En matière de réformes l’on a tout vu ces dernières années : double passage d’un texte devant l’assemblée nationale, grogne des syndicats, levée de bouclier des religieux et désapprobation de la classe politique. Et à chaque fois, un motif est évoqué : déficit de communication.
Flash back :
C’est à partir de la crise du nouveau code de la famille que les Maliens ont réellement découvert une autre facette de la démocratie. La contestation d’un projet de texte. Cela, même si les premiers dix ans de notre démocratie (règne d’Alpha) ont été marqués par des mouvements scolaires et la désobéissance civile décrétée par l’opposition. En son temps, le peuple ne s’intéressait pas trop aux autres textes qui régissaient les domaines vitaux de la nation. D’ailleurs, le régime d’alors s’est donné une conduite de prudence à ne pas engager de réformes importantes et de gérer la nation avec des programmes décennaux comme PRODEJ, PRODEC et PRODES. Cette carte de prudence du « pouvoir des enseignants » s’expliquait par deux choses. D’abord, Alpha Oumar Konaré en sa qualité d’acteur du mouvement démocratique a compris que certains effets de la révolution du 26 Mars subsistaient toujours chez le peuple malien, le mercure était monté à un tel niveau que tous ses deux chefs de gouvernement ont jeté l’éponge. Ensuite, la logique voulait aussi que les nouveaux textes fraichement sortis des assises de la conférence nationale restent en leur état originel.
Pour rappel, même étant fervent partisan de l’abolition de la peine de mort, AOK a préféré laisser cette mission à son successeur.
Un successeur, bien adulé par le peuple, dont le retour a réussi l’assentiment de tous, était effectivement prédestiné pour rendre moins désuètes de nombreuses dispositions vieilles d’un demi siècle. Dans ce canevas, le code de mariage et de la famille occupait une place importante.
Après son Tankokelen (vainqueur dès le premier tour) du scrutin de 2007, ATT voulait accroitre sa popularité davantage auprès des Maliens par l’adoption d’un nouveau code des personnes et de la famille, dont le projet dormait dans les tiroirs depuis dix ans. Hélas, cette démarche n’a produit que son effet contraire. Nonobstant que personne ne maitrisait en sa totalité ce code (1143 articles), le haut conseil islamique ne s’est pas fait prier pour le rejeter, tout en décelant des énoncés contraires aux percepts de la religion musulmane. Cela, avec des mouvements de protestation et des manœuvres de dénigrement du régime d’ATT. Qui selon, l’imagerie populaire veut accorder plus de pouvoir aux femmes qu’aux hommes. En son temps, aucun moyen de sensibilisation n’a pu être élaboré pour atténuer les ardeurs des contestataires.
Au moment ou le Président était en vacances à Syrte, sa communication avait des béquilles à Bamako. Du coup, ce qui devait arriver arriva. La contestation, de la connotation sociale a pris le sens religieux. Malédiction, prêche outrageuse et boycott des cérémonies religieuses des hommes du pouvoir ont perturbé le Général Président qui céda à la pression et fait retourner ledit projet à l’assemblée nationale pour une seconde lecture.
Depuis lors, les esprits malins dénichent toujours la petite bête dans les réformes initiées par ATT.
Des réformes qui s’arrêtent au niveau du rêve !
Pour de nombreux observateurs, l’une des plus grandes actions salutaires du régime d’ATT sur le plan social a été de rendre gratuite la césarienne au niveau de tous les centres hospitaliers publics. Et celle qui devait compléter cette aubaine, est sans doute la loi sur l’Assurance Maladie Obligatoire. Malheureusement ayant pris échos des malversations financières qui ont émaillé la mise en œuvre de cette mesure (un serveur acquis à plus d’un milliard), une centrale syndicale, pourtant partie prenante à tout le processus, a choisi de jeter l’opprobre sur cette assurance. Du coup, annoncée pour être obligatoire l’AMO n’a finalement été que facultative. Et le prince du jour continue d’évoquer toujours un déficit de communication comme cause de l’échec de ce système.
Auparavant, en vue de réformer durablement le secteur de l’éducation au Mali, l’Etat n’a pas lésiné sur les moyens par l’organisation d’un forum d’envergure sur l’éducation. Cet espace qui a consacré la participation de toutes les composantes du domaine de l’éducation a aussi fini en eau de boudin.
Les enseignants du supérieur ont été les premiers a foulé au pied les résolutions de cet important forum. Et mine de rien, le chef de l’Etat jusque dans son salon feutré de Koulouba a cédé aux exigences des bouffes –craie. Depuis lors, les résolutions de ce forum se conjuguent désormais au passé. Les ministres des deux départements ne sachant plus sur quel pied dansé s’adonnent à des palliatifs qui frisent le ridicule.
Ce récapitulatif n’est qu’un regard décalé sur les naufrages et les sinistres les plus marquants de l’histoire récente du Mali. Les cas cités ont été choisis en fonction de l’onde de choc propagée et de l’impact sur les populations, notamment à faibles revenus, sur l’image du pays, sur les espoirs suscités et sur le potentiel gâché à cause des atermoiements du seul ATT, qui engage des réformes sans mesurer leurs conséquences, pour ensuite faire parachuter un plan B, qui constitue dans la plupart des cas un aveu d’échec.
Et de nos jours, les réformes de la constitution en vigueur, tanguent comme un grandiose « Titanic ». La suite nous donnera d’autres enseignements, à coup sûr.
Moustapha Diawara