Dans un communiqué de presse déposé à notre rédaction, Blaise Sangaré, Président de la CDS, lance un appel à la classe politique malienne, afin qu’un «minimum républicain sur l’école soit défini et proposé par nous au Président de la République». Parmi les solutions qu’il préconise, la fixation de limites au droit de grève, tel que «généralement prévu par la Constitution», car «c’est à nous de dire assez!».
A mon humble avis, la politique n’est pas une gnose, encore moins une science. Je la sens comme une conscience, un engagement sacerdotal. En s’y engageant, l’individu fait vœu de prendre sur lui les responsabilités de réflexion, de direction et d’action, aux noms et endroit de sa communauté. La réalisation de cet état passe par la reconnaissante des autres envers lui, comme tel, c’est‑à‑dire que dès lors que les autres concitoyens lui confèrent la dignité de prétendant à l’élite dirigeante. Là commence la responsabilité morale historique de chargé du destin commun. Tel l’homme de Dieu, qui s’investit pour un meilleur au-delà de ses ouailles, l’homme politique a le devoir de s’investir pour le bonheur de la Nation entière, pour aujourd’hui et demain, c’est‑à‑dire la postérité ici bas. La philosophie d’engagement semble égale pour les deux, la différence étant dans la notion "demain".
Politiques? Alors, partis de tous bords, nous sommes de la même appartenance et du même engagement pour le Mali. Pour son territoire, pour son peuple, pour son développement… Pour tout ce Mali, la classe politique a en charge des missions transversales, qui sont d’égal partage pour tous ses fils. Ce sont les fondamentaux de toutes les grandes nations: l’éducation, la formation, la construction de la ressource humaine m’apparaissant comme l’essence, la substance de la pérennité du Mali de demain.
Cinquantenaire, tu me tiens (sans effet de mode). Si les pères fondateurs du Mali, menés par le Président Modibo Kéita, ont bâti des socles, la préparation de la jeunesse en était la clé de voûte. Quand le Président Modibo Kéita, dans ses adresses à la jeunesse, lançait sans cesse «vous êtes le Mali de demain», il avait conscience que, dans le rôle de pionnier de l’intégration africaine, il fallait que le Mali soit vraiment préparé et conserve le leadership, à travers sa composante humaine. 30 ans après, les fruits sont devenus ces cadres qui ont, non seulement les outils intellectuels affirmés, mais, aussi et surtout, sont trempés dans les indispensables vertus de patriotisme, de devoir et de sens de l’intérêt public. Je veux être fier du passé de mon pays, de son histoire, mais ce sentiment s’estompe dès que je me pose la question préjudicielle de savoir : en tant que politique, quelles sont les balises que j’ai posées aujourd’hui pour demain? Quel est l’escompte de mes forces futures? Du coup, la réalité m’interpelle, brutale et inconcevable, pire, hypothèque sur l’avenir du Mali, à travers les pesanteurs sur l’école: ‑ les élèves qui déterminent l’opportunité et la durée de leurs congés; ‑ ces mêmes élèves qui décrètent, négocient et mettent fin à leurs grèves; ‑ quand ce ne sont pas, eux, les enseignants alternent, en inscrivant plus ou moins dans la durée leurs arrêts de travail.
Dans tous les cas, aucune des deux parties ne semble, à chaque fois, réaliser que les périodes blanches ne sont pas rattrapables. Ni en instruction, ni en culture, donc pas en compétitivité. J’ai dit compétitivité? Alors juste 3 petites choses, retenues par la science du sage qu’est l’observation. Comparons: 1) Une émission télé de divertissement, intitulée "Epelez-moi", sur 2STV, pour des jeunes de pays voisins juste du niveau C.E.P, jouant à épeler tous les mots qu’on leur propose; 2) Tous les jeux radiophoniques proposés par les radios privées de la place à Bamako, auxquels participent généralement les étudiants, toutes filières confondues. En inversant le jeu de rôle, j’ai l’impression d’écouter les premiers à la place des seconds et vice-versa; 3) l’inventaire des sociétés multinationales sous-régionales ayant pignon sur rue à Bamako, devant faire la fierté de la promotion des grands secteurs économiques, qui sont toutes tenues par des jeunes ressortissants d’autres pays de la sous-région.
A l’évidence aujourd’hui, et cela pour la décennie 2010‑2020, pour toute ouverture de poste, par concours sous-régional, pour la gestion de patrimoines communs aux nombreuses organisations sous-régionales engageant le Mali, nos nationaux ne seront pas compétitifs pour les ravir. A des bacs de 9 mois seront opposés des bacs de 3 mois … Donc, la création de grands ensembles géo-économiques, dont notre pays est le chantre, est plutôt l’ouverture à une forme indirecte d’asservissement aux autres, qui sera la mise sous tutelle de la direction de nos entreprises économiques, indirectement la cogestion de notre cité et la subordination de notre pouvoir décisionnel, car, si la politique gouverne un Etat, l’économie oriente cette même politique.
J’ai toujours entendu les petits esprits dire avoir le souci de l’avenir de leurs enfants … Les leurs propres? J’estime donc, qu’à l’opposé, l’homme politique doit avoir le souci de la postérité et poser des actes pour tous les enfants, qui sont par nature générationnelle l’avenir du Mali, car le ver mis dans le fruit de la relation gouvernants ‑gouvernés est que, pendant toute la période d’incertitudes et d’inconstance scolaire que nous traversons, les fils des nantis sont formés ailleurs et ceux de "Monsieur tout le monde" livrés à la NEF et à l’école publique débrayée, avec au bout la rue, au mieux le sous-emploi et les petits métiers.
Il est alors illusoire et utopique de croire qu’il est possible que la minorité ainsi soustraite à cette parenthèse de pagaille revienne un jour s’installer et s’imposer aux responsabilités, quelles qu’elles soient, de leurs concitoyens angoissés, désespérés et sans repères. De causes à effets, tout cela peut induire 3 conséquences prévisibles: coupure et décalage nets entre nationaux de formations différentes; prise de conscience de ce clivage et rejet des revenants par les résidents; aggravation de la fracture sociale, conduisant à des révoltes voire des soulèvements
Le mauvais augure ne sied pas à l’optimiste combattant que je suis, mais il est impératif pour moi de présenter une esquisse de ce qui m’apparaît comme la charge commune de toute la classe politique du Mali. L’histoire du Mali qui sera contée et lue aux générations de demain est notre présent, qui est en train de s’écrire et dont nous serons comptables. Tous les Maliens se targuent de Kouroukanfouga, même ceux qui ne sont pas Mandingues.
Aussi, je m’adresse à mes collègues politiques, de toute option, pour qu’ensemble nous établissions un code commun, autour de ce que notre peuple a de plus cher et qui doit lui survivre, à savoir sa progéniture, gage de sa pérennité. Ceci est l’appel d’un politique aux autres politiques.
Pour qu’un minimum républicain sur l’école soit défini, et proposé par nous au Président de la République face au peuple souverain. Pour le Mali, et opposable à tous, afin que l’école ne soit plus que l’école, il faut que ce minimum républicain fixe absolument les limites du droit de grève généralement prévu dans la Constitution, en le rendant sujet de la mission fondamentale, du devoir régalien de l’Etat d’éduquer, de former, d’instruire ses fils pour les grands défis de la mondialisation.
S’il est constant que c’est par le travail conscient que l’homme découvre, transforme et crée de la richesse, alors le Mali est en danger … de pauvreté absolue. C’est à nous de dire assez!.
Mamadou Blaise Sangaré
Président de la C.D.S, Conseiller National, Ancien Candidat à l’Election Présidentielle