La session extraordinaire du conseil des ministres du vendredi 10 mars a adopté un projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992. L’objectif est de prendre en compte les réalités sociopolitiques du pays et de corriger les vides juridiques requis pour l’encrage d’une démocratie moderne.
La signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger, en mai et juin 2015, ici à Bamako, a donné une lueur d’espoir au peuple malien.
Et depuis lors, les efforts déployés par le gouvernement pour permettre son application sont encourageants. C’est le cas de l’installation des autorités intérimaires et le démarrage des patrouilles mixtes dans les régions nord du Mali.
Dans la même perspective, certaines dispositions de l’Accord exigent la révision de la Constitution en vigueur depuis février 1992. Le souci c’est de l’adapter aux réalités conformément à la mise en œuvre de l’Accord, puis corriger les lacunes et les insuffisances constatées au cours de ces dernières années du processus démocratique.
A titre illustratif, dans le chapitre 1: principes et engagements, précisément à l’article 3, un besoin de la révision de cette Constitution se fait sentir, selon ce qui suit :
«les Institutions de l’Etat malien prendront les dispositions requises pour l’adoption des mesures règlementaires, législatives voire constitutionnelles nécessaires à la mise en œuvre des dispositions du présent Accord, en consultation étroite avec les parties et le soutien du Comité de suivi prévu par l’Accord de paix, issu du processus d’Alger ».
Conformément à cet engagement prescrit dans l’Accord de paix et de réconciliation nationale, le Conseil des Ministres extraordinaire du vendredi 10 mars 2017 a adopté un projet de loi relatif à la révision de la Constitution du 25 février 1992 et transmis, dans les jours suivants, à l’Assemblée Nationale pour son vote.
Toutefois, il faut signaler que cette révision constitutionnelle vise à corriger les lacunes et les insuffisances de la présente loi fondamentale.
Pour rappel, le premier Président de la 3e République avait éprouvé, au cours de son second mandat, la nécessité d’une révision de la Constitution. Malheureusement, son initiative n’a pas abouti pour diverses raisons.
Aussi, le deuxième Président de la 3e République avait, à son tour, au cours de son second mandat, initié une procédure de révision de la Constitution en vue «d’adapter l’outil à l’objet, la lettre à la pratique pour mieux avancer dans la construction d’un système démocratique performant». Cette initiative également n’a pas abouti en raison des évènements survenus dans notre pays en mars 2012.
Fragilité des institutions
Il faut noter que la crise sécuritaire et institutionnelle qui s’en est suivie a révélé la fragilité des institutions de la 3e République et montré l’évidence de la nécessité d’une révision constitutionnelle.
Constatant ses lacunes et ses insuffisances, après un quart de siècle de pratique démocratique du pouvoir, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, avait mis en place, en avril 2016, un comité d’experts chargé d’élaborer l’avant-projet de lois de révision de la Constitution.
Sur la base de l’avant-projet de lois proposé par ce comité d’experts et adopté par le Conseil des Ministres, signalons que cet avant-projet de lois fait référence dans son préambule à la Charte de Kuru Kan Fuga ou Charte du Mandé adopté en 1236 pour valoriser le patrimoine culturel et historique du Mali.
Les clauses de l’Accord
L’urgence de cette révision constitutionnelle est de permettre de faire en sorte qu’elle puisse prendre en compte les clauses de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation nationale au Mali. Un Accord issu du processus d’Alger. C’est pour valoriser les acquis des précédentes tentatives de révision constitutionnelle et corriger les insuffisances de la Constitution du 25 février 1992.
Indéniable, le projet de lois proclame la volonté du Peuple malien de préserver et de renforcer les acquis démocratiques de la Révolution du 26 mars 1991, les principes intangibles de l’intégrité territoriale, de la souveraineté nationale, de la forme républicaine et de la laïcité de l’Etat. Aussi, il affirme la détermination du Peuple souverain du Mali à maintenir et consolider l’unité nationale, son attachement aux valeurs universelles que constituent les droits inaliénables et inviolables de la personne humaine, à la réalisation de l’unité africaine et son adhésion aux principes protecteurs du patrimoine commun de l’Humanité proclamé dans les conventions COP 21 et 22 de Paris et de Marrakech.
Contrairement à la Constitution du 25 février, la nouvelle révision engendrera huit(8) institutions, au lieu de neuf(9) précédemment. Il s’agit de, dans l’ordre, prééminence suivant : le Président de la République, le Gouvernement, l’Assemblée nationale, le Sénat, la Cour constitutionnelle, la Cour suprême, la Cour des Comptes, le Conseil économique, social, culturel et environnemental.
Par ailleurs, la Haute Cour de justice ne figure plus parmi les Institutions de la République mais elle demeure compétente pour juger le Président de la République et les Ministres mis en accusation devant elle par le Parlement pour haute trahison ou crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat.
A noter que le projet de lois n’entraine pas un changement de République, ne remet pas, non plus, en cause la durée et le nombre du mandat du Président de la République.
Amara BATHILY