Au Rythme de la vedette : Entretien avec Mme Diallo Aissata Touré, député «Lorsqu’il s’agit de la nation, on doit former un bloc pour écarter le danger, les menaces terroristes»

0

Le 22 Septembre 2014, le Mali a fêté son accession à la souveraineté nationale. Ce qui devrait être une bonne occasion de joie, est controversée, compte tenu de la situation de crise que traverse le Mali. Comment les maliens apprécient donc ce moment ? Pour y répondre, la Rédaction d’Africa Leaders a approché plusieurs personnalités, dont Mme Diallo Aissata Touré. Dans cet entretien, elle donne l’espoir d’une possible sortie de crise.

 

Madame, veuillez vous présenter à nos lecteurs s’il vous plaît.

Mme Diallo Aissata Touré : Je suis madame Diallo Aissata Touré, députée, élue dans la circonscription électorale de Youwarou, en 5e région de la République du Mali. Je suis présidente de la Commission des affaires Etrangères des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine.

Justement, quel rôle joue ce département au niveau de l’Assemblée nationale ?

Ce département, comme son nom l’indique, est en relation avec le département des Affaires étrangères et celui des Maliens de l’extérieur. Cette commission prend  également en compte   les aspects de l’intégration africaine. Les travaux consistent à faire le contrôle de l’action gouvernementale dans les différents domaines  précités, en un mot, sur la politique étrangère et la situation des Maliens résidents à l’étranger.

 

Selon vous, comment la politique actuelle de votre pays est-elle perçue de l’extérieur ?

La perception de la politique actuelle varie d’une personne à une autre. Nous qui sommes dans le feu  de l’action, nous savons les efforts que nous fournissons. Le travail que nous faisons et les résultats que nous commençons à atteindre. Maintenant, pour le commun des mortels, qui ne voit les résultats que lorsqu’ils sont palpables et touchables, ceux-ci  peuvent avoir une autre perception de ces résultats.

 

En une année d’exercice du pouvoir actuel,  tout le monde parle de bilan mitigé. Vous, vous nous dites quoi ?

Je suis parlementaire. Moi, je sais que des efforts ont été entrepris et continuent d’être faits dans le sens de l’amélioration de la situation du Mali. Je sais que, entre septembre 2013 et septembre 2014, il y a beaucoup d’eau qui a coulé sous le pont. En septembre 2013 quand on est venu, les institutions étaient rares. En septembre 2014 vous pouvez constater par vous même qu’il y a une Assemblée nationale qui fonctionne, nous avons des institutions de la République qui sont en place et nous avons surtout des actions qui sont entrain d’être entreprises pour que nous puissions aboutir à une paix durable. Donc, ce que je dirais à la population, c’est qu’on ne peut pas planter un arbre et s’attendre aux fruits le même jour. Toute action humaine a besoin de pérennité et d’entretien pour  aboutir à des résultats concrets et palpables.

 

Alors, pouvons-nous parlé de bilan mitigé ou pas ?

Je pense qu’il est prématuré de parler de bilan qu’il soit mitigé  ou même négatif parce que quiconque est mis dans l’exercice d’une fonction délicate que nous savons, qui est la gestion de l’Etat a besoin de prendre et de trouver ses marques surtout en ce qui concerne un Etat comme le Mali qui sort d’une situation chaotique dans laquelle il était plongé. Comme je l’ai dit, l’exercice d’une telle fonction nécessite du temps. C’est vrai que c’est un homme d’Etat  qui a exercé pratiquement à tous les niveaux (Ambassadeur, ministre, premier ministre, président de l’assemblé nationale), mais rien n’équivaut au poste de président de la République qui est une très grande responsabilité à mon humble avis. Donc, il faut exercer pour connaître les contours, les tenants et les aboutissants de la chose parce que ce n’est pas le président en personne qui exécute. Il présente une vision, donne des instructions à son entourage, les départements ministériels et autres commissions qui sont autour de lui sont tenus de traduire en action. Maintenant, entre la vision du président et la traduction de celle-ci en acte, il peut y avoir des  dysfonctionnements, des ratés et même des dérapages. Certainement, c’est ce qui peut justifier le comportement de cette population-là qui, disons le, exprime beaucoup plus d’incompréhension, à mon avis, que de mécontentement, à proprement parler.

 

Qu’avez-vous à dire aux jeunes maliens qui croient de moins en moins au grand projet : ‘’Mali d’abord’’ ?

Ce que j’ai à dire aux jeunes, c’est d’avoir un peu de patience. Ce qui s’est passé ne doit plus se répéter. C’est-à-dire, la période difficile qu’on a traversée, que cela ne se répète plus  parce qu’il y a une vision et des projets pour les jeunes. Il faut juste une implication personnelle parce que les choses ne tombent pas du ciel tout  simplement. Les gens ne vont pas prendre quelque chose pour vous les mettre entre les mains. Il faut se lever, il faut s’impliquer, accompagner, être associé aux projets pour qu’au moment des désignations on sache exactement ce que tu peux faire, ce dont tu es capable. Les gens ont beau se plaindre, ont beau être mécontents, le travail ne va pas  les trouver à la maison. Parce que nous avons encore en tête cette idée de sélection de boulot qu’on veut faire et équivalent au profil. Malheureusement, notre société ne se prête pas à cela,  parce que nous n’avons pas les moyens. L’Etat n’a pas ce moyen et la population non plus. Le Mali est un pays dont la population est majoritairement jeune, donc la jeunesse doit comprendre que tout repose sur elle. Si on arrive à la manipuler, à en faire une main armée, elle sera prête à détruire le pays parce qu’aujourd’hui les potentialités d’un Mali profond repose en grande partie sur cette jeunesse-là. Il faut qu’elle sache que l’énergie qu’elle dégage, elle doit la positiver, ne pas se laisser influencer et traduire ça en actes de mécontentement parce que la grande incompréhension des jeunes c’est que «j’ai fini mes études, je n’arrive pas à trouver du travail, il n’y a pas d’avenir pour moi». Mais ça, c’est partout en Europe, en Asie et même en Amérique… Ce sont les situations qui font que cela diffère un peu. Par exemple en Europe, dans certains pays, il y a des mesures qui font que même si tu chômes, l’Etat te verse quelque chose à la fin du mois. Mais, notre pays n’a pas ces moyens-là. Donc, il faut que les jeunes qui sont formés soient imaginatifs, entreprenants et moins exigeants pour que, quand ils trouvent une opportunité, qu’ils la saisissent, qu’ils se battent et qu’ils puissent un jour atteindre ce à quoi  ils  aspirent.

 La jeunesse malienne fait-elle réellement la politique ou elle la subit ?

Je viens de le dire, il ne faut pas que les jeunes se laissent instrumentaliser  et cela traduit tout. Quand on a un certain âge, on fait la politique en fonction de sa conviction et de l’idéologie qui nous inspire. Quand on fait de la politique parce que ça nous permet d’avoir des opportunités, doit-on appeler cela une conviction ? Je ne pense pas. Maintenant, quant à dire aux jeunes de ne pas se mêler de la politique, cela est impossible, car si tu ne la fais pas,  elle se fera en ton nom quelque part. Il faut que les jeunes puissent apprendre à faire la politique avec discernement parce qu’il ne faut pas qu’ils servent  de chair à canon et qu’après ceux qui se cachent derrière récoltent les bénéfices. Il faudra surtout que les jeunes se méfient de cela, c’est très important, par exemple profiter du mécontentent et de l’incompréhension générale pour les inciter à faire des actes qui auront des conséquences néfastes pour ces jeunes, parce que les commanditaires resteront toujours derrière, à l’ombre pour prendre les fruits ou les condamner quand ça ne marchera pas comme ils l’ont planifié. Quand quelqu’un pose un acte, il faut chercher à savoir le pourquoi, être jeune ne veut pas dire qu’on n’a pas de faculté de discernement. J’encourage les jeunes politiciens, mais il ne faudrait pas qu’ils soient instrumentalisés par ceux qui pourront tirer les résultats en leur laissant les conséquences.

 

Mots de la fin ?

Je dirais qu’on est sur la bonne voie. Il y a bien sûr des réajustements et des corrections à faire, mais si l’on n’exerce pas,  on ne s’améliore pas. Je pense qu’avec l’exercice l’amélioration viendra. Par rapport à l’implication des jeunes dans la politique, je suis totalement pour, mais il faut seulement qu’ils fassent la part des choses en suivant les leaders X ou Y, en sachant où sont les intérêts et surtout pourquoi ils se battent. De façon générale, je me réjouis, qu’au niveau international, le Mali ait de bonnes  relations, encore tout un capital de crédit. Les gens en doutaient jusqu’à ce qu’on constate l’engouement international autour du Mali  lorsque  cette crise a éclaté au Nord. Il y a eu un soutien extraordinaire. Ce qui veut dire que quelque part, le Mali a une cote de sympathie auprès de la Communauté internationale.

Donc, je me dis que c’est l’effort commun, l’effort de tous ceux qui veulent croire et travailler qui peut nous faire avancer.  On doit conjuguer les efforts, même s’il y a des dissensions politiques. Mais, lorsqu’il s’agit de  la nation, on doit former un bloc, chercher des solutions pérennes  pour  écarter le danger, les menaces terroristes. Je vous remercie de m’avoir donné cette opportunité de me faire entendre.

Propos recueillis par Leke Dimitri

Commentaires via Facebook :