Après la proclamation des résultats définitifs du second tour des législatives par la Cour Constitutionnelle, le mardi 31 décembre 2013, les nouveaux élus sont attendus toute cette semaine à l’hémicycle pour leur enregistrement et leur installation comme député. En principe, le nouveau Parlement sera convoqué par le Président de la République, le lundi 13 janvier prochain pour la mise en place du Bureau du parlement, notamment l’élection d’un nouveau Président de l’Assemblée nationale, et les Commissions de travail. Si la majorité est connue, force est d’admettre que des alliés du président IBK s’inviteront sur le banc de l’opposition.
On sait déjà que l’architecture de la prochaine assemblée nationale dégage une majorité relative favorable au parti du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, le RPM avec 66 députés élus contre 17 et 16 pour le parti de ses concurrents, Soumaïla Cissé de l’URD et Dramane Dembélé de l’ADEMA-PASJ, respectivement 2ème et 3ème au scrutin présidentiel de juillet et août 2013. Pas besoin d’être alchimiste pour savoir que le RPM dispose avec ses seuls alliés de première zone, que sont : l’UM-RDA Faso Jigui, le MIRIA, l’ASMA-CFD, l’ADP-Maliba, l’UDD et l’APR, de la majorité absolue, qui est de 74 voix. Dans une certaine mesure, s’y ajoute à ceux-ci, une seconde liste, constituée d’alliés de seconde zone, c’est-à-dire les ralliés du second tour, à savoir : la SADI, la CODEM, la CDS, le Yelema, le PRVM, le CNID et le MPR.
Ainsi dès la convocation du Parlement, le gouvernement de mission que dirige en ce moment Oumar Tatam Ly, devra tirer toutes les conséquences politiques du changement au Parlement et rendre sa démission au Président de la République, qui nommera un nouveau Premier ministre, lequel formera son gouvernement. A cet effet, sauf changement de dernière minute, sinon Oumar Tatam Ly a des chances de rempiler. Car, lors de la cérémonie de présentation des vœux du gouvernement, le Président de la République a saisi l’occasion pour renouveler sa confiance en cet homme. Comme si cela ne suffisait, il a profité, de son discours à la nation du nouvel an pour lever toute équivoque sur un maintien aux affaires de Tatam Ly à la Primature, obligeant certains proches très influents à revoir leur calendrier.
Si l’on sait donc que le parlement sera convoqué le lundi prochain et que le gouvernement de mission subira les conséquences politiques de cette convocation, force est de reconnaître que l’architecture du nouvel attelage gouvernemental demeure une énigme. Tout ce que l’on sait, c’est que les larmes de déception risquent d’inonder certains cabinets ministériels de l’actuel gouvernement.
De sources dignes de foi annoncent même que le nouveau Premier ministre, Oumar Tata Ly, qui succède à lui-même, a commencé les consultations pour la formation du nouveau gouvernement, depuis plus d’une semaine. Selon nos sources, durant les deux week-ends successifs, le banc des audiences à la Primature était devenu trop étroit à recevoir les nouveaux promus, des probables remerciés et les reconduits. Les visiteurs se bousculaient dans les couloirs de l’immense bâtisse du bord du Djoliba.
En outre, avec le nombre d’élus obtenu par ses alliés dits de première zone, il est évident qu’aucun d’eux ne peut à lui seul former un groupe parlementaire, encore moins revendiquer ou exiger de part sa position un poste dans le futur gouvernement. D’où l’occasion pour lui à ne pas rééditer le scénario de la mandature de 2002.
Eviter à tout prix le scénario de 2002 !
Pour mémoire, l’histoire remonte à l’élection présidentielle d’avril 2002, où IBK arrive troisième sur la liste. Une défaite inattendue, qui l’a beaucoup contrarié. Il s’estimait être triché par le pouvoir sortant, incarné par un certain Alpha Oumar Konaré. Très déprimé par cette contre performance, il s’était enfermé d’une muraille, fermant toutes les issues à d’éventuelle négociation avec ATT. Lequel le courtisait. Certaines indiscrétions rapportent, qu’il était plutôt favorable au challenger d’ATT, le candidat Soumaïla Cissé. Mais, l’intervention de plusieurs personnalités très influentes, comme feu Oumar Bongo du Gabon, aurait eu raison de sa carapace de démocrate. Il accepta de soutenir ATT contre son ancien camarade de l’ADEMA-PASJ. En récompense à son soutien, ATT favorisa l’émergence du RPM sur le paysage politique national. Au sortir des deux tours du scrutin législatif qui a suivi, le RPM caracole en tête avec 70 députés fleuretant la majorité absolue, qui fait 74 députés. Son alliance avec le pouvoir d’alors profita à ses alliés d’Espoir 2002, le regroupement politique auquel sa formation appartenait. Mais très futé, ATT n’aura pas favorisé la formation d’une majorité parlementaire autour du RPM. L’objectif était d’’empêcher les tisserands à prendre le contrôle du gouvernement. Ayant décelé les vraies ambitions du président des Tisserands, ATT usa de toute son influence pour démanteler Espoir 2002, afin d’isoler IBK.
En effet, sans être dans tous les secrets des clauses de la coalition, il nous est revenu que le regroupement avait convenu d’une clé de répartition des postes à l’hémicycle. Dans le schéma arrêté, la Présidence revenait au RPM, la 1ère vice-présidence au CNID et la questure au MPR. Mais, après seulement une année parlementaire, certains élus RPM commencèrent à revendiquer la questure. Mais, c’était sans compter avec la détermination du président des Tigres, Choguel K. Maïga de défendre bec et ongle sa chose. Profitant de sa position de ministre de l’Industrie et du commerce dans le gouvernement d’alors, le président du MPR, avait déjà bien étalé ses tentacules dans les labyrinthes du pouvoir. Fort de son poids auprès du locataire de Koulouba, le MPR déclencha aussi tôt les hostilités. Pendant ce temps, le CNID aussi qui avait réussi à bien pénétrer les méandres du pouvoir à travers son ministre de l’Artisanat et du tourisme d’alors, NDiaye Ba, ambitionnait de s’affranchir des chantages de certains élus du RPM. Ceux-ci ne rataient pas d’occasion de les rappeler les conditions de leur élection. Les deux font d’une pierre deux coups.
Signalons qu’effectivement, beaucoup d’élus du CNID, y compris Me Mountaga Tall et du MPR, notamment Oumar Kanouté de la Commune IV, avaient été élus en portage sur des listes RPM. Ces querelles de positionnement ont été amplifiées par le pouvoir, qui avait souci de casser le regroupement pour affaiblir IBK avant la présidentielle d’avril 2007. ATT réussit son coup en favorisant la désagrégation de la coalition « Espoir 2002 » et le regroupement se fonda comme de la glace au soleil.
Tirant les leçons de cette mésaventure, IBK veut-il éviter un scénario du genre pendant cette mandature, l’avenir nous en dira ? Mais, ce qui est sûr, la politique du tout pour moi seul peut être suicidaire pour le RPM. La stratégie fait déjà des remous, certes sournois, mais réel au sein de la majorité présidentielle. Certains alliés se sentent trahis par le RPM, qui a joué à l’hégémonie partout, laissant aux alliés la portion congrue. Déjà à l’ADEMA-PASJ, le torchon a commencé à se consumer. Certains barons ne cachent plus leur amertume face à ce qu’ils qualifient de poignard dans le dos. Les plus amers revendiquent une place déjà dans l’opposition que de subir cette humiliation.
A suivre
Mohamed A. Diakité
“Eviter à tout prix le scénario de 2002…” C’est inévitable.L’opposition est le pire cauchemard des politiques maliens. Tous les partis politiques vont s’erriger en Fan Club.On verra bien.
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