Pendant qu’il ne se remet que trop péniblement des vagues d’un désaveu consécutif au vote de la nouvelle loi électorale, le Premier ministre Choguel se retrouve à nouveau sous les feux des réprobations et protestations d’une frange assez imposante de la classe politique malienne. On y dénombre des mastodontes comme l’ancien parti majoritaire, l’Adema-Pasj, le parti Yelema de Moussa Mara ou encore l’ensemble des entités constitutives du Cadre des partis et regroupements politiques pour une transition réussie. À travers une salve de communiqués successifs, ces composantes influentes de la scène politique malienne ne se contentent pas de relever un manquement du chef du Gouvernement à son devoir d’œuvrer au rassemblement des Maliens et d’impartialité dans le jeu électoral. Chose inédite : ils s’expriment à l’unisson pour réclamer ouvertement que Choguel Maiga rende tout bonnement le tablier. En cause, une récente sortie médiatique très controversée du Premier ministre sur la chaîne nationale où il s’illustre par un appel à l’union sacrée «des forces du changement» contre celles du mal». Intervenue dans la foulée d’un processus électoral en pleine marche depuis la relance des concertations entre la classe politique et le ministère de l’administration territoriale, le propos du Premier ministre aura été perçu comme un arrogant affichage partisan voire un aveu de partialité qui le disqualifie et compromet sa crédibilité en tant qu’arbitre du jeu électoral ou même comme interlocuteur de la classe politique dans la conduite de la transition. Et l’Adema-PASJ d’aller beaucoup plus loin dans ses réclamations en appelant le «président de la Transition à jouer pleinement son rôle constitutionnel de garant de l’unité nationale, de la paix et de la cohésion sociale pour permettre l’organisation d’élections démocratiques, libres, inclusives, transparentes et apaisées». Il s’agit visiblement d’un appel au limogeage, ni plus ni moins, d’un PM dont le séjour à la Primature n’a de cesse de polariser le débat depuis que le bras de fer autour de la loi électorale a été tranché en sa défaveur par l’autorité de nomination.
- Un PM sous le boisseau
Les jours du PM Choguel Maiga à la Primature seraient-ils du coup comptés ? Si ça n’est pas encore le cas, c’est qu’ils ne tiennent plus qu’à un fil très fragile, à en juger par les indices d’une rupture imminente entre le président du Comité Stratégique du M5-RFP et son employeur. Les signaux s’enchaînent, en effet, depuis le coup asséné au chef du gouvernement par le CNT, suivi de son lâchage par la promulgation d’une loi en deçà de ses attentes refondatrices. À défaut de déboucher sur une démission du chef du gouvernement de sa propre initiative ou un limogeage fortement pressenti, s’en est quand même suivi un isolement manifeste de Choguel Maiga ces deniers temps au profit de son successeur le plus plausible à la tête du gouvernement. Le ministre Abdoulaye Diop, il s’agit de lui, ne fait pas que lui disputer sa son ardeur à l’agressivité contre la communauté internationale. Il lui a par deux fois ravi la vedette et mis sous le boisseau, au détour des prouesses diplomatiques du rôle que le Togo de Faure Gnassimbé est en train de jouer auprès du Mali. C’est dans le sillage de cette initiative diplomatique que le ministre des Affaires étrangères togolais a effectué deux passages successifs à Bamako par-dessus la tête du Premier ministre malien : dans d’un premier temps pour enclencher une consolidation des liens bilatéraux entre Lomé et Bamako, ensuite pour s’engager dans la médiation de dénouement de la crise née de l’arrestation des militaires ivoiriens. Le hic est que toutes les deux fois, l’illustre hôte malien est rentré au bercail sans la moindre visite de courtoisie au chef du gouvernement. Idem pour le récent passage du médiateur de la CEDEAO pour le Mali, Goodluck Jonathan. Il s’agit d’un code déchiffrable dans le langage régalien comme une mise à la touche du Premier ministre.
A KEÏTA