L’avant dernier né des partis politiques maliens semble avoir surpris plus d’un, onde de choc inattendue. Pris de court, beaucoup d’experts et de grandes oreilles du pays croyant avoir les confidences du chef. Cette impression de surprise s’explique essentiellement par trois raisons : la première est évidemment la promesse présidentielle, aussi ancienne que réitérée, de ne pas créer un parti en son nom, la seconde par le temps entre l’annonce sous forme de bénédiction et de feu vert présidentiels à ses partisans, le 8 juin dernier, et la mise en place d’un bureau provisoire, le 17 Juillet 2010.
A ces deux raisons, s’ajoute la troisième, cet attelage inédit de ministres encore au gouvernement, de fortes personnalités du monde économique et du monde rural, d’anciens ministres et de hauts cadres de notre administration, le tout bonifié par un groupe de députés frôlant déjà la vingtaine sans oublier les 800 conseillers revendiqués.
A ces trois raisons, faut-il ajouter l’homonymie entre le programme d’ATT et le nom du parti (PDES) même si l’astuce politicienne a su donner autres significations au P et au S ?
Ce parti lancé dans la solennélité des grands jours est sans nul doute venu reconfigurer l’espace politique malien qui n’a pas fini de faire sa mue, comme disait naguère feu Mamadou Lamine TRAORE, parlant des soubresauts d’ambitions et des guéguerres de positionnement au sein de l’ADEMA, lors d’une interview qui nous avait accordée volontiers en 2001.
Le PDES doit sa particularité enfin au timing qui est le sien, celui d’un parti arrimé au nom d’un président qui n’en a pas eu besoin ni pour conquérir ni pour exercer le pouvoir suprême et qui de surcroît, est à quelques encablures de sa fin de mandat.
Ce nouveau parti au bureau mastodonte décliné jusqu’à 127 membres, présidé par Hamed Diane SEMEGA, fidèle et premier avocat du président, sa vingtaine de vice-présidents, sa singulière et précieuse marraine, la première dame du pays, revendique l’héritage du président et a enrôlé en son divers et pluriel sillage tant de collaborateurs du président, du DAF au conseiller à la communication, le discret Cissouma, fidèle du président.
Une autre surprise fut Babani Sissoko Foutanké, député de Kéniéba, fils de Dabia parmi les présidents d’honneur, tout comme l’ex ministre Hamed Sow, voire des généraux.
Pourtant à y voir clair, se donner une fine peine de lire entre les lignes mais surtout recouper les faits, dans l’agitation du climat politique malien, trois raisons essentielles semblent avoir milité en faveur de la création du PDES.
Primo : La leçon tirée de l’affaire politico-religieuse code de la famille, événement qui a suscité un reflexe de repli tactique chez les partis politiques, surtout ceux de la mouvance présidentielle. Hormis quelques murmures, la règle prudentielle a prévalu, chaque parti songeant à son marché électoral en 2012, préférant une commission paritaire entre islamistes et députés pour justement faire à la place des élus le boulot qui est le leur.
Le président, aux dires de plusieurs sources, s’est trouvé isolé et a bien compris qu’un parti présidentiel ne servait pas seulement à conquérir le pouvoir mais surtout à y veiller, à aider son détenteur dans les moments de tempêtes. Avec le PDES, ATT peut compter sur des partisans mieux structurés, sûrs de s’inscrire désormais dans une perspective politique durable à travers un parti dont la tache essentielle reste néanmoins l’implantation pour mieux équilibrer l’échiquier politique et redessiner une nouvelle carte électorale du pays.
Secundo : La reconnaissance ! ATT certes n’a pas trop besoin d’un parti à son effigie pour gouverner durant le reste de son second mandat mais entre l’image d’un ATT au dessus de la mêlée partisane et un ATT de plus en plus traité d’ingrat par ses partisans dont certains n’ont pas attendu la création du PDES pour sortir du jeu mitoyen du mouvement citoyen, regroupement qui manqua tant de moyens politiques et électoraux dignes de nom que d’impact électoral face à des partis comme l’ADEMA ou l’URD, le président a fini par trancher et opter pour la reconnaissance.
Lors d’une conférence de presse ici à Paris en 2002 au CAPE, nous-mêmes avions, en son temps, posé la question au président s’il comptait gouverner sans parti en son nom. Sa réponse, presque militaire, avait été des plus claires, allant jusqu’à dire que ceux qui lui demandent cette création l’en veulent beaucoup plus pour eux-mêmes que pour lui ATT.
La réponse avait le mérite de la clarté. Il reste aujourd’hui clair que le PDES répond également à ce souci de contenter, de remercier ses soutiens de longue date, histoire de ne pas les abandonner en 2012 face à des partis comme l’ADEMA ou l’URD qui ont soutenu le président durant ces 8 ans beaucoup plus par stratégie, opportunisme que pour le partage d’un quelconque programme. On n’a d’ailleurs pas vu l’un de ces partis exiger la prise en compte de son programme comme condition indispensable à son soutien au président.
Tertio : L’Héritage : ATT semblait un moment agacé par les sorties intempestives du président de l’assemblée nationale, Dioncouda TRAORE, qui, tout en félicitant le fait que le président est un homme de parole qui s’en ira en 2012, cachait mal sa propre impatience de voir l’ADEMA revenir au pouvoir. Ce qui n’est pas un crime en soi sauf que les califes n’aiment pas qu’on lorgne leur place avec gourmandise et empressement. Certes depuis le professeur de mathématiques ne souffle plus dans son vuvuzela, question de prudence et d’égard, mais il reste clair que l’après ATT a bel et bien commencé chez les partis qui s’estiment à mesure d’être à Koulouba en 2012.
ATT a-t-il donc compris que les parenthèses sont faites pour être fermées, que le jeu dit indépendant n’est pas une tradition ni assez répandue ni durablement viable ? La politique, en temps qu’épreuve coriace au delà du « courtermisme », se fait essentiellement dans des formations bien structurées et le consensus porte toujours la faiblesse de se fissurer quand vient le temps des reconquêtes ou des conquêtes partisanes.
L’Héritage d’ATT ne sera donc mieux préservé et mieux défendu qu’à travers une formation vouée à sa cause malgré l’idée qu’il appartient à tout le peuple malien. Eviter que ses soutiens ne se dispersent à l’horizon 2012 chacun allant là où il voit le vent tourner sauf les irréductibles ATTistes, Amadou est revenu à ce que la tradition politique et la pratique politicienne ont enseigné depuis des lustres : La politique est une haute question de grands appareils, de grands moyens au service de grandes ambitions. Pourvu qu’elles le soient pour la nation et le progrès collectif.
Si le PDES vient équilibrer les rapports de force électoraux, empêchant désormais l’érection d’un hégémon sur la scène politique malienne, il lui reste désormais le défi de la durée tout en restant un grand parti, comme l’ADEMA a réussi jusque là à faire malgré les tempêtes soldées par des départs de fortes personnalités pour d’autres cieux.
Jean Paul Sartre disait que l’existence précède l’essence mais dans le contexte politique malien, des créations n’ont pas su tenir les promesses.
Le paradoxe du PDES mais aussi sa faiblesse, c’est de manquer d’opportunités électorales pour mieux se compter et compter avant 2012. Année pour lui comme pour tout nouveau parti, le Yelema du jeune Moussa MARA, de réussir à faire du coup d’essai un coup de maître.
Sa force, c’est de capter l’image et l’influence d’ATT sans oublier les privilèges de l’appareil de l’Etat que l’ADEMA, en son temps, a su bien utiliser pour mieux s’imposer.
Yaya TRAORE
Journaliste écrivain, Doctorant en sciences politiques, Paris 2 Assas
Paris, France
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