Selon la Commission électorale nationale indépendante (CENI), il ne faut pas confondre précampagne et campagne officielle dont elle vient de rappeler la date exacte. Pour les prochains scrutins de 2012, la Commission, au nom de tous les Maliens, demande donc aux candidats de « ne pas mettre la charrue avant les bœufs » Ce cri de la CENI constituera-t-il un test pour les élections de 2012 ?
La CENI reste dans son rôle qui consiste aussi à « lister » les fautes et erreurs électorales. Mais il reste peu de choses avant les scrutins de 2012 ; Une campagne électorale ressemble à une course-poursuite. Les différents candidats vont-ils donc se laisser envahir par un esprit d’avant-propos ? Par un communiqué diffusé avant-hier soir sur les ondes du JT (Journal télévisé) de 20H, la CENI vient de jeter un pavé dans la mare après être justement revenu d’un mauvais contact avec le public. Il y a quelques mois, au moment de sa « genèse », la CENI accusait tous les coups. Ce qu’elle vient demander aux candidats, c’est moins de panache que de patience. Imaginons un haut parleur placé sur un fourgon de police et avertissant les différents candidats aux prochains scrutins de 2012 de ce qui est interdit avant l’ouverture officielle de la « chasse « aux électeurs, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Tous les segments prenant pied dans l’organisation des prochains scrutins ont sans doute un petit discours fondateur bien à eux. C’est que dans les prochains rendez-vous électoraux, il ne faudrait pas rater un seul épisode, sinon on ne comprendrait plus rien. L’explication donnée dans le communiqué de la CENI nous met face à un coup de cœur. Mais cela suffit-il ? La CENI peut se féliciter d’avoir montré le chemin. De l’autre côté, des politiciens vont « s’allonger « un peu plus encore. Ce fait de la CENI est peut être courageux, mais ennuyeux, se disent-ils. Que faudrait-il donc encore ? La CENI reste-t-elle l’âme de nos élections ? Si elle n’agissait pas ainsi, elle se mettrait- « en congé » de notre histoire électorale, à cause justement de cette impression diffuse de différents chapitres de notre calendrier électoral écrits et sans tenir compte des attentes des citoyens.
Alors question : le ministère en charge des élections (MATCL) a-t-il concocté deux temps pour l’entrée en campagne pour le premier tour du scrutin en avril 2012. A un jour près, il fallait le faire. Ils prennent donc les électeurs comme cela, en ce qu’ils vont là où on les invite. Pourtant, c’est le même collège électoral qui, le même jour, vote pour deux scrutins différents. Si les différents candidats se soumettent aujourd’hui à un rituel, s’ils sont vus comme entrant dans la compétition plutôt que prévu, c’est parce qu’ils savent que c’est un « jalon » sur le chemin initiatique de la campagne. Comment leur tenir grief d’être à l’écoute de leurs concitoyens et de chercher à interpréter leurs faits et gestes ? Peut-on leur reprocher de tenir des discours devant un public ?
Et en l’espace de trois petites semaines, avant le rush final et devant un auditoire de près de 10 millions de Maliens, comment, nos futurs « gladiateurs des temps modernes » vont-ils faire s’ils veulent apprendre à discuter d’une culture de gouvernement ou de pouvoir? Que peut faire la CENI face à l’apparition de ces tracts et courriels distribués ? On parle de « street marketing » (marketing de rue) pour désigner ce porte-à-porte que font les candidats dans leurs petites communautés de gens dédiés à leur cause. Le législateur peut interdire toute publicité, mais la distribution des tracts lui échappera. Et tous les politiciens avertis vous liront que le vrai « tractage », c’est la mobilisation des militants. Chaque candidat, chaque compétiteur va chercher à changer la donne, modifier l’équilibre des forces en prononçant de bons mots. A l’heure de la « passion du service public » de l’ORTM et de la presse libre, les vieilles recettes de l’éloquence ont encore de beaux jours devant elles. Aujourd’hui, la question est de savoir : quel est le plan de nos politiciens qui sont partis en campagne bien avant l’heure ? Mais rien ne sert de courir, il faut partir à point, dit-on. Le déficit d’image républicaine prendra t-il du temps pour se corriger ? Les élections peuvent se révéler être un marché de dupes dans lequel chacun reçoit des coups sur la tête en échange de ses sacrifices. Le ton de la CENI (dans son communiqué) aurait été compris si cet espace de la campagne était protégé. Mais par qui ? Le Comité de l’égal accès est-il dans son rôle ? Ce cri de la CENI est portant un vœu pour qu’à l’occasion, tous les Maliens puissent reprendre en main leurs élections. Ces propos nous permettent de saisir la CENI dans la diversité du parcours de ses membres et la multiplicité de leurs engagements. Des propos faits pour bousculer des habitudes et du coup, braquer le regard sur les élections à venir. Imaginons que la CENI envisage des sanctions : avec ce langage, l’histoire la crédibilisera d’avoir sauvé au dernier moment l’honneur de sa mission républicaine : ce sera la seule politesse du cœur qu’on lui devra.
S. Koné