Les députés devraient en principe plancher le jeudi prochain, en séance plénière, sur le projet de loi portant création de la Commission vérité, justice et réconciliation. Seulement, il semble que les représentants du peuple sont très réservés quant aux contours de cette Commission dont les travaux vont s’étendre sur la période de 1960 à 2013. Les députés estiment qu’elle ne doit couvrir que la période trouble de la grave crise de 2012-2013 pour, disent-ils, “ne pas remuer le couteau dans de vieilles plaies déjà cicatrisées”.
Certains parlementaires voient, en effet, d’un très mauvais œil la possibilité d’auditionner, dans le cadre de cette Commission, les enfants et autres ayant-droits des Fily Dabo Sissoko, Marba Kassoum Touré, Mamadou M’Bodge, Hammadoun Dicko, Modibo Kéita, Kissima Doucara, Tiécoro Bagayoko et autres victimes d’exécutions ou d’assassinats dans des conditions restées encore troubles…
En fouillant dans les décombres du passé en vue de s’édifier sur l’histoire commune pour se pardonner, de vieilles rancoeurs risquent d’être ressuscitées. C’est pourquoi de nombreux députés confient qu’ils vont rejeter le texte dans sa conception actuelle.
La question se pose alors de savoir si l’on s’achemine vers le premier écueil entre l’exécutif et le législatif, étant donné que les députés assurent que l’Hémicycle ne sera plus une chambre d’enregistrement.
Joint par nos soins pour en savoir plus sur la séance plénière de demain, le président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, Idrissa Sankaré, a déclaré que celle-ci n’a pas eu le temps nécessaire pour terminer les écoutes des personnes ressources. “Nous n’avons pas pu écouter, comme cela se doit, les membres de la société civile sur ce texte. Je crois que le texte sera probablement renvoyé à la prochaine séance plénière”, a-t-il indiqué. La prochaine plénière est prévue pour le 6 mars prochain. Mais, aux dernières nouvelles, une source parlementaire annonce que la séance plénière de demain serait reportée. Un recul pour mieux sauter ?
Signalons que la Commission Vérité, Justice et Réconciliation a pour mission de “contribuer à l’instauration d’une paix durable à travers la recherche de la vérité, la réconciliation et la consolidation de l’unité nationale et des valeurs démocratiques”. A ce titre, elle est chargée d’ “enquêter sur les cas de violation graves des droits de l’Homme individuelles et/ou collectives commises dans le pays et, spécifiquement celles commises à l’égard des femmes et enfants, mener des enquêtes sur les cas d’atteinte à la mémoire individuelle et/ou collective et au patrimoine culturel… ”
Dans ce contexte, la question se pose de savoir comment concilier les besoins de réconciliation avec l’impérieuse nécessité de faire transparaître la vérité et la justice en regardant si loin (depuis 1960) dans le rétroviseur de l’histoire ? Cette question trotte dans les esprits des représentants du peuple et de plusieurs observateurs quant on sait que le président IBK s’est entouré d’une coalition de partis parmi lesquels les héritiers des pères de l’indépendance.
En effet, combien de fois les responsables de l’UM-RDA réclament la “vérité” à propos de certains faits ayant marqué l’histoire du pays, l’organisation de funérailles nationales à feu président Modibo Kéita, etc ? De même, les héritiers du PSP de Fily Dabo Sissoko et de Hammadoun Dicko, malgré la réconciliation scellée entre eux et les militants de l’US-RDA sous ATT, n’hésitent pas à exiger le rétablissement de la “vérité de l’histoire” du Mali. Une vérité qui blesse le plus souvent.
Bruno D SEGBEDJI
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