Exceptionnellement, c’est le 12 juin que le président de la République , Amadou Toumani Touré, a animé sa traditionnelle conférence de presse marquant l’anniversaire de son investiture. Les journalistes de la presse nationale et internationale étaient présents dans la salle de banquets du palais présidentiel. Dans une atmosphère détendue, les deux parties ont échangé sur des questions dominant l’actualité : AMO (Assurance Maladie Obligatoire), affaire du Fonds mondial, «Air cocaïne», réformes institutionnelles, fichier électoral, situation en Libye, troisième licence pour opérateur téléphonique, deuxième chaine de télévision, drame du Maouloud etc. Aucun sujet n’a été occulté par le chef de l’Etat qui a profité de l’occasion pour évoquer les grands projets de sa dernière année au pouvoir.
Avec un décalage de quelques jours (d’habitude, la rencontre ATT-presse se fait le 08 juin), le chef de l’Etat a tenu la conférence de presse qui consacre l’anniversaire de son investiture à la Magistrature suprême. Pendant cet échange sans tabou, comme à son accoutumée, ATT n’a éludé aucune question et a donné de larges explications.
Le projet des réformes
ATT tient à mener les réformes institutionnelles que Daba Diawara a la charge de piloter. A ceux qui estiment qu’il aurait été mieux de consacrer les efforts à l’organisation des élections, le président répond qu’en réalité, rien ne s’oppose à la réalisation de ces réformes. «Ce n’est qu’une question de volonté. Nous avons les moyens et nous ferons à tout prix et dans les délais les deux : réformes et élection présidentielle. En 14 mois, nous avons réussi plus que çà sous la transition : pacifier le pays, gérer une rébellion, organiser une conférence nationale, faire un référendum et organiser des élections». La conviction du président sur la question est dure comme fer.
Fichier RACE ou RAVEC : «il n’y aura pas de transition»
Par rapport au débat très animé sur le choix du fichier électoral, le président de la République dévoile sa préférence pour le RACE mais n’impose rien pour l’instant. «Ce débat pour moi est comme celui du poisson qu’on a sous la main et celui sous les pieds», a-t-il déclaré. Pour ATT, il est injuste de rejeter un fichier sur la base duquel le président et les autres institutions électives ont été. Il est vrai, à son avis, qu’il est possible d’améliorer ce fichier et de le rendre opérationnel à temps pour les prochaines élections.
Refusant de croire à la bonne foi des «agitateurs», ATT s’obstine à croire que les élections se tiendront bel et bien dans les délais constitutionnels. «Le futur président prendra fonction le 08 juin 2012. Ceux qui parlent de transition, se trompent lourdement. Il n’y aura aucune transition. Les gens feront mieux de se tenir prêts !», a averti Amadou Toumani Touré sur un ton martial.
Assurance Maladie Obligatoire, désormais Assurance maladie volontaire
Visiblement, le président ATT est resté très attentif aux protestations soulevées sur la mise en application de l’AMO. Il l’a manifesté lorsqu’il a abordé le sujet avec les journalistes. «Nous croyions avoir bien fait en instaurant l’assurance maladie pour les Maliens. Hélas ! Nous avons commis une grosse erreur. La communication a fait défaut. Sinon, comment comprendre qu’au début tout le monde soit d’accord pour le principe et qu’au moment où on veut mettre en pratique, certains se rétractent ? Il ya un problème. C’est pourquoi, j’estime qu’à chaque fois qu’il y’a des problèmes, il faut s’arrêter et voir ce qui n’a pas marché. C’est ainsi donc, que nous avons décidé que l’inscription soit désormais volontaire. Personne n’est obligé», a-t-il dévoilé.
Affaire Fonds mondial : «pur règlement de comptes»
Abordant le sujet le plus sulfureux qui anime la chronique actuellement, c’est-à-dire l’affaire dite du Fonds mondial, le président ATT n’a pas pu cacher sa peine. ATT estime qu’à cause des conflits de personnes, cette affaire a été surmédiatisée ternissant l’image de notre pays au plan international.
Ainsi donc, sur la base de simple règlement de comptes, 26 chefs de familles croupissent en prison. Le Mali se retrouve classé au rang de «République voyou» n’ayant aucun respect pour ses partenaires financiers. Il est sûr que le président ATT ne pardonnera jamais aux auteurs de cette «cabale inutile» dont le Mali a été victime, même si cette affaire n’a pas joué sur ses rapports avec le fonds mondial. La preuve, c’est qu’il dit avoir décroché un nouveau financement à Washington plus important. Il a également expliqué que le Fonds mondial a une procédure de gestion propre à lui, qui lui permet d’avoir directement la main dans la gestion de son argent à travers un comptable sous sa responsabilité dans les pays partenaires.
D’ailleurs, c’est suite à une mission de l’inspection des fonds du Fonds mondial (une autre structure indépendante) que les soupçons ont été portés sur la gestion douteuse de l’argent destiné à la tuberculose, au SIDA et au paludisme. Curieusement, avant même que le rapport des inspecteurs ne soit officiel, les cadres du département de la santé se sont lancés dans une campagne grossière de délation les uns contre les autres. L’affaire a donc pris l’allure d’un véritable drame financier. Au jour d’aujourd’hui, 26 personnes sont en prison suite aux dénonciations entre collaborateurs du ministère de la santé. Et apparemment, la liste n’est pas encore bouclée. D’autres cadres pourraient être bientôt interpellés en plus de l’ex-ministre de la santé Oumar Ibrahima Touré interpellé et inculpé il y’a maintenant plus d’une semaine. Quoi qu’il en soit, le président de la République a tenu à faire une mise au point : «Je ne saurai être complaisant. Je souhaite que chacun trouve des arguments convaincants devant le juge pour sa défense ».
Affaire «Air cocaïne» : «l’ANAC a bel bien délivré une autorisation de survol»
En abordant le brûlant dossier relatif à l’affaire dite « Air cocaïne », le président ATT n’a pas caché son amertume face au traitement dont il a fait l’objet. Il trouve injuste pour les médias occidentaux de traiter le Mali de pays complice des trafiquants de drogue. «J’ai été tellement choqué dans cette affaire que j’ai demandé personnellement que toute la lumière soit faite sur cet avion. Les résultats sont clairs. Les responsabilités ont été situées, un Français, un Espagnol et un Malien sont en prison déjà» a lancé le président avant d’expliquer qu’une autre personne impliquée aurait été arrêtée dans un pays du Maghreb. En réalité, il s’agit du Maroc où très probablement les chefs locaux de la bande sont installés.
ATT a tenu à dire clairement que contrairement à ce que les responsables de l’ANAC ont voulu faire croire, l’avion a bel et bien demandé et obtenu une autorisation de survol et d’atterrissage à Bamako. Selon toujours le président, l’avion n’est pas arrivé le jour où il était attendu à Bamako. C’est un peu plus tard, c’est-à-dire plusieurs jours après, qu’il a été signalé à Bourem mais en épave. Le président estime que la directrice de l’ANAC doit s’expliquer devant la justice et convaincre celle-ci de son innocence.
Limogeage des DAF : «ce n’était pas une sanction»
ATT a tenu à expliquer aux journalistes les raisons pour lesquelles il a opéré des changements au niveau des DAF des ministères et de la présidence. Selon lui, c’est suite à un rapport d’expertise produit par «Koni expertise», qu’il est ressorti le besoin de ramener les DAF.
Selon lui, les DAF consacraient tout aux finances alors que la gestion des ressources humaines devenait le cadet des soucis. «Nous avons trouvé que cela n’était pas normal. Il fallait donc séparer les finances et matériels et la Direction des ressources humaines», a affirmé ATT. C’est donc dire qu’il ne s’agissait pas de sanctionner une faute quelconque contrairement à ce qui se disait dans les rues. Il a profité de l’occasion pour révéler que les directeurs des ressources humaines seront nommés cette semaine.
Aussi, a-t-il expliqué, désormais, le processus de nomination des DAF, SEGAL et autre change. Le ministre présente trois propositions dont une femme. C’est sur la base d’examen de dossier que les cadres seront retenus. L’expérience nous dira ce qu’il y a de positif.
Drame du Maouloud au stade omnisport : la justice saisie du dossier
Au cours de la rencontre, le président ATT a également révélé que le dossier du drame qui a occasionné plusieurs morts au stade omnisport Modibo Kéita, le Maouloud dernier, a été transmis à la justice. Il a expliqué que les enquêtes sont bouclées et les responsabilités, situées. Selon ATT, l’effectif insuffisant des forces de l’ordre, le comportement de la foule, la défaillance des organisateurs et de leur dispositif, et le nombre trop élevé des participants (plus de 60000 pour 25000 places prévues) seraient à l’origine du drame qui a coûté la vie à plus d’une vingtaine de personnes. Les responsables du drame seront très bientôt interpellés et traduits devant la justice.
Nouvelle route Bamako –Abidjan : mauvaise nouvelle pour Zégoua
Pour aller à Abidjan, le président de la république Amadou Toumani Touré veut désormais ouvrir un second chemin plus court et moins contraignant. Cette nouvelle route qu’il envisage de construire passera donc par Zantièbougou, Kolondièba, San Pedro. Pour ATT, Bouaké est devenu un problème pour les transporteurs maliens et il est possible de trouver une autre alternative. Si à Kolondièba, les populations applaudissent la promesse, les villes comme Zégoua, Loulouni et Kadiolo, souffriront sans aucun doute des conséquences de l’abandon de leur axe par les transporteurs. Il faut rappeler que les transporteurs sur cet axe font vivre plus de 60 % les populations de ces localités. La preuve c’est que la crise ivoirienne a fait de Zégoua une ville fantôme, nostalgique des fastes d’une certaine époque.
«Je me porte à merveille», dixit ATT
Le président de la République a tenu à lever le doute sur son état de santé devant les journalistes. «Je me porte à merveille. La preuve, c’est que hier encore, j’ai couru mes 4 km . Et j’invite ceux d’entre vous qui seraient intéressés à venir avec moi». La boutade a tout son sens. En réalité, de folles rumeurs ont circulé ces derniers temps sur l’état de santé du président ATT. Si officiellement personne, même les journalistes n’en ont pas parlé, ATT lui-même a voulu rassurer les Maliens. «En réalité, je n’ai pas souvent bonne mine», a-t il plaisanté. Avec le poids des ans, le fardeau du quotidien d’un président «touche à tout», les soucis courants de la gestion des affaires de l’Etat, il n’est pas évident d’être toujours au point. ATT est simplement fatigué (c’est bien normal), c’est sûrement la raison pour laquelle, il est bien pressé de quitter Koulouba.
Abdoulaye NIANGALY