L’exercice de ce premier mandat de cinq ans a-t-il déjà terni l’aura que reflétait Amadou Toumani Touré jusqu’en 2002, date de son retour au pouvoir ? Ils sont nombreux ses compatriotes à ne plus reconnaître l’homme sur qui ils ont fondé tant d’espoir. Espoir de remettre les Maliens au travail, espoir de les réconcilier après dix ans d’un règne difficile pour les opposants, espoir d’assainir les caisses de l’Etat en menant une lutte implacable contre la corruption, le mensonge, la félonie et les mauvaises pratiques. L’espoir, pour tout dire, s’est éteint. On a vu un autre ATT plus sensible aux flagorneurs et pire aux chatouillements de politiques véreux, plus prompts à se taper villas et châteaux qu’à l’aider à sortir le pays de la nasse. Aujourd’hui, le constat est amer et le verdict impitoyable : jamais le Mali n’a été aussi mal gouverné et jamais les Maliens n’ont semblé autant divisés. La rancœur sous-tendue par une impitoyable misère se lit sur les visages. Qu’est-il arrivé à cet homme d’une grande probité morale, d’un sens élevé du devoir et d’un amour indiscutable pour sa patrie ? Comment est- il passé à côté de son sujet ?
Le président Amadou Toumani Touré, officier général des armées du Mali, ancien président du Ctsp et ancien chef de l’Etat, était devenu au soir de juin 92, date de l’investiture du président Konaré, un messie, l’envoyé du bon Dieu pour libérer ses compatriotes d’une implacable dictature, nettoyer les écuries d’Augias, remettre le pays en marche, non sans avoir organisé des scrutins propres et dignes, répondant aux contenus et exigences de la révolution démocratique.
Pour la quasi-totalité des Maliens, il passait pour un modèle riche de ses qualités d’honnêteté, de probité, de justice et d’équité. Sa parole était d’or et ses actes appréciés à tout bout de champ. C’est cet homme, très peu porté sur l’argent, donc sur les biens matériels, dont les Maliens avaient accueilli l’arrivée au pouvoir. Il apparaissait comme le rédempteur d’un peuple brutalisé, violenté et meurtri par des années de violences politiques de toutes sortes.
L’homme, jusqu’à preuve du contraire, a les mains propres, le cœur plein de bonté, l’âme pure et sensible à tout ce qui touche de près ou de loin, ses compatriotes. Il aime le Mali et s’est dédié à maintes reprises à cette cause.
Les promesses d’un retour en fanfare
S’étant mis de son plein gré en marge du pouvoir alors qu’il pouvait prendre le risque d’y demeurer, Amadou Toumani Touré, héros national et quasiment démobilisé de l’armée, était resté égal à lui- même. A l’intérieur du pays pour mobiliser dans la lutte contre le ver de Guinée et les maladies infantiles, tout en offrant ça et là une école ou un forage, ou parcourant le continent au service de la paix et de la stabilité dans les contrées en proie aux guerres fratricides, le général s’est gardé de s’immiscer dans les affaires de son successeur. A savoir, le président Konaré qui avait pourtant bien maille à partir avec son opposition. Point n’était besoin de s’étonner que des millions de ‘’you -you’’ aient accueilli, au pays et même à l’extérieur, le bruit de son retour. Le président Konaré a fait ce qu’il pouvait et on misait beaucoup sur lui pour faire le reste.
Elu président et investi le 8 juin 2002, Amadou Toumani Touré a vite perdu de son enthousiasme avec l’éclatement de la rébellion en Côte d’Ivoire, suivi des calamités naturelles, au nombre desquelles, les criquets, la mauvaise pluviométrie. Pire c’est la gestion de la disette qui s’annonçait pour la population, qui ‘’l’achèvera’’ dans le cœur de ses compatriotes. Qu’est-ce que des responsables au plus haut niveau n’ont-ils pas fait pour s’enrichir ‘’sur le cadavre de la population en état de nécessité et contrainte à débourser cher pour ne pas crever de faim. Les kilos de riz et de sucre sont passés du simple au quadriple.
ATT le savait et n’a rien fait pour y mettre le holà! L’affairisme a été érigé en système de gouvernance et tout est bien dès l’instant que l’on sait crier à tout vent «Nous soutenons ATT et ses actions !». L’affaire des exo en céréales, on ne le dira jamais assez, a perturbé bien des convictions parce que rien n’a été fait contre ces malversations pourtant avérées. La seule réaction d’ATT se limitera aux simples indignations au lieu des si attendues sanctions. Grande était la désillusion.
La déception
L’absence de fermeté dans la gestion des affaires de l’Etat est sans doute à l’origine de la plupart des échecs du président Amadou Toumani Touré. Et ce n’est pas sans raison que nos compatriotes sont devenus pour la plupart des laudateurs. Le mouvement Citoyen est devenu un tremplin et même des ministres de la république, nommés sous la bannière de leur formation politique jouent des coudes au sein de cette association. Il suffit de clamer son soutien à ATT pour faire ce qu’on veut, y compris détourner les deniers publics.
Le Pdg de l’Office était un grand citoyen jusqu’au jour où il a été mis à l’écart. Politiquement parlant, son règne a plus contribué à fragiliser l’élan démocratique parce que fragilisant et tuant à petit feu les partis politiques, dont les ténors ont tous rangé les armes. On a tué le débat en imposant la pensée unique.’’ ATT et rien d’autre !’’ C’est dans ce contexte qu’a éclaté la dissidence du 23 mai et là aussi, on ne peut pas dire que le peuple est content de la manière dont les choses sont en train d’évoluer.
Dire que le retour de ce grand général était souhaité pour trouver une réponse satisfaisante à nos préoccupations. Décidément, le Mali d’ATT est en train de passer à côté de la plaque.
A suivre
SORY HAIDARA“