<< A travers ces axes prioritaires, il apparaît que le PDES est d’abord un programme de reforme et de renouveau de l’action publique, qui conditionne tout le reste. J’attends du gouvernement, comme l’ambitionne le PDES, de faire de l’Etat un modèle de bonne gouvernance. Poursuivre l’émergence d’un Etat fort, d’une administration efficace, d’une justice assainie et des collectivités locales renforcées sera au cœur de votre action. Ce renouveau de l’action publique, tout en consolidant les actions déjà initiées, se matérialisera par l’introduction d’un nouvel état d’esprit, un choix judicieux des hommes et des femmes et l’intensification de la lutte contre la corruption… Naturellement, le renouveau de l’action publique, c’est aussi l’approfondissement de notre démocratie >>.
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Ainsi s’est exprimé Amadou Toumani Touré dans la lettre de cadrage qu’il a remise au Premier ministre pour être la feuille de route du gouvernement à travers six axes prioritaires d’intervention pendant les cinq années à venir. Déjà, dans son discours du 22 septembre 2007, le président de la République avait eu à aborder la question du devenir de notre démocratie. A son avis, la bonne tenue, dans l’ensemble, des élections passées ne doit pas nous faire perdre de vue les lacunes constatées. << Je veux parler de la faiblesse des taux de participation, du mode d’inscription obligatoire sur les listes électorales. Ces insuffisances interpellent l’Etat et la classe politique. Après quinze ans de pratiques électorales, le moment me semble venu de tirer les leçons des différentes expériences afin de procéder à une relecture de nos textes et à un audit de notre système électoral >>, dit ATT.
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A cet effet, il révèle qu’il confiera bientôt à une éminente personnalité de notre pays la mission de conduire la réflexion sur l’approfondissement de notre processus de démocratisation. Car, poursuit –il, la vitalité d’une démocratie se mesure à sa capacité de se remettre constamment en question, la nôtre ne pouvant se soustraire à cette exigence. Cette volonté de réviser le code électoral et de mener la réflexion sur la maturation démocratique, ATT l’a réaffirmée en octobre dernier à Lyon (France) devant la communauté malienne.
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L’inscription obligatoire est-elle la solution ?
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En attendant que le chef de l’Etat dévoile le nom de l’éminente personnalité qui sera chargée de << la mission de réfléchir sur les voies et moyens en vue de permettre au plus grand nombre de nos concitoyens de participer à la vie politique du pays >>, tous les Maliens, hommes politiques, intellectuels et société civile sont invités à cogiter sur les tares de notre démocratie. Le président de la République a déjà son diagnostic : << Le faible niveau de participation aux différentes consultations électorales nous interpelle sur la pertinence de notre système électoral et sur les coûts des élections >>. Là, une question fondamentale se pose : est-ce vraiment le seul système électoral qui soit en panne dans l’évolution de notre démocratie ?
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Il est vrai que la démocratie n’est pas, lorsqu’il n’y a pas d’élections libres et transparentes au cours desquelles, dans le secret des urnes, les électeurs choisissent leurs dirigeants. La démocratie n’est pas non plus, lorsque les élections n’ont d’autres enjeux que les saupoudrages médiatiques en direction de l’opinion étrangère sensible aux produits << démocratiques >> cosmétiques. Mais l’expérience sur la scène internationale a prouvé que le code électoral le plus libéral du monde ne suffit pas toujours à assurer des élections libres et équitables. Il convient plutôt de veiller à l’application rigoureuse des dispositions de tout code électoral.
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L’éminente personnalité, qui aura à se pencher sur nôtre démocratie, gagnera à ne pas se focaliser sur la seule inscription obligatoire sur les listes électorales comme unique tare. La démocratie, à l’évidence, n’existe qu’à travers l’engagement conscient des citoyens, comme l’a noté un politologue. Que leur exigence faiblisse et la démocratie s’étiole. Il s’agit donc plus pour les citoyens maliens que nous sommes, après quinze ans de pratiques électorales, de réapprendre la démocratie. Ce réapprentissage passe évidemment, comme le veut le chef de l’Etat, par un examen clinique approfondi, suivi d’un diagnostic rigoureux débouchant sur une thérapeutique positive. Il nous faut d’abord savoir que de toutes les formes de gouvernance, elle est la meilleure pour l’organisation sociale et politique. Mais elle n’est pas un don du ciel et ne saurait, en conséquence, être décrétée << par en haut >>. Elle n’est pas non plus une affaire de simple déterminisme, comme le foie qui secrète la bile. Il faut donc nécessairement lutter pour elle et faire son apprentissage de la culture politique en commençant par l’Abc.
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Partis politiques, piliers de la démocratie
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La démocratie, outre qu’elle est au plan individuel une étiquette vis-à-vis du pouvoir politique, a ses règles, au niveau collectif, qui permettent et réglementent l’harmonisation d’intérêts parfois contradictoires.
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La démocratie << repose sur les partis politiques comme un édifice sur ses piliers ; que les partis s’affaiblissent et l’architecture démocratique s’affaisse, entraînant nos libertés dans sa chute >> (Gérard Lindeperg, secrétaire à la formation du Parti socialiste français). Partout au monde, les partis ont vocation à conquérir le pouvoir et à l’exercer selon un idéal, une vision. Chez nous, les partis politiques font –ils encore de la politique ? Que signifie faire la politique ? C’est écouter les gens, mais c’est aussi les éduquer, leur proposer un projet en vue d’harmoniser leurs intérêts souvent divergents, règlementer leur vie sociale et politique, améliorer leurs conditions de vie. En un mot, prendre part à la construction de leur bien-être et à l’allègement de leurs souffrances et pourvoir à leurs manques. Or, faire de la politique ressemble désormais, tel qu’il apparaît dans l’exercice chez nous, consiste à faire le bonheur d’une minorité, c’est placer quelques gars au gouvernement. Rentrer au gouvernement pour jouir des rentes de situation, telle est l’ambition de la plupart des acteurs politiques.
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Adhérer à un parti politique, note Gérard Lindeperg, c’est d’abord faire le choix d’une citoyenneté plus exigeante. Soutenir un candidat et ratifier un programme à l’occasion d’une élection, c’est accomplir l’acte civique de base. Participer à la désignation de ce candidat et contribuer à l’élaboration de son programme, c’est passer du stade de citoyen- électeur à celui de citoyen- acteur, quitter son statut de sympathisant pour devenir un militant. Continuant son analyse, Lindeperg note : << Adhérer à un parti politique … , pluraliste et démocratique, ce n’est pas aliéner sa liberté mais se donner les moyens de mieux l’exercer et de mieux faire vivre la démocratie à travers l’exercice de nouvelles responsabilités. Car, l’action politique ne se limite pas à la scène électorale : l’engagement militant se réalise également dans la vie quotidienne du quartier… comme dans la réflexion collective d’une commission d’étude… ou dans le lancement d’une campagne d’explication par une section… >>.
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Opposition éloignée des allées du pouvoir
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C’est dire combien les acteurs politiques doivent travailler à l’émergence de partis politiques où, parce que la démocratie s’exerce véritablement en leur sein, les militants viennent nombreux. Dans leur vocation à conquérir le pouvoir, tous les partis ne peuvent être au gouvernement. Autrement, les intérêts des citoyens seraient si monolithiques que toute activité politique serait superflue. Il faut une opposition éloignée des allées du pouvoir.
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Le président Amadou Toumani Touré a, semble t- il, pris toute la mesure du consensus qui a prévalu durant les cinq dernières années. Au lieu d’être un modus operandis entre adversaires politiques pour atteindre des objectifs précis sans toutefois renoncer à ses convictions idéologiques et politiques profondes, le consensus a plutôt été un tremplin de compromis, voire de compromissions.
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C’est pourquoi ATT, pour l’approfondissement de notre démocratie, renvoie les politiques à leur vocation première. A propos, il déclare : << Renforcer le statut de l’opposition dans le cadre de la loi sur les formations politiques, faire du principal leader de l’opposition une personnalité reconnue de l’Etat, seront également à l’ordre du jour de cette réflexion. J’invite le gouvernement à apporter tout son soutien à cette action en vue de la consolidation de notre démocratie >>. Les jeux sont donc ouverts où la démagogie est préjudiciable à l’exercice politique. Les alternances politiques sont à ce prix.
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Il faut enfin noter que la démocratie n’est pas, si nous ne libérons pas la justice de l’emprise du pouvoir politique et, partant, de la corruption.
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Amadou N’Fa Diallo
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