien-être de vos populations vous tient tant à cœur et que vous vous souciez un tant soit peu de votre environnement, nous nous ferons un plaisir de vous faire parvenir ces publications afin que vous ne plaidiez pas l’ignorance auprès de vos petits-enfants… Vous l’avez compris, les terres rares sont stratégiques pour les pays européens qui ne les produisent pas sur leur sol mais disposent d’industries qui en ont besoin. Et ce, d’autant que plus de la moitié de la demande supplémentaire entre 2016 et 2025 sera provoquée directement ou indirectement par des décisions politiques, telles des réglementations sur la mobilité ou les énergies renouvelables. Mais même si le sol européen regorgeait de terres rares, les pays européens rechigneraient à les exploiter car leurs populations, qui gardent un mauvais souvenir du travail dans les mines de charbon, refuseraient de retourner à la mine et de polluer leur environnement. Atteintes du syndrome hypocrite de NIMBY (Not In My Backyard, «pas dans mon arrière-cour») – attitude d’un groupe de personnes qui, tout en n’étant pas nécessairement hostiles à l’infrastructure en tant que telle, n’acceptent pas que celle-ci puisse modifier leur environnement (nuisances environnementales, sociales ou encore esthétiques)- elles n’hésiteront pas, néanmoins, à consommer un objet contenant des terres rares produites sur les cadavres de populations lointaines. Charge à ces populations de mourir gentiment chez elles, sans jamais rêver à une vie meilleure ailleurs.

Quelle personne vivant en France s’étonne aujourd’hui de bénéficier de l’électricité la moins chère d’Europe ? Quelle entreprise française ne bénéficie pas de l’avantage concurrentiel que lui confère une électricité moins chère que celle de ses voisins européens ? Électricité produite grâce à l’uranium extrait au Niger dans des conditions que nul Français ne souhaite connaître, histoire de garder bonne conscience et de savourer béatement la chaleur en plein hiver tandis que le Nigérien, lui, s’il irradie, ce n’est pas de bonheur. Niger, pays de transit des migrants où l’on construit des camps pour les retenir. Niger, pays qui pour lutter contre les trafiquants a voté en 2015 une loi très sévère rendant leurs crimes passibles de peines pouvant aller jusqu’à 30 ans de prison. Mais le trafiquant, aussi horrible soit son business, est-il responsable des causes de ces migrations ? Remettons les choses dans l’ordre : si le trafiquant profite de la misère humaine, il n’en est pas à l’origine. Commençons donc par désigner les vrais responsables au lieu de jeter du sable aux yeux. Quelles lois ont été votées pour punir les vrais responsables de ces migrations ou ceux qui à des milliers de kilomètres refusent d’accueillir ces migrants chez eux et vivent benoîtement leur quotidien sur la misère et les guerres liées au contrôle des matières premières que tentent de fuir les populations ?

D’un côté, une industrie nucléaire qui profite à Areva et aux dirigeants nigériens, mais aussi un confort douillet à bon prix pour les habitants de France , de l’autre, la coupe sombre dans le budget national au nom de la sécurité, aux dépens des investissements qui pourraient permettre le démarrage d’un développement durable, seule condition au ralentissement des migrations et donc à la fin des passeurs trafiquants.  Vous l’avez compris, les terres rares constituent un enjeu majeur de souveraineté économique, technologique et énergétique. Et pour sortir de la dépendance de la Chine, il n’y a qu’une solution : faire comme elle. C’est-à-dire maîtriser la matière première pour développer les chaînes de valeur ajoutée. En résumé, pollution et maladies pour Kidal, création de richesses pour le minier et son pays d’origine, confort et progrès pour le citoyen occidental et aveuglement pour le sacrifié prêt à tous les sacrifices pour lui aussi avoir son joujou qui aura la vie à combien des siens…

PS : La France compte sur le développement de son parc éolien pour porter à 23% la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici à 2020. À cet horizon, elle espère atteindre une capacité éolienne installée de 25 GW dont 6 GW offshore (soit 1 200 éoliennes). Pour y arriver, il faut, bien évidemment, avoir la maîtrise des terres rares qui seront nécessaires. Cela semble bien parti à Kidal, mais début juillet, le tribunal administratif de Rennes a annulé les permis de construire de 16 éoliennes en forêt de Lanouée (Morbihan), deuxième massif forestier breton, invoquant la richesse écologique du milieu et les dimensions «hors d’échelle» du projet. Not in my backyard, remember ?

Aida H. DIAGNE

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