«Nous avons été inquiets quand nous avons appris que nos enfants sont descendus dans la rue. Nous avons été inquiets quand nous avons appris que les forces de l’ordre ont mis la ville en état de siège. Nous avons été inquiets quand nous avons appris que 50 de nos enfants ont été arrêtés et déportés à Kayes pour les mettre en prison». C’est en substance ce qu’a déclaré Me Hamidou Diabaté au nom du Collectif des députés de Kita à l’ouverture du séminaire inter institutionnel que l’Assemblée nationale organise actuellement dans cette ville.
La cérémonie d’ouverture de ce séminaire, qui doit durer 3 jours, était présidée par le Pr Dioncounda Traoré. Elle a enregistré la présence de plusieurs députés, des organisations de la société civile, de l’ensemble des sous-préfets et conseillers communaux du cercle de Kita et des professionnels des médias.
Le thème de ce séminaire est «Le renforcement des institutions républicaines et le dialogue avec les communautés à la base et la société civile». En plus de ce thème central, plusieurs sous thèmes, comme les attributions des services déconcentrés de l’Etat et des collectivités territoriales, les relations entre eux, culture de la paix et gestion locale, le nouveau citoyen et ses responsabilités dans le contexte de la démocratie: relations entre l’administration et les populations et, enfin, les organisations de la société civile face à leurs responsabilités d’encadrement, de sensibilisation et de défense des populations seront débattus.
Kita est une ville distante de seulement 180 km de Bamako et constitue aujourd’hui un carrefour s’ouvrant sur la Guinée et le Sénégal. Concurremment à l’augmentation de la population, la ville connait une urbanisation qui correspond bien à son statut actuel. Il s’ensuit également une complexité des rapports sociaux. Cette réalité remet à l’ordre du jour les problèmes d’une gouvernance démocratique de la cité. Celle-ci doit s’appuyer sur une concertation entre gouvernants et citoyens en vue de prévenir des conflits intercommunautaires et les rebellions.
Les évènements survenus à Kita ces deux dernières années illustrent largement cette nécessité. Il s’agit de la mort d’un apprenti chauffeur par balle, dans la nuit du mardi au mercredi 15 juillet 2009, dans la commune rurale de Kobri, localité située à 45 km de Kita. Cela a occasionné des actes de pillage et de vandalisme. Plusieurs services publics, dont les impôts, le camp de garde, le commissariat de police, le camp de la gendarmerie, la direction de la douane, la justice, la direction de l’urbanisme et de l’habitat, ont été saccagés. A une époque plus récente, en décembre 2010, à la faveur de sorties intempestives des étudiants à la demande du proviseur du lycée public, la police, dans une opération de maintien d’ordre, a procédé à des jets de gaz lacrymogènes sans en informer le préfet ou le maire. Cet acte a provoqué un accrochage entre l’édile et un policier. A cela, s’ajoute le désarroi de la population qui se plaint d’être rançonnée par les services de répression.
Pour toutes ces raisons, Me Hamidou Diabaté pense que ce séminaire est la consécration d’un désir de vivre ensemble. C’est pourquoi il a émis le vœu qu’à sa fin ses conclusions puissent rester auprès des maires des sous-préfets, des chefs de service et des organisations de la société civile. Cela pour éviter que des évènements de ce genre ne se reproduisent à nouveau dans la capitale des arachides.
Pour le Président de l’Assemblée nationale, Kita a beaucoup donné à notre pays, tant du point de vue historique que politique. Elle a participé à toutes les luttes d’indépendance ainsi qu’à celle du 26 mars 1991. Pour lui, ce thème est approprié, au regard des épreuves que Kita vient de connaître, qui traduisent un malaise profond qui interpelle les gouvernants de la cité. «Pour la levée des impôts et taxes, on n’a pas besoin de commettre d’actes homicides sur les citoyens imposables. Pour une activité de maintien d’ordre, il n’est nul besoin d’actes de violence sur un représentant de l’autorité, en l’occurrence celui-là même sous l’autorité duquel doit s’exercer le maintien de l’ordre», a-t-il précisé. Avant de dire qu’à l’évidence, la seule existence de ces problèmes pose une question de formation et de compréhension du rôle des institutions et de leur relation avec les populations. A en croire le président de l’Assemblée nationale, ce séminaire revêt une importance capitale pour son institution. Il se veut comme un essai de réponse aux problèmes posés. «Il s’agit d’un séminaire test, dont les conclusions devront servir pour des expériences similaires dans d’autres régions du pays», a t il souligné. Dioncounda Traoré est convaincu que l’institution d’un dispositif permanent de concertation entre les différentes parties prenantes de la gouvernance locale pourrait fournir une piste qui donnerait sens à la nouvelle citoyenneté qui sied à l’Etat démocratique. Pour lui, les institutions, pour leur pérennité, ont besoin de correspondre à une représentation culturelle dans l’esprit des citoyens. «Des institutions coupées des populations n’ont aucune chance de durabilité, si ce n’est par le moyen de la force, toute chose entrainant une rupture dans l’ordre démocratique», a t il indiqué, en rappelant que le citoyen doit être au centre des préoccupations de nos institutions et de tous les services qui en sont les émanations.
Youssouf Diallo, envoyé spécial à Kita