Bonne gouvernance :A quoi joue ATT ?

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Sidiki N’Fa Konaté, expliquant la décision du Chef de l’Etat, qui n’a pas de porte-parole, a dit que le limogeage des Directeurs des Finances et du Matériel (DFM) des départements ministériels «est un signal politique fort que le président de la République a voulu donner, qui va dans le sens de la lutte contre la corruption et la délinquance financière, visant à fluidifier les rapports de partenariat entre l’Etat et le citoyen». Cette explication induit certains constats.

Premièrement, Amadou Toumani Touré reconnaît que les DFM sont largement impliqués, sinon qu’ils en sont les principaux acteurs, dans les actes de corruption et de délinquance financière. En 1991 déjà, le putschiste ATT déclarait mettre fin à ces pratiques par son fameux «Kokaje». Pourquoi alors avoir attendu tout ce temps pour se débarrasser de ces indélicats gestionnaires ? Est-ce parce que c’étaient des DFM «de mission et d’action» ?

Deuxièmement, et toujours selon le porte-voix du gouvernement (et non de la présidence), ATT veut donner confiance aux citoyens et fluidifier leurs rapports de partenariat avec l’Etat. Donc, il savait également qu’il y avait blocage et dysfonctionnements dans la haute administration de l’Etat. Pourquoi avoir mis tout ce temps pour réagir à cette situation ?

Puisque, visiblement et aux dires de son porte-voix, le chef de l’Etat a échoué à assainir la gestion des finances publiques, à faciliter l’accès des usagers à l’administration publique, à dégripper la machine, à, au moins, baisser le niveau de la corruption et de la délinquance financière, il ne doit plus se contenter de destituer des Premiers ministres qu’il a lui-même installés, de limoger des Ministres qu’il a lui-même choisis, de révoquer des hauts cadres qu’il a lui nommés, même si c’est sur proposition, de freiner encore plus l’action gouvernementale et le fonctionnement normal de l’Etat par des colmatages. Il doit tout simplement donner le bon exemple en rendant le tablier. Et en retrouvant ses godasses qu’il n’aurait jamais dû quitter.

En effet, s’il lui a fallu neuf longues années pour arriver à ces constats d’échec, on se demande pour quoi il croit que les Maliens l’ont élu et réélu.

ATT a raté le coche
C’est depuis le début que le président de la République a raté le coche. Dès le départ (bien gérer, c’est l’art de prévoir), il aurait dû faire un large et profond audit, sans complaisance, des dix années d’Alpha Oumar Konaré et de l’Adema, au pouvoir. C’est pendant cette décennie que se sont implantés et développés les germes des actes de corruption et de délinquance financière, du délitement de l’Etat, du pillage des ressources publiques. C’est pendant cette décennie que «l’Etat vache laitière» s’est érigé en système institutionnel, avec le noyautage de l’économie et de la haute administration par les politiques au pouvoir. De 2002 à 2011, Amadou Toumani Touré a eu en main les rapports des services de contrôle et du Bureau du vérificateur général (créé en 2004), des rapports qui diagnostiquent formellement l’état avancé de gangrène de l’économie nationale. Les principaux agents pathogènes sont connus depuis longtemps. Qu’est-ce que l’actuel chef de l’Etat a fait ? Rien, à part tenir des discours lénifiants et servir des tartines infantilisantes. Qui prouvent que le Général ne veut pas démissionner. Et qu’il a, aujourd’hui, c’est-à-dire à douze petits mois de son départ présumé, des solutions-miracles péremptoires.

Le Général, aux dernières nouvelles, a donc décidé de sévir. Comment ? En mettant à l’écart quelques fonctionnaires déjà repus. Mais là encore, on sent le bricolage. D’abord, il n’est pas sûr que les adjoints qui doivent remplacer, temporairement, les DFM soient plus propres que les révoqués. Ensuite, le mode de recrutement de nouveaux DFM, par voie de concours, laisse à désirer, au regard d’une précédente expérience menée au début des années 2000, pour recruter les directeurs de CAP. Enfin, le chef de l’Etat semble ignorer que le gouvernement n’est pas la seule source d’enrichissement rapide et illicite. Il y a aussi toutes les autres institutions de la République, truffées de responsables politiques désireux d’alimenter la caisse de leurs partis politiques respectifs. Si ATT veut aller dans sa logique de lutter contre la corruption, la délinquance financière et l’usage abusif des biens de l’Etat, il doit également trouver les moyens d’empêcher les membres du gouvernement et de toutes les autres institutions, y compris le président de la République, et les fonctionnaires d’utiliser les moyens de l’Etat pour, entre autres, des réunions politiques et des déplacements privés. Les hauts cadres et commis de la République ont trop tendance à abuser des véhicules de fonction, du carburant, du téléphone, de l’électricité, de l’eau,…

C’est à cela qu’il convient de s’attaquer.
Cheick Tandina

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