Deux ans et 4 mois après son renvoi à l’Assemblée Nationale par le président de la République pour une seconde lecture, le feuilleton du Code des personnes et de la Famille vient de connaître son épilogue avec son adoption sans débat lors de la séance plénière du 2 novembre 2011.
121 voix pour, 0 contre et 0 abstention, voilà le résultat du vote du fameux projet de loi portant sur le Code des Personnes et de la Famille. Voté à l’unanimité, ledit projet de loi n’a fait l’objet d’aucun débat.
Pourquoi l’examen du projet de loi portant Code des personnes et de la famille continuait de faire l’objet d’hésitations à l’Assemblée Nationale? Qui mettait des pressions sur le gouvernement par rapport à certains articles du texte malgré les concertations entre les différents partenaires ? Pourquoi, y avait t-il autant d’agitations autour du document ? Inscrit à l’ordre du jour de la séance plénière du jeudi 1er décembre, le texte n’a été examiné et adopté que le vendredi 2 novembre du fait de l’absence du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Maharafa Traoré et le souhait exprimé par le Premier ministre d’ avoir des concertations avec certains ministres sur ledit document. Le président de l’Assemblée nationale a protesté contre cette demande de renvoi exprimée par le Gouvernement, avant de retarder la délibération du projet de loi à la séance du vendredi 2 novembre 2011. Ce projet de loi portant sur le Code des personnes et de la Famille devrait être adopté sans difficultés par l’Assemblée Nationale après son renvoi par le président de la République. Parce que dès le lendemain du renvoi, la Commission des lois de l’Assemblée Nationale n’a pas tardé à mettre en place une Commission ad hoc composée de représentants du Haut Conseil Islamique et des députés. Cette commission a travaillé pendant trois mois sous la présidence du président de l’Assemblée Nationale pour appréhender les points sur lesquels la relecture était demandée. Après ce travail, la Commission a procédé à l’écoute des personnes ressources et des représentants du gouvernement. La Commission des lois, dans sa démarche de correction, s’est inscrite dans la perspective de la recherche de la cohésion et de la paix sociale en prenant en compte des préoccupations majeures de l’heure, comme le souhaitait le président de la République, en renvoyant le projet à la seconde lecture : «Ne point perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois ; qu’elles doivent être adaptées aux caractères, aux habitudes, à la situation des peuples pour lsequels elles sont faites.»
C’est après cette participation des différents acteurs et sur la base du travail de la Commission ad hoc que le document corrigé a été déposé sur la table de l’Assemblée Nationale. Un vote sans débat. Sur les 1143 articles du document renvoyé en seconde lecture, 51 articles ont été retouchés. Ils sont relatifs aux droits de la personne, au mariage religieux, au divorce, à la filiation naturelle et à l’adoption, à la minorité, à la tutelle, à l’émancipation et enfin aux successions.
L’article portant sur les droits de la personne, la modification proposée vise à la prise en charge de la religion et de la coutume dans les dispositions qui garantissent le respect de la personne humaine et de sa dignité, pour mieux asseoir la notion des droits de la personne humaine dans le contexte culturel et religieux du pays. Tout comme les droits des personnes, les dispositions relatives au mariage ont retenu l’attention de la seconde lecture qui donnera désormais au mariage religieux tous les effets civils du mariage, à l’instar de celui célébré devant l’officier d’état civil. La consécration légale du mariage religieux a pour conséquence un certain nombre de modifications des dispositions du livre II. En ce sens, le mariage cesse d’être laïc pour rester uniquement un acte public. Le caractère laïc avait pour effet d’exclure le religieux. Les autres amendements proposés au texte sur ce point sont relatifs à l’âge qu’on a ramené à 18 ans pour l’homme et 16 ans pour la femme, avec la possibilité d’une dispense accordée par le chef de circonscription administrative, mais susceptible de recours.
Sur le point relatif à l’article 748 portant sur le mode de dévolution successorale, le premier amendement a consisté, s’agissant des dispositions générales à édicter les règles communes suivant lesquelles la succession doit être dévolue. Désormais, les règles du droit religieux, du droit coutumier et les règles du livre VII consacrées aux successions sont placées sur le même pied d’égalité et les citoyens demeurent libres de faire l’option qui leur convient. A la différence de la précédente rédaction, le recours à la dévolution successorale suivant les règles religieuses ou coutumières n’apparait plus comme exceptionnel ou secondaire.
La Commission des lois, dans son rapport, estime que les amendements proposés suite à la seconde lecture n’ont pas remis en cause les grands principes de droit et n’ont pas davantage fermé la porte à l’évolution vers le progrès amorcée par notre société. Mais ont réalisé plutôt une adaptation desdits principes au contexte culturels et religieux dans lequel s’inscrit cette évolution.
Parallèlement à l’adoption du projet, la Commission des lois a formulé des recommandations. Il s’agit de l’adoption d’un statut des ministres du culte habilités à célébrer le mariage religieux, dans la concertation entre les pouvoirs publics, le Haut conseil islamique et les églises ; la mise en place par les pouvoirs publics, en concertation avec les ordres religieux, d’une structure d’accueil d’aide et d’assistance à l’éducation de enfants abandonnés qui contribuerait à la moralisation des processus d’adoption et enfin mettre l’accent sur la sensibilisation des populations et des organisations de la société civile pour une meilleure compréhension du texte.
Après l’adoption du texte à l’unanimité des députes présents, les élus de la nation ont salué l’esprit d’ouverture du Haut conseil islamique et surtout l’attachement du peuple malien à l’unité et à la cohésion sociale.
Rappelons que le Code a été renvoyé en seconde lecture par le président de la République après son adoption le 3 août 2009 par l’Assemblée nationale. Ce Code avait été vivement critiqué par le Haut conseil islamique qui contestait notamment les articles portant sur la non-légalisation du mariage religieux, l’âge du mariage fixé à 18 ans pour la fille, le droit à l’héritage pour les enfants nés hors mariage, entre autres. Les religieux estimaient que le Code, dans sa première lecture votée par l’Assemblée nationale, ne respectait pas les traditions et les coutumes du pays.