La bonne gouvernance, la lutte contre la corruption et la délinquance financière seront sans doute des thèmes qui seront profondément débattus lors de la prochaine campagne électorale de la présidentielle 2018. Et ceux qui ont les pantalons troués n’auront pas de répit en la matière. La récente plainte du Bloc d’intervention populaire et pacifique pour la réunification entière du Mali (Biprem) contre Soumeylou Boubèye Maïga et quatre autres présumés «délinquants financiers» donne le ton.
«La misère en Afrique découle partiellement du fait que les ressources sont détournées pour financer les modes de vie coûteux des politiciens et prolonger leur mandat». Ainsi peut-on résumer plusieurs rapports et études sur les contraintes au développement de notre continent, donc des Etats africains. Une synthèse qui renvoie toujours aux mauvaises pratiques comme la corruption et la délinquance financière.
Au Mali, compte tenu des tares de la gouvernance actuelle et surtout les scandales (avion présidentiel, équipements militaires, engrais frelatés tracteurs surfacturés), qui ont éclaboussé ce premier quinquennat d’Ibrahim Boubacar Kéita, la lutte contre la corruption va beaucoup animer la campagne présidentielle de cette année. Et déjà le Biprem (Bloc d’intervention populaire et pacifique pour la réunification entière du Mali) a donné le ton en portant plainte (vendredi 18 mai 2018 auprès du procureur de la République du tribunal de la commune III de Bamako) avec constitution de partie civile contre : Soumeylou Boubèye Maïga (ministre de la Défense et des Anciens combattants), Bouaré Fily Sissoko (ministre de l’Economie et des Finances), Moustapha Ben Barka (ministre délégué auprès du MEF), Mahamadou Camara (ministre de l’Economie numérique de l’Information et de la Communication) et Sidy Mohamed Kagnassy (conseiller à la présidence de la République).
Une plainte basée sur le Rapport du Bureau du Vérificateur général mettant en cause environ 28 milliards volatilisés suite à des surfacturations liées à l’achat d’un avion présidentiel ainsi que des équipements pour l’armée malienne. Koulouba pourra répliquer qu’il y a des sanctions puisque des ministres ont été relevés. Mais tout le monde sait que c’était juste pour détourner l’attention de l’opinion nationale et faire plaisir aux PTF. Dans la réalité, il n’y a pas eu sanction, puisque tous ces gens ont été rétablis dans des fonctions encore plus importantes, à des postes encore plus prestigieux ; deux se sont retrouvés à l’international.
«On les a fait sortir par une porte et ils sont rentrés par une autre porte», a déploré Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition dans une récente interview accordée à RFI. Malheureusement, le discours contre la corruption brille par l’absence d’une réelle volonté de lutter contre ce fléau qui est l’une des raisons essentielles de la pauvreté et de la misère dans nos Etats, précisément au Mali.
C’est pourquoi nous sommes intéressés à des «success stories» comme celui du Botswana. Près de 56% des personnes interrogées déclarent que leur gouvernement lutte plutôt mal ou très mal contre la corruption (AfroBaromètre auprès de 51 000 personnes entre octobre 2011 et juin 2013).
Et c’est au Nigeria, au Cameroun et au Mali que l’indice de perception de la corruption est le plus élevé. Et nous pouvons dire que la situation s’est empirée au Mali ces cinq dernières années si l’on se réfère aux scandales qui ont émaillé ces cinq années d’Ibrahim Boubacar Kéita. Et pour de nombreux observateurs, le Botswana pourrait être une «exception» en matière de gouvernance en Afrique. Et cela d’autant plus que le pays n’a connu ni «politiciens gâtés», ni instabilité, ni même «vagues de leadership». Et cela contrairement à ce que d’autres pays d’Afrique dotés de richesses minérales ont connu. Dans ce domaine comme dans d’autres, grâce à l’exploitation rationnelle de ses mines de diamant et à la bonne gouvernance de ses dirigeants, le pays est devenu un modèle cité en exemple dans le monde.
Comment le Botswana est-il parvenu à ce résultat ?
En 1994, après une série de scandales, le gouvernement du Botswana a mis en place un service indépendant et puissant, la Direction de lutte contre la corruption et la criminalité économique (DCEC), créé à l’initiative du parlement (loi de 1994 sur la corruption et la criminalité économique). Elle a comme mission spécifique de lutter contre ces deux fléaux. La DCEC est placée sous la responsabilité d’un directeur général nommé par le président de la République. C’est comme l’expérience canadienne du Vérificateur général qui a inspiré le président Amadou Toumani Touré dans sa volonté de maîtriser la saignée de la corruption. Sauf que cette expérience est demeurée une coquille vide puisque se contentant de constater les dégâts sans aucun moyen de prévenir le fléau en amont et de sanctionner les cols blancs en aval.
Au moment de son indépendance en 1966, le Botswana était un pays très peu connu. Négligé par la Grande-Bretagne, qui en était la puissance coloniale, environ 90% de la population vivaient dans une pauvreté abjecte. La diversification économique et les méthodes de production modernes faisant cruellement défaut.
Fortement dépendant de l’agriculture paysanne, le Botswana a longtemps servi de «réserve de main-d’œuvre» pour les mines sud-africaines. Le pays ne comptait que 13 kilomètres de routes goudronnées, 22 diplômés d’université, et un revenu par habitant de 60 dollars. Aujourd’hui, son économie a connu un changement considérable. La découverte de minerais, en particulier de diamant, immédiatement après l’indépendance, a entraîné une croissance économique. Un «miracle» que l’or n’a pas réussi à produire au Mali.
Grâce à une gestion rigoureuse et efficiente des ressources tirées du diamant, le Botswana est passé de l’un des plus pauvres de l’Afrique à un pays à revenu intermédiaire d’après les évaluations réalisées par la Banque mondiale. C’est pourquoi, pour des analystes, c’est «un cas d’exception et un modèle de réussite économique». Et cela, grâce à la manière responsable dont il a géré l’aubaine présentée par la découverte de diamant. Contrairement aux pays comme le nôtre, le Botswana a su éviter les niveaux élevés de corruption et d’instabilité rencontrés ailleurs en Afrique riche. Cette performance est en partie liée au fait que «l’élite politique et bureaucratique en place après l’indépendance était relativement bien établie et ne comptait pas sur leur fonction pour accumuler des richesses».
Ainsi, le Botswana a développé des institutions publiques qui sont restées professionnelles et dénuées de toute lubie ou autorité personnelle. «La bureaucratie du Botswana est toujours l’une des plus efficaces et des moins corrompues d’Afrique. Elle a bénéficié d’une autonomie institutionnelle bien plus importante que ses contreparties de la région», confiait un expert sur cette expérience botswanaise. Selon lui, les rapports étroits que le ministère des Finances et de la Planification du Développement (MFDP) entretient avec le pouvoir exécutif a non seulement permis de le protéger des pressions d’ordre sociétal ou public, mais a également donné naissance à «une bureaucratie plus ou moins autonome, forte et efficace». Le succès connu par le Botswana en tant que pays riche en ressources est un exemple pour les autres pays d’Afrique, notamment le Mali dont le sol et le sous-sol sont bien dotés en richesses capables d’impulser son émergence socio-économique si elles sont judicieusement exploitées et leurs recettes rigoureusement gérées.
En tout cas, le Botswana a émergé aujourd’hui à la différence de la grande majorité de nos pays, sur un continent marqué par les crises économiques, politiques et sociales. Il s’est ainsi démarqué de la majeure partie de l’Afrique en se transformant en un parfait exemple de développement démocratique. Et cela en dépit des défis auxquels il s’est retrouvé confronté. Les autres pays, comme le Mali, peuvent tirer des leçons de l’expérience du Botswana en remettant la démocratie et le vrai leadership au cœur du développement. En effet, beaucoup de pays d’Afrique bénéficient de ressources naturelles en quantité (certains même plus que le Botswana). Mais ils n’ont pas été capables de les utiliser dans le développement national, essentiellement du fait d’un mauvais leadership et du mépris de l’Etat de droit.
«Avec un bon leadership et une bonne gestion, les ressources naturelles peuvent faire des miracles», soulignait l’auteur d’une étude sur l’expérience botswanaise. Ainsi, en dépit de certaines contraintes socio-politiques, la majorité des habitants du Botswana sont dans une meilleure position qu’ils ne l’étaient avant la découverte des minerais. Ces richesses ont donc engendré un développement positif, et non une misère et des bains de sang. Pour de nombreux observateurs, le Botswana est un succès car il est «parvenu à conserver et à former les compétences dans le service public ; à développer un processus de planification et de budgétisation sain et intégré ; et à maintenir un équilibre judicieux entre les institutions traditionnelles et modernes» ! Que nos dirigeants s’inspirent au lieu de rester esclaves des modèles improductifs que l’Occident nous impose pour continuer à piller nos richesses et à propager la corruption sur notre continent à travers ses multinationales !
Moussa BOLLY