Aujourd’hui plus que jamais le très contesté jeune Premier ministre d’Ibrahim Boubacar Kéïta est dans la ligne de mire du Rassemblement Pour le Mali, le parti présidentiel qui, dès le début, ne l’a pas pris en odeur de sainteté. Après l’avoir sauvé des eaux du plébiscite d’une motion de censure initiée par l’opposition parlementaire pour le faire partir, voilà que les caciques du Rpm « retournent leurs vestes », pourrait-on dire, en demandant son départ à IBK. Quelles sont les raisons de ce revirement brusque de situation ?
On se souvient encore de la vague de contestation et du tollé qu’avait soulevés au sein du Rpm, la nomination comme Premier ministre de Moussa Mara, le jeune président du parti Yélèma précédemment ministre de l’Urbanisation et de la Ville dans le gouvernement d’Oumar Tatam Ly. Cette contestation était devenue une véritable fronde qui a failli se muer en révolution de palais contre le chef de l’Etat, le président Ibrahim Boubacar Keïta, l’âme du Rpm et de la majorité présidentielle.
A cause de ce conflit, la solidarité gouvernementale a été mise à rude épreuve et on parlait de plus en plus d’un possible retour de bâton des meneurs ayant comme têtes de proue le député Karim Këita, le fils d’IBK et Bocary Tréta, l’inamovible secrétaire général du parti des tisserands, particulièrement remontés contre ce mépris, sinon ce crime de lèse-parti Rpm, de hold-up contre le fait majoritaire et la démocratie. Cela était d’autant plus inadmissible qu’il venait du président de ce parti longtemps victime d’injustice et d’ostracisme qui lui déniaient une juste prééminence à la tête de l’Exécutif, eu égard au poids électoral sous le régime du président Amadou Toumani Touré, que certains accusent de l’avoir laminé.
Ainsi, Bocary et les siens auraient menacé de déstabiliser le gouvernement Mara en le mettant en minorité à l’Assemblée nationale par un vote massif de défiance. Il a fallu que le président de la république lui-même joue le monsieur bons offices pour arrondir les angles et apaiser les rancœurs légitimes. Cela n’a pas été sans mal, puisqu’IBK a dû forcément démontrer sa bonne foi en faisant ce choix, de meilleures intentions et faire des promesses fermes au staff du parti pour le satisfaire dans un futur proche.
Cet heureux intermède, puisque qu’à quelque chose malheur est parfois bon, a permis de retrouver la cohésion nécessaire au gouvernement et à l’assise du pouvoir qui allaient être violemment contestés par l’opposition unanime après les événements du 17 au 21 mai 2014 à Kidal, suite au voyage tumultueux du Premier ministre Moussa Mara. Croyant que le fruit de la déstabilisation du Premier ministre et de son gouvernement était mûr, à cause de la situation sécuritaire délétère au Nord et de la vague de désapprobation à l’intérieur du Rpm dont de nombreux élus ne cachaient plus leur colère, comme dans la majorité et certains du moment favorable, les ténors de l’opposition déposèrent une motion de censure qui passa au vote le mercredi 18 juin 2014. Ce vote se solda par la déconfiture de l’opposition qui vit sa motion rejetée par une majorité écrasante de 123 voix sur les 147 de l’Assemblée nationale.
Mara, bien entendu, a surfé de manière euphorique sur cette vague unanimiste de la majorité. Dans la foulée, il a initié une coordination des partis de la majorité, s’est impliqué dans la confection de son statut et de ses règlements intérieurs. S’en est-il autoproclamé le président ? Les apparatchiks du Rpm, perclus de doutes, sentant un coup fourré, ont pris leur bâton de pèlerin en direction de l’Adéma et des partis alliés pour contrecarrer la manœuvre. Le Premier ministre Moussa Mara, « ce jeune outrecuidant », était accusé par ses aînés de vouloir faire à moindre frais une OPA sur la majorité présidentielle et de se positionner sur les échéances futures selon son agenda caché.
Selon ces réfractaires ulcérés, le danger était patent vu l’audience du jeune Mara dans l’opinion qui le considère désormais, malgré tout, comme l’intrépide héros qui a osé défier le Mnla et les jihadistes dans leur antre de Kidal, donnant aux patriotes maliens et à la nation entière des raisons de fierté après les longues humiliations subies. C’est donc de toute urgence qu’une majorité de leaders du Rpm et une trentaine de députés du parti ont rallié Sébénicoro pour non pas demander, mais exiger en conséquence la tête de Moussa Mara, pour le bien du parti et sa cohésion. Afin, en outre, que les jeux soient clairs dans la gouvernance du président Ibrahim Boubacar Keïta.
Ce dernier les a écoutés d’une oreille nullement distraite, promettant de peser le pour et le contre. Mais tout le monde sait qu’IBK n’aime pas être trimballé par la pression des gens et des événements et il sait de quel concours précieux est le programme de gouvernement de Mara dont les cadres du Rpm ont été jusque-là incapables de produire pareil avant son avènement. Dans le parti qui est divisé sur la personne de l’inamovible secrétaire général Téréta, qui pousse au clash mais ne fait guère l’unanimité, il ne voit pas d’alternative crédible à brève échéance.
En désespoir de cause, les caciques du parti mettront leurs espoirs dans les résultats de l’enquête parlementaire demandée par Soumeylou Boubèye Maïga et l’Asma pour situer les responsabilités dans la déclaration de guerre au Mnla. Ils espèrent ainsi prendre le Premier ministre Moussa Mara à défaut et dans les filets de la nasse qu’ils ont précipitamment confectionnée, à sa mesure, croient-ils. Mara, quant à lui, demeure serein, « comme le petit fils de la dame qui fait frire des galettes », dont il est le héros.
Oumar Coulibaly
Il sera victime de ses propres turpitudes, de son ego démesuré, sa déloyauté vis á vis du Président de la Republique. Est ce que IBK a même le choix. Ce n’est pas à cause du RPM qu’il fera le changement, mais bien pour sauver sa tête. Il doit savoir qu’il est dans l’insécurité totale avec son PM.
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