Le nouveau président de la République de Côte d’Ivoire parle beaucoup de « pardon » et de « réconciliation » mais, visiblement, avec Amadou Toumani Touré, Alassane Dramane Ouattara n’est pas prêt à oublier.
L’image a fait l’objet de tous les commentaires dans les milieux politiquement branchés de Bamako. Le samedi 21 mai, jour de l’investiture d’ADO à Yamoussoukro, a été une dure épreuve pour le président de la République du Mali. Il a vécu un véritable chemin de croix face à un nouvel homme fort de Côte d’Ivoire qui le boudait ostensiblement. L’incident télévisé a tellement choqué certains maliens qu’ils se demandaient ce que notre chef de l’Etat était allé chercher à cette cérémonie. ATT a été ignoré du début à la fin par Alassane Ouattara. Il n’a eu droit à aucune visibilité. Et, même si les discours officiels se veulent optimistes, il y a un os entre les deux hommes. Alors, quel est le problème ?
Nous avons interrogé un journaliste ivoirien, compagnon de la première heure d’Alassane Ouattara depuis le temps où Djéni Kobina tentait de mettre son mentor sur orbite. Pour lui, il existe effectivement un contentieux, non pas entre le Mali et la Côte d’Ivoire, mais entre deux hommes que des « incompréhensions » ont éloigné l’un de l’autre. Tout en prenant soin de préciser qu’il ne tient rien de la bouche d’ADO, il ose une explication : « Depuis des années que nous nous battions contre le système Gbagbo, nous n’avons jamais senti un appui de la part du président malien. Alors que le Burkina Faso, le Nigeria, le Sénégal, le Ghana, la France, etc. nous apportaient des appuis clairs et exigeaient le respect des principes démocratiques et républicains, le Mali avec lequel nous sommes le plus lié nous boudait. Et franchement, nous avions le sentiment que Bamako ne manquait pas une occasion de nous poignarder dans le dos. Le président Ouattara a toujours refusé de prendre ouvertement position contre ATT en se fiant aux ragots. Certains chefs d’Etat ouest-africains l’ont plusieurs fois mis en garde contre l’attitude de Bamako. Je pense que c’est finalement la période entre le 28 novembre 2010 et la chute de Gbagbo qui ont convaincu le patron que les autorités officielles du Mali étaient, en sous-main, partisans de Gbabgo et de son entêtement à rester au pouvoir. »
Notre interlocuteur n’apporte aucune preuve d’une duplicité de Koulouba dans la guerre de pouvoir qui a opposé les camps ivoiriens. En général, le clan Ouattara s’est plus fié aux rumeurs qu’aux faits. Notre interlocuteur l’avoue : « Dans ce genre de situations, les traces écrites et les preuves matérielles sont difficiles à obtenir. Mais il y a eu des sommets, notamment de l’UEMOA et de la CEDEAO. Et, à travers le langage des uns et des autres, nous avons fait des déductions. Il y avait ceux qui étaient avec nous, ceux qui étaient avec Gbagbo et ceux qui jouaient un double-jeu, croyant pouvoir gagner sous tous les tableaux. »
Du côté de Koulouba, un conseiller d’ATT que nous avons joint tente de minimiser l’affaire et ne croit pas à une bisbille entre les deux hommes : « Vous savez, dans une ambiance comme une cérémonie d’investiture, il y a une telle émotion que les gens peuvent agir par négligence ou par omission. Le fait que Ouattara ne se soit pas arrêté pour causer avec le président de la République ou le fait qu’il ne l’ait pas cité ou remercié publiquement n’est pas un signe de défiance. » Selon lui, Koulouba, dans le contentieux ivoirien, n’a jamais opté pour le double langage ou le double jeu : « Le patron avait une seule chose à l’esprit : la sécurité et la sûreté des deux millions de Maliens installés en Côte d’Ivoire. Il fallait tout faire pour que ce pays ne bascule pas dans la guerre civile. Le président ATT ne pouvait faire des déclarations fracassantes qui auraient mis en danger nos compatriotes. Je crois que dans ce genre de situation, la prudence est la seule attitude responsable. »
Il semble évident, de part les avis de tous les analystes, qu’Alassane Dramane Ouattara ne manifeste aucune sympathie pour les autorités actuelles du Mali. Depuis son installation au pouvoir, il a visité le Sénégal, le Burkina Faso et la France. Pourtant, le pays le plus lié à la Côte d’Ivoire et le plus proche des sympathisants d’ADO est le Mali. On aurait pu comprendre une visite au Ghana, admettre une virée à Ouagadougou, mais ignorer Bamako n’est pas fortuit.
Pour des raisons économiques, sociales et historiques, il est urgent de rebâtir les ponts avec la Côte d’Ivoire. La diplomatie malienne a le devoir de se mettre rapidement à l’œuvre pour lever les équivoques et les malentendus. Les rancunes et règlements de comptes ne sont à l’avantage d’aucun peuple. Le Port d’Abidjan est vital pour le développement du Mali. Le seul fait de constater le calvaire vécu sur l’axe Dakar-Bamako a fini de convaincre nos opérateurs économiques que le corridor naturel du Mali est celui d’Abidjan. Et pour les millions de nos compatriotes vivant dans ce pays, un réchauffement rapide des relations entre les deux Etats et leur chef est une urgence absolue.
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