Les partis politiques sont partis pour ne pas s’entendre sur les quotas à accorder à la majorité gouvernementale, d’une part, et à l’opposition, d’autre part, dans la composition de la nouvelle CENI. Dénonçant «la boulimie» de la majorité et l’inégalité de la répartition proposée par celle-ci, Cheick Oumar Sissoko (SADI) et Yoro Diakité (BARA) respectivement chefs de file de l’opposition parlementaire et de l’opposition extraparlementaire demandent l’arbitrage du Ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales. Auront-ils satisfaction ?
La classe politique a trouvé, en plus du fichier électoral, une nouvelle pomme de discorde : la constitution de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Jeudi dernier, réunis au Gouvernorat du District de Bamako, les partis politiques n’ont pas pu s’entendre sur la composition de la CENI devant superviser les élections générales de 2012. Le point d’achoppement est, comme en 2007, le quota de représentativité à accorder à l’opposition (parlementaire et extraparlementaire). A la date d’aujourd’hui, celle-ci ne réclame pas moins qu’une centaine de partis politiques et entend faire respecter les prescriptions de la loi.
En effet, selon les dispositions législatives et règlementaires, la CENI doit avoir une composition paritaire, à savoir cinq représentants pour la société civile, cinq pour l’opposition, et autant pour la majorité gouvernementale. Si le quota de la société civile ne pose aucun problème, il en va tout autrement de la répartition au sein de la classe politique. A entendre les nombreuses discussions de jeudi dernier, la majorité gouvernementale entend s’accaparer du maximum des dix postes prévus pour la classe politique. S’inspirant pour cela de l’expérience de 2007 pendant laquelle elle s’est octroyée sept sièges sur dix. A l’époque, la majorité gouvernementale avait fait valoir (et appliquer) un partage selon un mode à la proportionnelle. Malgré de nombreuses protestations, le fait avait finalement été accepté, notamment en ce qui concerne la CENI nationale, tous les démembrements n’ayant pas accepté.
Aujourd’hui, la majorité gouvernementale, forte également d’une imposante majorité à l’Assemblée Nationale où la SADI est le seul parti d’opposition, entend reconduire le même scénario de 2007. Mais cette fois, elle se heurte à la ferme volonté de l’opposition qui entend recourir à tous les moyens pour rentrer dans son bon droit. Aux revendications de la SADI, s’ajoutent celles des partis politiques de l’opposition non représentés à l’Assemblée Nationale. Il s’agit du Bara, de la CD et de l’UNPR, trois partis qui, tout comme SADI, rejettent fermement et poliment «la répartition des sièges au sein de la Commission Electorale Nationale Indépendante ( CENI) décidée de manière non consensuelle à l’issue des rencontres organisées dans la salle de conférence du Gouvernorat du District de Bamako entre la classe politique» (voir correspondance).
En lieu et place, ces partis de l’opposition, qui, selon une source proche d’eux, n’ont eu aucun mal à s’entendre entre eux pour proposer cinq membres dont la liste a été adressée, tout comme leur lettre de protestation, au Ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales.
La démarche de l’opposition, selon plusieurs observateurs, se comprend aisément au moment même où la majorité gouvernementale (hormis quelques partis peu représentatifs) a décidé d’organiser les prochaines élections sur la base d’un fichier électoral dont tout le monde déplore la défectuosité et le manque de fiabilité. Une CENI bien composée serait, en quelque sorte, un rempart de l’opposition, sans statut officiel, contre tous les avantages dont jouissent les partis politiques qui gravitent dans les sphères du pouvoir, disposant «de moyens financiers et logistiques conséquents et d’une forte influence liée à la gestion du pouvoir». Mais, cela suffira-t-il à juguler ce que craint l’opposition? Rien n’est moins sûr.
En effet, SADI, et surtout BARA, CD et UNPR sont des partis à très faible représentativité géographique nationale. Il y aura plusieurs circonscriptions électorales dans lesquelles ces partis ne seront pas représentés, n’y comptant aucun militant. Or la CENI, c’est aussi une question de démembrements, dont la composition de chacun doit refléter la configuration nationale. Comment ces partis feront-ils pour être présents dans toutes les circonscriptions électorales, du moins en grand nombre ? Ils n’ont et n’auront aucune solution à ce problème. Ce qui augure déjà des conséquences fâcheuses.
Cheick TANDINA