Besoins des femmes en matière de justice : Pour plus de femmes dans la chaîne

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Le domaine de la justice est tellement complexe dans son fonctionnement qu’il est temps de définir les besoins spécifiques des femmes et d’y trouver des solutions.

Les besoins de justice des femmes se situent à plusieurs niveaux : les femmes en tant que victimes, usagers de la justice et les femmes en tant qu’actrices de la justice. Donc, il faut faire la part des deux. Les magistrates, avocates et autres auxiliaires de la justice ont leurs besoins spécifiques qui est de renforcer leurs capacités. Des partenaires nous appuient pour renforcer la capacité de ces femmes au niveau de la justice.

En ce qui concerne les femmes usagers, le défi est au niveau de l’accès à la justice. La question était une préoccupation au point que des One Stop Center ont vu le jour pour prendre en compte les besoins spécifiques de ces femmes. « C’est un processus qui a commencé et nous sommes sur la lancée », a expliqué Mme Samaké magistrate, actuellement présidente au tribunal de grande instance de la commune II du district de Bamako.

Selon elle, « la prise en compte des besoins des femmes au niveau du secteur de la justice c’est un travail qui est en train de se faire. Il faut reconnaître que ces questions n’étaient pas traitées. Le secteur de la justice est un secteur vraiment complexe et qui a ses réalités. Essayer de prendre de façon spécifique les besoins c’est un travail de longue haleine. Mais avec l’appui des partenaires, nous sommes quand même dans le processus. Avec la création du Centre de détention de Bollé-femmes, un grand pas a été fait dans la prise en compte de la spécificité des femmes. Grâce à l’appui technique de la Minusma à travers le projet Mandela, des kits de dignité sont distribués aux femmes détenues », ajoute Mme Samaké.

Pour Mme Dansoko Kontine, responsable genre au ministère de la Justice les femmes ne sont pas nombreuses dans la chaine de la distribution de la justice. Cela a pour conséquences que les femmes victimes n’auront jamais le courage d’aller vers la justice parce qu’elles se disent qu’en allant ce sont les hommes qui sont là-bas. « Et nous savons que nous sommes dans un pays fortement enraciné dans nos valeurs culturelles. Donc qu’une femme ose aller exposer son problème devant un magistrat c’est un problème. Mais, s’il y avait des femmes, elles pourraient avoir le courage d’y aller. Puisque les dames ne sont pas représentées ça veut dire que la lutte contre les violences basées sur le genre ne va pas avoir un résultat escompté ».

Quant à madame X, qui, pour des besoins de sécurité a voulu taire son nom. Elle confie qu’elle a été victime de VBG mais que le jour du jugement vu que le juge était homme, il a dit dossier classé et qu’il lui a clairement dit qu’ils ont d’autres affaires plus importantes et plus urgentes à régler au lieu de perdre son temps.

« Si j’étais tombée sur une femme juge, je suis sûre et certaine qu’elle aurait cherché à nous écouter au moins », a déclaré madame X.

Par ailleurs, madame N confesse pour sa part un cas de justice que sa sœur a vécu. En ce qui concerne la victime en question c’est son mari qui la brutalisait et qui l’obligeait à accepter la sodomie pour assouvir ses fantasmes.

« Devant le juge, je n’ai pas voulu exprimer ou relater les faits en ces termes. Le juge m’a fait clairement comprendre que si j’en étais incapable, que mon mari avait tout à fait le droit de me l’imposer juste parce que je suis sensée me livrer à mon homme quand et comment il le souhaitait », a-t-elle expliqué.

Lors d’un atelier organisé par le ministère de la Justice en décembre dernier, ce problème a été clairement débattu par les femmes de la justice afin de trouver des issus possibles et profitables et pour les femmes de la justice que pour les femmes usagers de la justice.

Aussi surtout c’est un souci et une perspective de mieux impliquer les femmes dans le secteur de la justice tout en tenant compte de la loi n°2015-052 du 18 décembre 2015 et d’autres textes applicables, que le Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme a organisé ledit atelier de deux jours pour sensibiliser les acteurs de la justice sur la nécessité, de prendre en considération la perspective genre et les besoins des femmes.

 

Aminata Agaly Yattara

Cet article a été publié avec le soutien de JDH Journalistes pour les Droits Humains et NED

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