Le Vérificateur général Sidi Sosso Diarra vient de publier son cinquième rapport annuel. Des documents précieux mais peu exploités tant par la Justice que par l’Assemblée nationale, deux institutions pourtant incontournables dans le processus de contrôle de la gestion des affaires publiques. Si la première s’est signalée par une timide exploitation de ces rapports annuels, la seconde, malgré la mise à nu de 360 milliards de FCFA de manque à gagner, n’a pas jugé utile de s’approprier les précieux documents pour interpeller les membres du gouvernement impliqués de près ou de loin dans certains de ces dossiers.
‘Assemblée nationale, au-delà de sa mission législative, a une mission de contrôle de l’action de l’exécutif. A ce titre, les députés de la nation ont la possibilité d’interpeller les membres du gouvernement par rapport à des cas de manquements dans la gestion des affaires publiques. Des séances d’interpellation et de questions orales nous sont servies en permanence dans ce sens. Mais, dans la plupart des cas, celles-ci portent sur les sujets à coloration plus locale. Les élus de la nation étant plus préoccupés à se faire une image auprès de l’électorat de leur circonscription.
Pourtant, les différents Rapports du Végal ont été envoyés chaque fois à l’Assemblée nationale en plusieurs exemplaires. Le président de l’institution les reçoit officiellement des mains de Sidi Sosso Diarra après le Chef de l’Etat et le Premier ministre. Le BVG prend soin aussi d’envoyer des exemplaires en colis pour les vice-présidents et les présidents des groupes parlementaires qui représentent toutes les sensibilités politiques représentées à l’Assemblée nationale. Ces rapports devraient donc constituer des mines d’informations qui devraient inspirer les honorables dans l’exercice quotidien de contrôle de la gestion des affaires publiques.
Malheureusement, tel n’a jamais été le cas. Les colis de Rapports de Sidi Sosso Diarra sont rangés dans les armoires de Bagadadji comme un cadeau empoisonné. Dioncounda et ses camarades ne prennent même pas soin de les ouvrir. Des faits qui ont été publiquement révélés, la semaine dernière, au cours d’une conférence-débat animée devant les étudiants de la FSEG par Sidi Sosso Diarra. Il a exprimé sa surprise de constater que l’Assemblée nationale est restée indifférente à ses rapports et qu’au même moment les députés s’évertuaient à interpeller les ministres sur des questions de moindre importance que les faits mis à jour par le BVG.
Or, chaque Rapport annuel du Vérificateur général du Canada, dont notre pays s’est inspiré, donne droit à des débats intenses au parlement d’Ottawa à cause de la volonté des représentants du peuple à faire la lumière sur les faits constatés. Au Mali, on a l’impression que les députés ont peur des Rapports du Végal. Face à cette situation, les interprétations divergent.
Certains soutiennent que les députés ne sont pas été suffisamment formés de manière à exploiter, comme il le faut, les Rapports du Bureau du Vérificateur général. Histoire de nous faire comprendre que bon nombre de députés, dont le niveau d’instruction laisse à désirer, ont du mal à décoder les termes techniques du document rédigé par les vérificateurs. Aussi, pense t-on que les députés ont voté la loi créant le BVG sans être pertinemment convaincus de son utilité dans le système de vérification de notre pays. Bon nombre d’entre eux ont voté la loi, tout simplement, parce que c’était un projet du président ATT, dont ils se réclamaient. Maintenant, quant aux Rapports du Végal, c’est une affaire qui doit se résoudre ailleurs.
Certes, la justice a un rôle important à jouer dans leur exploitation, mais les honorables aussi ont une partition importante à jouer. Certains soutiennent que les députés maliens ne peuvent pas s’engager ouvertement dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Tout simplement parce nombre d’entre eux ne sont pas des modèles de sainteté.
En effet, certains députés, qu’ils soient des opérateurs économiques ou des agents de la fonction publique, ne peuvent pas, dans la plupart des cas, grimper sur l’arbre de la transparence. Car compromis dans des scandales financiers, de délinquance financière, ou de trafic de passeports voir de blanchiment d’argent. Couverts par l’immunité parlementaire, ils n’ont pas été inquiétés. A un certain moment, on s’interrogeait même si l’Assemblée nationale du Mali n’était pas devenue un refuge pour " bandits " et " délinquants " de la République.
La peur n’est-elle pas d’autant plus justifiée si l’on sait que la gestion de l’Assemblée même n’est pas à l’abri des vérifications de Sidi Sosso et ses limiers. En effet, après avoir déjà fouiné dans les projets gérés directement par la Présidence de la République et la Primature, l’Assemblée nationale est l’une des institutions de la République à n’avoir pas encore reçu la visite du BVG.
En tout cas, les députés sont attendus lors des prochaines sessions sur l’attitude qu’ils pourraient afficher quant à l’exploitation des Rapports du BVG. Sidi Sosso Diarra ayant décidé de les sensibiliser davantage. En effet, il a effectué, au mois de juin 2010, un voyage d’étude au Canada avec un groupe de parlementaires maliens sur invitation de Sheila Fraser, Vérificatrice Générale du Canada. Cette visite visait à montrer à nos parlementaires l’interaction et la fructueuse collaboration qui existent entre le Bureau de Madame Fraser et le Parlement Canadien. Ils ont pu assister ainsi à une séance d’interpellation au parlement sur la base du rapport de la Vérificatrice de ce pays. Espérons que la leçon servira à quelque chose.
Youssouf CAMARA